De l’espoir à la désillusion : le sombre tableau des droits humains en Guinée sous le CNRD

Me Frédérique Foromo Loua, directeur exécutif de l’ONG Mêmes droits pour tous

Le 10 décembre de chaque année est consacré à la célébration de la Journée internationale des droits de l’homme. Une date mise à l’honneur pour faire la situation du respect des droits de l’homme à travers le monde. En Guinée, cette année, la date est célébrée sur fond de restrictions de liberté d’expression, d’arrestations arbitraires, de disparition forcée et détention prolongée des adversaires au régime de transition en place depuis le 05 septembre 2021.

Dans une interview accordée à notre rédaction, Me Frédéric Foromo Loua, avocat au barreau de Guinée et directeur exécutif de l’ONG “Mêmes Droits pour Tous”, déplore une dégradation notable des droits de l’homme depuis le début de la transition sous la junte militaire du CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement).

« Depuis l’avènement du CNRD, nous avions espéré un renouveau, un souffle de liberté pour la Guinée. Les discours initiaux portaient un message d’espoir. Mais aujourd’hui, nous assistons à un recul regrettable et systématique des droits de l’homme, touchant toutes les générations de droits : civils, politiques, économiques, sociaux et culturels », a-t-il déploré.

Pour Me Loua, la responsabilité première incombe à l’État, garant des engagements internationaux en matière de droits de l’homme. Cependant, il constate que l’État lui-même est devenu le principal acteur des violations.

« La Guinée est désormais sans presse critique. Les médias les plus écoutés et les plus indépendants ont été réduits au silence. Ce qui subsiste, ce sont des radios qui se limitent à des programmes folkloriques, sans débats ni analyses sérieuses sur la gestion du pays », a-t-il indiqué.

L’avocat met également en lumière des pratiques alarmantes, telles que les arrestations arbitraires, les détentions prolongées sans procès, et même des cas de kidnapping.

« Des personnes sont arrêtées en dehors de toute procédure légale et conduites dans des lieux inconnus. Cela a créé un climat de peur, d’insécurité et d’incertitude dans tout le pays. En tant que citoyens, nous avons le droit de vivre sans crainte dans notre propre pays », a-t-il dit.

Me Loua souligne les défis majeurs du système judiciaire guinéen, particulièrement en ce qui concerne la détention prolongée de dignitaires de l’ancien régime et de nombreux détenus de droit commun.

« Ces détentions, souvent illégales, révèlent les failles profondes de notre justice. Nous sommes loin des principes fondamentaux de l’État de droit », a-t-il fustigé.

Il appelle les autorités à respecter la charte de la transition, document censé garantir les libertés fondamentales et baliser la transition politique.

« Cette charte, qui suscitait tant d’espoir, a été oubliée. Les Guinéens ont le droit de critiquer, de dénoncer ce qui ne va pas, sans craindre de représailles. La Guinée appartient à tous », a-t-il dit.

Dans un pays où l’incertitude semble dominer, Me Loua exhorte les autorités à revenir aux fondamentaux et à restaurer un climat de confiance.

« Les droits de l’homme ne sont pas un luxe, ils sont la base d’une société juste et équilibrée. Il est urgent que les autorités guinéennes assument leurs responsabilités et mettent fin à ces dérives », a-t-il souligné.

Alors que le monde célèbre la Journée internationale des droits de l’homme, la Guinée se trouve à un carrefour décisif. Cela illustre les défis à relever pour que les idéaux de justice et de liberté ne restent pas lettre morte dans ce pays en quête de stabilité et de renouveau démocratique.

Lamine Kaba pour Guineematin.com 

Tél : 620995917

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