La situation des aveugles et malvoyants constitue un défi majeur en République de Guinée. Ils sont nombreux à être utilisés pour mendier dans les rues. À l’occasion de la journée mondiale du Braille, célébrée le 4 janvier de chaque année, bien que des progrès aient été réalisés, de nombreuses préoccupations demeurent. C’est ce qu’a fait savoir Georges Sagna Niang, président de l’Union guinéenne des aveugles et malvoyants, dans un entretien accordé à Guineematin.com à travers un de ses reporters. Il en a profité pour lancer un appel à l’État et aux parents pour une prise en charge des personnes aveugles et malvoyantes, rappelant l’importance de l’utilisation du Braille et de la scolarisation de ces handicapés.
« La Journée internationale du Braille est une journée célébrée dans le monde entier. Nous célébrons l’écriture elle-même, l’écriture Braille, en tant qu’écriture tactile d’apprentissage pour les personnes déficientes visuelles. Nous célébrons aussi l’inventeur de cette écriture, dont le nom est Braille, qui a inventé cette écriture il y a plus de 200 ans maintenant. Cette écriture, malgré les difficultés et les nouvelles technologies, reste essentielle dans la vie d’une personne déficiente visuelle. L’écriture braille a valorisé les personnes déficientes visuelles dans le monde, car grâce à l’apprentissage de cette écriture, aujourd’hui, il y a des présidents de la République, des hauts fonctionnaires dans d’autres nations, et ici, particulièrement en Guinée, il y a de très grandes avancées. Grâce à l’apprentissage du Braille, nous avons des étudiants diplômés, des cadres dans les différents départements de la Guinée, des bacheliers chaque année, et des cadres ayant réussi dans les autres examens. Je peux dire que le Braille se porte très bien aujourd’hui », a dit monsieur Niang.
Par ailleurs, le président de l’Union guinéenne des aveugles et malvoyants a expliqué la spécificité de l’apprentissage des malvoyants. « Il n’y a qu’une seule école nationale pour déficients visuels qui se trouve dans l’enceinte de la Cité de Solidarité, qui est fonctionnelle, où plus d’une cinquantaine d’enfants apprennent le Braille tous les jours, et il y a d’autres centres d’apprentissage à l’intérieur du pays. C’est une école où l’on vient apprendre à lire, à écrire, à compter, et à comprendre ce qu’est réellement le braille. Ensuite, une fois en sixième année, on va en septième, avec des aménagements. C’est ce qu’on appelle le système d’éducation inclusive. Le système d’éducation inclusive consiste à intégrer un enfant déficient visuel parmi les enfants clairvoyants, c’est-à-dire ceux qui voient normalement et qui n’ont pas de handicap. Cette intégration permet de valoriser nos connaissances intellectuelles. Nous sommes évalués en même temps que les autres, dans les mêmes matières, de la même manière, mais pas avec les mêmes outils d’écriture. Aujourd’hui, plusieurs établissements privés à Conakry accueillent des déficients visuels dans le cadre de l’éducation inclusive. Ces enfants évoluent très bien avec les autres enfants. C’est déjà une grande avancée », a dit Georges Sagna Niang.
