Conflit autour d’une compensation minière à Boké : la partie civile dément le vice maire de Dabis

Abdoulaye Kalaban, juriste en contentieux, représentant de la partie civile

Le contentieux autour d’un domaine minier, situé dans la commune rurale de Dabis, dans la préfecture de Boké, opposant des responsables locaux et des citoyens des villages de Siriman et de Kafach, continue d’alimenter les débats. Le dossier est porté devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) et le tribunal de Boké, pour un présumé détournement de centaines de millions de francs guinéens au titre des compensations de la part de la Société minière de Boké (SMB). Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com, le représentant de la partie civile, Abdoulaye Kalabane, juriste en contentieux, balaie d’un revers de main les propos du vice maire de Dabis, partie au procès dans cette affaire. Il a indiqué que le dossier judiciaire vise à lutter contre la corruption dans les compensations financières, dénonçant un réseau mis en place pour escroquer les communautés impactées par l’exploitation de la bauxite.

D’entrée, Abdoulaye Kalabane a expliqué l’origine du différend. « Je voudrais préciser que la SMB ne fait pas partie du procès. Ce sont quelques agents de la SMB qui sont mis en cause. Pour le moment, la SMB ne fait pas partie du dossier. Donc, avant d’aborder le sujet concernant le dossier qui nous oppose au vice-président de la délégation spéciale de DABIS, je voudrais aborder un sujet très important. Ce sujet, c’est la lutte contre la corruption, ce sont les démarches que nous avons entamées. Ici, il y a un autre fléau très grave. C’est concernant les compensations, les mines, les localités impactées, et les communautés affectées. Donc, c’est le cas de ce dossier. Vous savez, quand on parle de compensation, c’est ce qu’une communauté impactée perçoit. Cette compensation est prévue par les dispositions du Code minier de la République de Guinée. Ce sont les dispositions des articles 124, 126 et 142 du Code cité. Nous savons que l’actuel Code minier de la République de Guinée prévoit qu’à la création d’une société minière, l’État guinéen est automatiquement actionnaire, c’est-à-dire que l’État guinéen détient 15% des actions. Donc, lorsque nous parlons d’actionnaires dans une société, nous savons tous que lorsque des pertes surviennent, elles incombent à tous les actionnaires. Quand il y a des gains, c’est aussi au bénéfice de tous. Donc, cette compensation que ces sociétés paient n’est pas seulement dans les poches de ces sociétés, c’est aussi dans les poches de l’État. Lorsque nous parlons de corruption dans les processus de compensation dans des zones minières, surtout dans le cas de Boké, nous savons qu’il y a trois victimes. Les victimes sont les sociétés minières, qui débloquent ces milliards de francs guinéens chaque année, mais qui ne vont pas, en réalité, dans les poches des impactés. Nous avons l’État, qui détient des actions dans ces sociétés. Et nous avons aussi les communautés impactées, qui ne bénéficient pas de cette compensation. Donc, c’est cette lutte que nous avons engagée », a indiqué notre interlocuteur.

