La journée mondiale du braille, l’écriture réservée aux aveugles et malvoyants, est célébrée le 4 janvier 2025. L’occasion est mise à profit pour interpeller les décideurs sur la nécessité d’améliorer les infrastructures et d’accroître le soutien à l’éducation des enfants déficients visuels. C’est ce qu’a indiqué Jean Bobo Kamano, directeur de l’École Centre Sogué des Aveugles et Malvoyants de Taouyah, dans la commune de Ratoma, dans un entretien accordé à Guineematin.com à travers un de ses reporters.
D’entrée, Jean Bobo Kamano a défini le Braille, système d’écriture réservé aux malvoyants. « Le braille est une écriture destinée aux non-voyants, aux déficients visuels, et surtout à ceux qui ont fréquenté l’école. Ce n’est pas pour les déficients visuels dans la rue, mais pour ceux qui ont été scolarisés. C’est leur écriture, et c’est avec elle que nous travaillons. C’est une école pour malvoyants, et l’écriture braille est une méthode à six points appliquée aux non-voyants et déficients visuels, en un mot. Notre école est spécialisée dans cette écriture, et c’est avec cette méthode que nos enfants évoluent, font des connaissances et vont jusqu’à l’université. C’est comme dans toute autre école. Nous les recevons ici, car grâce à vous, aux médias et à la sensibilisation, les enfants et les parents apprennent l’existence de cette école. Ils viennent avec leurs enfants, nous les accueillons, les inscrivons dans les classes, et ils apprennent à écrire, comme les voyants apprennent à écrire, à lire et à compter. Cette méthode est appliquée, et les enseignants sont formés pour cela. L’étude se poursuit et les enfants évoluent grâce à cette écriture, jusqu’à l’université. »
Par ailleurs, monsieur Kamano est revenu sur le matériel utilisé pour l’écriture Braille. « Les matériaux que nous utilisons sont spécifiques et adaptés à l’école et à l’écriture, car ce n’est pas n’importe quelle matière. Nous avons des matériaux très spécifiques qui nous permettent de travailler dans de bonnes conditions en ce qui concerne l’écriture Braille. Nous avons des tablettes avec lesquelles les enfants écrivent leurs leçons… Nous avons divers matériaux qui nous permettent d’évoluer dans les études, notamment en arithmétique, en dessin et en géométrie. Dans toutes les matières, nous progressons en travaillant avec nos matériaux spécifiques », a fait savoir le Directeur de l’École Centre Sogué des Aveugles et Malvoyants.
En outre, Jean Bobo Kamano a dit que cette méthode d’enseignement a permis à de nombreux apprenants à réussir des concours et d’intégrer la fonction publique, devenant ainsi médecins, informaticiens, enseignants et bien plus encore. « Nos élèves occupent différents postes de responsabilité. Lorsque l’enfant arrive à l’école pour la première fois, nous lui enseignons les six points, que l’on appelle la méthode braille. L’enfant de la maternelle commence par étudier ces six points, car toute l’écriture braille repose sur ces six points. Il faut d’abord maîtriser ces six points pour pouvoir progresser, car tout est contenu dedans. Tout ce que vous connaissez comme écriture, lettres, calculs et chiffres, tout est dans ces six points. Nous apprenons donc aux enfants à connaître ces six points. Dès qu’ils les maîtrisent, ils peuvent continuer leurs études sans difficultés. En un mois, ou en quelques mois, sans problème, ils savent déjà ce que représente A, ce que représente B, ce que représente Z, ce que représente 0, ce que représente 10, toutes les lettres et chiffres jusqu’à 9. Ils connaissent déjà tout. Ce sont ces six points qui nous permettent de travailler sans difficultés avec les enfants. En ce qui concerne le problème de la responsabilité, lorsque l’enfant termine ses études, par exemple, il peut passer le concours de recrutement à la fonction publique. Nos enfants diplômés réussissent ce concours. Beaucoup ont intégré la fonction publique. C’est ce qui leur permet de travailler. Parmi nous, il y a des professeurs, des informaticiens, des médecins. Il y a des professionnels dans tous les domaines, dans les sciences et dans le monde du travail intellectuel. Nos enfants réussissent dans ces domaines », a-t-il expliqué.
Profitant de notre entretien, Jean Bobo Kamano lance un cri de cœur à l’État sur la nécessité d’augmenter la capacité d’accueil de l’établissement, et souligne que les enfants malvoyants doivent quitter la rue. « C’est notre cri d’alarme, je le dis. Parce qu’actuellement, la sensibilisation est là, et la communauté est déjà au courant que l’école des non-voyants existe. Nous recevons cette année un grand nombre d’enfants. C’est pourquoi nous faisons appel au gouvernement et aux bienfaiteurs pour nous venir en aide. Nous demandons surtout au gouvernement de nous soutenir, car il faut vraiment avoir des espaces pour accueillir ces enfants. Nous avons de la place, mais le nombre d’élèves demandé pour nos classes n’est pas comme dans les écoles ordinaires, où l’on peut avoir 150, 170, voire 190 élèves par classe. Non. Chez nous, le nombre maximum par classe est de 6 élèves. Si le nombre dépasse 6, l’enseignant a du mal à respecter l’emploi du temps. C’est pourquoi, parfois, nous devons doubler le nombre d’enseignants. En effet, lorsqu’il y a 10 élèves dans une classe, cela équivaut à 50 élèves. Car un enfant malvoyant demande beaucoup plus d’attention qu’un enfant voyant. Il faut tenir la main de l’enfant, lui faire des fiches d’écriture, des fiches de lecture, et les distribuer individuellement à chaque enfant. C’est une charge importante. Et lorsqu’il s’agit de calculs, de mesures, de géométrie, c’est encore plus exigeant. Les sciences d’observation, c’est pareil. Il faut des enseignants, il faut de l’espace pour recevoir ces enfants. Actuellement, cette année, nous avons 64 élèves, ce qui est un nombre très élevé. En moyenne, nous avons 12 à 11 élèves par classe. C’est énorme. C’est pourquoi nous crions auprès du gouvernement pour nous venir en aide. Ils ne nous ont pas abandonnés. Ils ont écouté notre appel, et nous avons déjà des classes pour accueillir ces enfants. Mais la demande continue, car chaque année, de nouveaux enfants arrivent. C’est notre lutte pour sortir tous les enfants déficients visuels de la rue et les ramener à l’école car, les enfants qui sont dans la rue, lorsqu’ils viennent à l’école, deviennent des personnes importantes. L’appel que je lance à l’État est de le remercier d’abord, car l’État n’est pas resté les bras croisés. Il a construit les infrastructures dans lesquelles nous travaillons actuellement, et nous le remercions pour cela. Nous demandons cependant à l’État de ne pas s’arrêter là, de continuer. La lutte continue, car il y a toujours de nouveaux enfants qui naissent avec des déficiences visuelles. Nous demandons aussi aux parents de ne pas garder leurs enfants à la maison, de ne pas les considérer comme des marchandises, de ne pas les laisser errer sous le soleil, car l’école existe et elle est gratuite », a-t-il indiqué.
Ismael Diallo pour Guineematin.com
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