Poursuivant, notre interlocuteur souligne que malgré les efforts, l’État devrait fournir davantage de matériels didactiques aux malvoyants. Pour lui, l’État doit élargir son soutien aux personnes en situation de handicap lors de l’organisation des examens. « Certes, l’État fait des efforts, mais il faudrait intensifier ces efforts en nous fournissant plus de moyens et de matériels. Comme vous le savez, nos matériels sont spéciaux et ne peuvent pas être trouvés sur le marché guinéen. Par exemple, ce que vous appelez un stylo, nous l’appelons le poinçon. C’est un petit bois avec une pointe en métal. C’est avec cela qu’on marque dans un outil appelé tablette, où l’on place le papier. Ce stylo appelé poinçon n’est pas disponible sur le marché guinéen. Si un enfant le perd et qu’il n’a pas les moyens de le remplacer, il doit attendre qu’il vienne de l’extérieur. Cela signifie que ce matériel ne doit pas nous manquer. Cependant, il serait essentiel que l’État alloue également un budget pour nous permettre de ne pas manquer de matériel didactique individuel. C’est un grand problème. Il est nécessaire d’analyser, de diagnostiquer nos problèmes, de nous approcher et de nous écouter pour comprendre ce que nous voulons et trouver des solutions à nos problèmes. À cet égard, ce que j’ai à dire à l’État, c’est d’approcher les cadres déficients visuels au sein des départements ministériels pour savoir ce que chaque département peut faire pour le développement des activités des personnes handicapées en général et des personnes déficientes visuelles en particulier. Ensuite, l’État devrait également, comme nous avons commencé cette année, recenser le nombre de personnes en situation de handicap dans les établissements publics ou privés de Conakry et de Yomou. Il serait utile d’avoir des statistiques sur ces enfants, afin de savoir, par exemple, qu’un enfant de Yomou, qui est en classe de cinquième cette année, doit passer l’examen d’entrée en septième l’année prochaine. Il est important de prendre des précautions pour que son centre d’examen ne soit pas trop éloigné de son domicile, afin de ne pas le décourager dans ses déplacements. De plus, il faut tenir compte de son handicap en adaptant sa salle de classe », a-t-il souligné.
En outre, le président de l’Union Guinéenne des Aveugles et Malvoyants a attiré l’attention sur l’exploitation des enfants handicapés dans les rues pour mendier. « Si les enfants réussissent aujourd’hui, c’est grâce à l’apport des parents, que je remercie. Certains parents ne gardent pas leurs enfants déficients visuels à la maison, mais les envoient à l’école, les accompagnent et les soutiennent, comme nos propres parents l’ont toujours fait en nous tenant par la main pour nous amener à l’école et en restant jusqu’à la fin des cours pour nous ramener à la maison. Ils ont pris soin de nous. C’est pour cela que cette journée du braille est l’occasion de communiquer et de sensibiliser les citoyens pour qu’ils changent de regard envers les personnes porteuses de handicap. Ne nous voyez pas seulement comme des mendiants, mais aussi comme les futurs cadres de demain. Concernant le handicap, il faut comprendre que les gens ne font pas toujours la différence entre le handicap physique, moral, social et culturel. Aujourd’hui, il y a plus de personnes valides qui mendient dans la vie que de personnes porteuses de handicap. Oui, certains parents exploitent des enfants handicapés pour les faire mendier. En Guinée, cela devient même un business. Certains hommes et femmes vont dans les villages pour prendre des enfants handicapés et les amener dans les rues pour mendier. Lorsqu’un enfant rapporte 100 000 francs par jour, celui qui l’a envoyé reçoit 60 % de cette somme, tandis que l’enfant handicapé n’en reçoit que 40 %. Ce phénomène est le résultat de méconnaissance et d’un manque de sensibilisation. Parfois, les parents, sans savoir, envoient leurs enfants dans la rue pour mendier. Aujourd’hui, quand un parent voit un enfant lire un livre, il le considère comme un génie. Il y a aujourd’hui des professeurs dans les écoles publiques en Guinée qui ont des salles d’examen et qui enseignent, pourquoi les autres enfants dans la rue ne pourraient-ils pas faire aussi bien ? L’État doit encourager la promotion des personnes porteuses de handicap dans les départements ministériels, et les respecter dans leurs droits. Nous avons des droits. Aujourd’hui, en tant que fonctionnaires, nous n’avons pas de logement, alors que des fonctionnaires valides en ont. Pourquoi cette différence ? Nous n’avons pas de postes, alors que d’autres en ont. Tant que l’égalité des chances n’est pas accordée à tout le monde, il y a une forme de discrimination cachée ».
Ismael Diallo pour Guineematin.com
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