Tribunal de Mafanco : une franco-guinéenne risque 10 ans de prison dans une affaire de 4,3 kg de cocaïne

Une nouvelle affaire de trafic international de drogue est jugée au tribunal de première instance de Mafanco, dans la capitale guinéenne. Elle implique une franco-guinéenne, du nom de Fatoumata Binta Diallo, interpellée avec une valise contenant 4,3 kilogrammes de cocaïne à l’aéroport de Conakry. Alors que l’accusée affirme que la poudre en question ne lui appartient pas, le ministère public a requis sa condamnation à 10 ans d’emprisonnement et au paiement de 300 millions de francs guinéens d’amende. C’était à l’occasion des réquisitions faites à l’audience criminelle récemment, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Appelée à s’expliquer à la barre du tribunal dirigé par Mohamed Sangaré, l’accusée Fatoumata Binta Diallo, commerçante, née en 1986, déclare que la valise contenant cette cocaïne ne lui appartenait pas.

« Je n’ai jamais reconnu que cette substance m’appartenait. J’ai enregistré mon bagage. J’ai l’habitude de payer la taxe douanière. Ma valise a été enregistrée le samedi. Ma valise a passé la nuit à l’aéroport. Le samedi, je suis arrivée à 18h. Le vol a été annulé. Je suis revenue le dimanche à 8h. Les douaniers m’ont montré une valise et j’ai dit que c’est ma valise. Ils ont ouvert la valise et il y avait de la poudre. Il y avait mes effets personnels : chaussures, habits, nourriture africaine. Je suis française. Je suis commerçante. Je vends des habits, des chaussures et des mèches. La valise est passée sous le rayon X le samedi. Il y a un checking. Et rien n’a été vu. Ce qu’ils ont retrouvé dans ma valise était séparé de mes effets personnels. Quand ils ont enlevé mes effets personnels, ils ont cassé et trouvé ça dedans. Ils m’ont montré la valise portant une étiquette à mon nom. Je suis enregistrée au registre du commerce. J’ai pris cette valise avec la famille à Paris. C’est une valise ordinaire. Je ne sais pas qui a placé cette substance dans la valise. Ils ont récupéré la clé et ont commencé à me prendre en photos. Donc, à partir de là, je n’ai pas prêté attention à ce qu’ils faisaient. Je partais à Paris et je ne sais pas pourquoi on a annulé le vol la veille. À mon précédent vol, quand je suis arrivée, ils m’ont dit que j’avais déjà enregistré 2 bagages en mon nom, or je venais d’arriver. Ce n’était pas le cas. Je me pose la question si c’est une erreur ou pas maintenant. Quand on m’a présenté la valise, elle n’était pas ouverte », a-t-elle expliqué.

Par la suite, le ministère public pose des questions à l’accusée. : « qui aurait intérêt à introduire ces substances dans votre valise comme vous dites que vous n’avez aucun problème, aucun ennemi ? ».

Accusée : « je me pose la question. Je n’ai jamais reconnu cette substance ».

Ministère public : « est-ce que le juge d’instruction vous a forcé à répondre aux questions ? »

Accusée : « oui, avec un ton ».

Ministère public : « est-ce qu’il y avait du citron ? Du talisman ? ».

Accusée : « peut-être ».

Fatoumata Binta Diallo, réitère : « la valise du samedi était pour moi, mais celle du dimanche ne m’appartient pas. La valise qu’on m’a montrée n’était pas cassée ».

Poursuivant les débats, le président va donner la parole aux deux avocats de la défense pour poser des questions à leur cliente. Après avoir fait des observations au tribunal, les avocats de la défense interrogent à leur tour leur cliente :

Avocat de la défense : « oui ou non, la valise a passé la nuit à l’aéroport ? »

Accusée : « oui ».

Avocat de la défense : « après l’échec du vol, vous êtes répartie à domicile ? »

Accusée : « Oui »

Avocat de la défense : « est-ce que vous savez ce qui s’est passé à l’aéroport ? »

Accusée : « Non ».

Avocat de la défense : « vous avez été surprise de savoir que dans votre valise il y avait de la cocaïne ? »

Accusée : « j’étais choquée même ».

Avocat de la défense : « la valise a dormi à l’aéroport. Vous êtes revenue le matin. On vous dit que la valise avait de la drogue. Est-ce que vous avez observé le cadenas ? ».

Accusée : « non ».

Avocat de la défense : « vous avez la double nationalité ? »

Accusée : « oui ».

