CRIEF : des réactions divergentes après la condamnation de Dr Diané à 5 ans de prison et à 5 milliards GNF d’amende

Dr Mohamed Diané, ancien ministre de la Défense

L’ancien ministre de la Défense nationale, chargé des affaires présidentielles sous le régime d’Alpha Condé, Dr Mohamed Diané, a été condamné ce mercredi 18 décembre 2024, par la Cour de Répression des Infractions économiques et financières (CRIEF). Reconnu coupable de détournement de deniers publics, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux, il écope de 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 5 milliards de francs guinéens. A l’énoncé du verdict, les parties au procès ont eu des réactions divergentes, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Les juges de la CRIEF ont eu la main lourde dans cette affaire. Une décision qui divise les parties au procès.

Juste après l’énoncé du verdict, la défense a annoncé qu’elle ferait appel, dénonçant une décision politique. Me Sidiki Béreté, un des avocats constitué pour défendre l’ancien ministre de la Défense d’Alpha Condé, a exprimé sa profonde indignation.

Me Sidiki Béreté, avocat

« C’est tout sauf une justice », a-t-il déclaré, affirmant que la CRIEF n’aurait pas tenu compte des réalités budgétaires et administratives de l’époque où Dr Diané exerçait ses fonctions. Selon lui, la condamnation repose sur des allégations non fondées, notamment concernant la gestion de crédits budgétaires et la confiscation de biens immobiliers. « C’est une politique, c’est loin d’une justice équitable. La CRIEF fait toujours preuve des services sombres d’une transition. Comment on peut condamner Dr Mohamed Diané, au vu et au su de son intendant, le compte de la Banque Centrale et au nom de l’intendant général. Ce qui est pitoyable, c’est que les magistrats au niveau de la CRIEF ne comprennent pas encore c’est quoi un budget. La prévision d’un budget, si on alloue par exemple 280 milliards, c’est ce qui est exécuté qui est touché. C’est une simple prévision. Quand on dit qu’on vous condamne à ce qui est crédit, qui est alloué, qui n’a pas été déguisé, qui ne s’est pas mobilisé, je crois qu’il reste encore. Et aujourd’hui, c’est une honte pour la justice guinéenne, parce que Dr Mohamed Diané a fait une déclaration de ses biens. Mais prenons par exemple l’hôtel de Kankan. C’est pour un Togolais, on a fourni le contrat. Quelqu’un qui va bailler, qui va construire, on confisque l’hôtel au profit de Dr Mohamed Diané au mépris d’un contrat de bail à construction. Prenons les biens de Djoma par rapport aux pick-up. Ces véhicules-là ont servi au défilé des forces spéciales. Et le détournement a été écarté. Je crois que c’est tout sauf la justice, cette décision. Maintenant on va relever l’appel. On croit que tôt ou tard le droit va créditer. On ne peut pas confisquer ses biens et en même temps allouer 500 milliards qui ne sont qu’une simple prévision budgétaire. Le montant n’a jamais été déplacé. Ce sera une école pour la CRIEF, pour dire qu’un simple crédit alloué est une prévision. Mais tant que ce n’est pas exécuté, le montant n’est pas déplacé. Ce n’est pas à nous de faire l’état au Ministère de la Défense. Le compte est intitulé l’intendant général au niveau de la Banque Centrale. C’est tout sauf la justice. Heureusement, Dr Mohamed Diané a déclaré publiquement que:  “je ne fais pas confiance à la justice ”. Il les a regardés dans les yeux pour dire “Monsieur le juge, vous êtes au service d’une transition, je ne vous fais pas confiance”. Quand il dit qu’il ne fait pas confiance à la justice, pourquoi vous allez le juger ? Il n’y a pas eu de débats ni public ni contradictoire. C’est une honte et c’est sombre pour la justice guinéenne. On va relever l’appel. 

Ça ne nous fait ni chaud, ni froid. Quand on dit “prête nom’’, qu’est-ce qui a été démontré que ces immeubles-là sont au nom de Dr Diané ? Quand on touche l’usine d’anacarde de Monsieur Diaouné qui est un ivoirien, on dit que Diaouné est collé à Diané, pour dire que c’est la même chose… ? Je crois qu’on fait confiance aux voies de recours. Tôt ou tard, le droit va triompher. Ce n’est pas une justice quand-même. Heureusement qu’il n’y a pas eu de débat au premier degré ni contradictoire et Dr Mohamed Diané a déclaré qu’il ne fait pas confiance à ses magistrats et on vient de faire preuve de l’injustice », a martelé Me Sidiki Béreté.

Satisfaction partielle pour la partie civile

De son côté, la partie civile, représentée par Me Pépé Antoine Lama, a exprimé une satisfaction partielle. Alors que les biens de l’épouse du Dr Mohamed Diané ont été exclus de la confiscation, l’avocat estime que la justice aurait dû les intégrer. Me Lama s’est également félicité de la confiscation des avoirs bancaires et des biens immobiliers de l’ancien ministre, soulignant que les enquêtes ont révélé une accumulation de richesses inexplicable au regard de ses revenus déclarés.

Me Antoine Pépé Lama, avocat du capitaine Dadis Camara

« Dr Mohamed Diané, ex-directeur de cabinet à la Présidence de la République, ex-chargé des affaires présidentielles, ex ministre de la défense nationale vient d’être reconnu coupable des infractions, de détournements de deniers publics portant sur la somme de 500 milliards de francs guinéens ainsi que des faits d’enrichissement illicite, de blanchiment des capitaux. La cour a jugé Mr Diané coupable pour avoir détourné la somme de 500 milliards de francs guinéens au préjudice de l’Etat guinéen. Les 500 milliards représentaient la différence non justifiée du crédit alloué aux différents ministères qu’il a eu à gérer. Vous allez vous souvenir que quand Dr Mohamed Diané a été interrogé sur la non-justification de ce montant, il s’est abrité derrière le secret défense. N’ayant pu rapporter la preuve de la justification de cette différence de 500 milliards, c’est à bon droit que la Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières a décidé ainsi. Vous avez également constaté la confiscation de ses avoirs bancaires et immobiliers au profit de l’Etat. Voilà un enseignant, un professeur de Biologie, qui n’avait même pas eu une case à Conakry avant de bénéficier de son premier décret, mais qui, au bout de dix ans, se retrouve avec des biens immobiliers presque dans toutes les communes de Conakry. Et il est même parvenu à acheter la moitié de la ville de Kankan. Vous avez vu l’inventaire des immeubles tant à Conakry qu’à Kankan que la cour a pris le soin de lire. Donc nous, nous sommes partiellement satisfaits parce que nous ne partageons pas la position de la Cour selon laquelle les biens immatriculés au nom de son épouse soient exclus des biens à confisquer au profit de l’Etat. Nous, nous considérons que l’épouse de Dr Mohamed Diané n’a pas les moyens financiers de s’acheter un tel immeuble, je souligne d’ailleurs que c’est là où réside Dr Mohamed Diané. Elle n’a pas les moyens et aucune justification n’a été rapportée pour dire que cet immeuble a été acquis par des avoirs licitement acquis de l’épouse de Dr Mohamed Diané. Donc sur ce, nous allons nous concerter avec l’Agent judiciaire de l’Etat et au besoin, nous n’hésiterons pas à attaquer cette décision sur ce point. Pour le reste, nous sommes satisfaits », a déclaré l’avocat de l’Etat dans cette affaire, Me Pépé Antoine Lama.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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