En ce qui concerne le dossier de Dabis, Abdoulaye Kalabane, juriste en contentieux, a précisé que des actes de fraude et de corruption ont été observés dans le cadre des compensations. « Sur ce cas, nous avons constaté des cas de fraude, de corruption et autres faits préjudiciables aux communautés. C’est la raison pour laquelle nous avons agi. Vous savez, dans des zones impactées, ce sont des zones à haut risque. Nous avons de nombreux exemples à travers le monde. Aujourd’hui, les pays en guerre, c’est souvent l’une des causes de ces conflits. Aujourd’hui, je me suis dit que la Guinée est un État de droit. Nous avons des autorités compétentes, une justice équitable et saine, qui est là pour défendre le droit et non pour être contre quelqu’un. Pour le moment, les enquêtes sont en cours et le dossier évolue bien. En réalité, il n’y a pas de problème entre deux villages, il y a un problème entre un village et des personnes constituées en réseau. Aujourd’hui, on veut faire de ce problème un problème ethnique. On veut le transformer en un problème d’individus, de régions, alors que ce n’est pas du tout cela. Nous qui avons initié cette action en justice, nous avons des liens de parenté avec certaines personnes mises en cause. Certaines personnes inculpées aujourd’hui devant le juge d’instruction de Boké sont nos parents directs. Le sous-préfet lui-même est un autre parent. Lui aussi est cité parmi les personnes impliquées. Donc, nous ne voyons pas pourquoi on viserait une seule personne à cause de son appartenance ethnique ou régionale. Le domaine appartient aux habitants de Kafach. La société SMB n’est pas la première à avoir besoin de ce terrain. Il y a d’autres sociétés présentes depuis 2004, 2005, 2009, mais il n’y a pas eu de compréhension entre ces sociétés et l’État. Ce n’est qu’en 2015-2016 que la société est arrivée à Boké. Nous, depuis 2009, nous avons déjà des plantations sur ces terres. À chaque saison, nous faisons des travaux de défrichage et à la saison des pluies, nous cultivons. Mais il y a des plantations, et il y a aussi nos champs à côté. En 2023, en 2024, dès février, nous avons entamé ces travaux de défrichage. Au moment de ces activités, certains agents de la société nous ont alertés que la SMB allait avoir besoin de cette partie de terrain. Lorsque nous avons continué, des citoyens d’un autre village, Kalounka, sont venus incendier les plantations. Ils ont incendié toutes nos plantations et nos champs le 26 août 2024. Lorsque cela s’est produit, nous avons immédiatement saisi la direction régionale de la police pour signaler les incendies. Le sous-préfet, le vice maire et un autre membre de la délégation spéciale ont pris des engagements et dit qu’ils allaient négocier avec la SMB pour que nos plantations incendiées soient recensées comme elles l’étaient avant, à condition que nous retirions la plainte déposée auprès de la police. Dans cette démarche, il y a eu des rencontres à Dabis par deux fois, initiées par le sous-préfet. Le vice maire avait initié une rencontre avec les citoyens de Kalounka pour discuter de la situation de l’incendie, etc. C’était la première rencontre entre nous et le vice maire. Nous ne le connaissions pas. À cette rencontre, il y avait Mamadouba, Idrissa et d’autres personnes présentes. Et le 19 juin, le sous-préfet et les agents des relations communautaires nous ont appelés en disant qu’il devait y avoir un recensement sur les lieux. Chacun s’est placé sur sa plantation et son champ. Ils ont même commencé à recenser. Quand ils ont commencé, les relations communautaires nous ont dit qu’il y avait eu un problème. Donc, les responsables ont demandé de se replier. C’est dans ce sens qu’ils se sont repliés. Mais ils ont donné notre programme pour le 21 juin, c’est-à-dire deux jours après. Depuis, ils ne sont jamais revenus. Ce n’est que le 28 août que nous avons vu des bulldozers de la société venir procéder à du décapage des terres. Nous avons demandé comment on pouvait déblayer les terres alors qu’elles n’avaient pas été recensées. Il y a eu des petits problèmes à ce sujet », déclare notre interlocuteur.

Par ailleurs, Abdoulaye Kalabane a précisé que le bloc 18 en litige appartient au village de Kafach et non à Sirima. Selon lui, il n’y a pas un conflit entre deux villages, mais un village contre un réseau. Il demande la restitution des droits du village de Kafach et appelle à des sanctions contre les responsables impliqués dans cette affaire. « Mais vous savez, tout ce qu’ils disent, c’est une manière de mélanger les choses. Cela n’a rien à voir. Il y avait un protocole d’accord entre ces deux villages, mais ce n’est pas sur ce domaine. Ce domaine, c’est un autre domaine. Le domaine dont il est question actuellement, c’est le bloc 18. Ce bloc 18 est une propriété exclusive des citoyens de Kafach. Ce sont eux qui ont cultivé, qui ont fait des champs et des plantations depuis 2009, et qui ont toujours travaillé là. Sirima a aussi des propriétés sur d’autres blocs, comme le bloc 14, 16 et 19. Là aussi, il y a un partage. Il y avait un protocole d’accord entre les deux villages, mais ce protocole d’accord a été violé depuis longtemps. Dans leur intervention, j’ai vu qu’ils ont cité le nom de M. Amara Compo, qui était l’initiateur de ce protocole d’accord. C’est lui, le petit-fils de tous les deux villages, Sirima et Kafach, qui l’a initié. Ce protocole n’a rien à voir avec ce domaine. Nous, le vice maire s’est fait recenser sur notre domaine. Le vice maire, c’est grâce à nous qu’il a tissé des liens avec les personnes dont il se réclame bénéficiaires d’une donation. Il y a plusieurs versions de cela : tantôt il a acheté, tantôt il y a eu un problème de dette entre ces personnes et lui. Il y a plusieurs versions. Donc, nous ne comprenons pas. Il y a un problème entre un village et un réseau. Nous espérons qu’une bonne décision de justice sera rendue. Le montant, c’est plus d’un milliard, mais il y a aussi d’autres cas en cours. Nous avons donné des éléments à la justice et elle est en train de travailler dessus. Nous avons pleinement le droit de réclamer ce qui nous revient. Une partie de l’argent a été bloquée sous mon initiative. Nous faisions face à la société, mais nous avons appris qu’une partie de la somme a été débloquée en faveur des personnes poursuivies en justice. Pour le moment, nous n’avons pas la comptabilité du montant débloqué. Nous demandons que justice soit rendue, que nos droits soient respectés, que les coupables soient sanctionnés et que ce réseau soit démantelé », a conclu Abdoulaye Kalabane.

Ismael Diallo pour Guineematin.com

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