Avocat de la défense : « vous menez vos activités entre Conakry et Paris ? »

Accusée : « oui »

Avocat de la défense : « la valise a passé toutes les étapes ? »

Accusée : « oui »

Avocat de la défense : « l’annulation du vol n’a rien avoir avec votre valise ? »

Accusée : « oui »

Avocat de la défense : « est-ce que vous aviez la possibilité de récupérer votre valise après votre enregistrement ? »

Accusée : « non »

Avocat de la défense : « lorsque la douane vous a dit de la suivre, vous l’avez fait ? »

Accusée : « oui »

Avocat de la défense : « puisque c’est votre valise, qui doit l’ouvrir ? »

Accusée : « c’est moi »

Avocat de la défense : « on vous a retiré la clé. On vous prenait les photos, vous avez trouvé que la valise était ouverte ? »

Accusée : « oui »

Avocat de la défense : « est-ce que c’était avec votre clé ? »

Accusée : « je ne peux pas affirmer. Je suis surprise »

Avocat de la défense : « lors de votre précédent voyage, vous avez trouvé qu’il y avait 2 valises enregistrées avec votre nom ? »

Accusée : « oui »

Avocat de la défense : « c’était la première tentative de vous piéger. Vous avez cru que c’était une erreur. Avec le recul, vous ne pensez pas que c’est une tentative de vous piéger ? »

Accusée : « je me pose beaucoup de questions »

Avocat de la défense : « avez-vous fait un trafic international de drogue ? »

Accusée : « jamais »

Avocat de la défense : « qu’est-ce que vous avez à dire au tribunal ? Vous êtes sous mandat de dépôt depuis le 20 juin 2024 ».

Accusée : « j’aimerai que l’arrêt pris par le juge soit exécuté. Qu’on m’accorde une liberté provisoire »

Avocat de la défense : « comme votre valise a passé 24 heures dans l’aéroport, est-ce que le contenu vous appartient ? »

Accusée : « non »

Avocat de la défense : « si votre valise avait disparu à l’aéroport, la responsabilité allait être attribuée à qui ? »

Accusée : « à la compagnie de voyage »

Avocat de la défense : « Si votre valise contenait de la drogue, est-ce que vous seriez sortie de l’aéroport ce samedi ? ».

Accusée : « non »

Par ailleurs, le juge Mohamed Sangaré va demander des éclaircissements : « du 16 avril au 8 juin, vous avez effectué 8 voyages ».

Accusée : « Oui, je voyage beaucoup. J’ai la double nationalité. Je fais le GP, c’est-à-dire je transporte des bagages pour les sociétés et on me paie. Pour ce voyage, j’avais appelé, mais il n’y avait pas de colis. J’ai voyagé à mon compte ».

Le Président : « cette photo où on vous voit avec de la cocaïne, est-ce qu’on vous a obligée de prendre la photo ? »

Accusée : « on m’a obligée de prendre la photo avec de la cocaïne. Ils ont dit que c’était obligatoire ».

Après avoir clos les débats, le juge Mohamed Sangaré a ordonné qu’on passe aux plaidoiries et aux réquisitions.

C’est ainsi que le représentant du ministère public a requis de retenir l’accusée dans les liens de la culpabilité et de la condamner à 10 ans d’emprisonnement et au paiement d’une amende de 300 millions de francs guinéens. « Le ministère public poursuit Fatoumata Binta Diallo pour trafic international de cocaïne. Elle a été interpellée le 16 juin 2024 à l’aéroport. Il lui a été présenté une valise dans laquelle il y avait 4,3kg de cocaïne. Elle a été isolée et enregistrée. Elle dit qu’elle fait le GP. On la paie pour transporter des colis, donc si on trouve de la cocaïne dans sa valise, c’est qu’elle est rémunérée pour ça. Nous vous demandons de la retenir dans les liens de la culpabilité. Pour la répression, de la condamner à 10 ans de réclusion criminelle et à 300 millions d’amende, et de détruire la cocaïne saisie ».

Pour les avocats de la défense, ils sollicitent du président d’ordonner au ministère public à mieux se pourvoir et de libérer leur cliente. « Les bagages passent au scanner pour dire qu’elle est propre. Son bagage n’était plus en sa possession pendant 24h, donc sous la responsabilité de l’aéroport. Il n’y a aucune preuve pour dire que la valise n’a pas fait objet de manipulation pendant ce temps. Dites le droit et ma cliente recouvra sa liberté. Nous voulons la démonstration des preuves. Montrez-nous (le ministère public) un acte qui dit que la drogue est saisie et sous scellés. Vous constatez les violations des droits de notre cliente. Monsieur le président, nous souhaiterions de faire bénéficier à notre cliente l’article 544 du code de procédure pénale et de renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir », plaide la défense.

Pour sa propre défense, Fatoumata Binta Diallo va plaider pour ne pas se faire condamner.

Le tribunal a mis le dossier en délibéré et rendra sa décision le 24 décembre 2024.

Boubacar Diallo pour Guineematin.com

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