En Guinée, la pêche artisanale est très répandue, surtout dans les régions côtières. Mais, elle est très peu développée et ses pratiquants font face à de nombreuses difficultés au quotidien. Au port de Kaporo où un reporter de Guineematin.com s’est rendu jeudi 2 janvier 2025, les pêcheurs artisanaux se plaignent des problèmes d’acquisition du matériel de pêche, mais aussi de l’obtention du carburant et bien d’autres difficultés qui jonchent leur quotidien. Ils sollicitent l’aide du gouvernement pour sortir de la précarité afin de faire de la pêche artisanale un véritable levier de développement.
« Je suis pêcheur. Et, seul Dieu connaît l’importance de la pêche. Parce que nous, ce sont les démunis qu’on nourrit. Certains peuvent venir sans rien et on peut leur offrir jusqu’à 5 poissons, dans le but de les aider à avoir quelque chose à manger. Le gouvernement doit nous accompagner, parce qu’on nourrit beaucoup de gens ici, parce que nous diminuons les charges de l’État. Car, beaucoup d’entre eux sont démunis et ils ont des charges à la maison. Donc, plusieurs d’entre eux gagnent leur vie ici, et cela évite à beaucoup de jeunes d’être des voleurs. Certains jeunes viennent travailler ici pour aider leurs familles. Et tout cela, c’est grâce à ce boulot. Ce travail s’apprend. Moi-même personnellement je suis né dedans, mais j’ai appris. Mon père est pêcheur et moi aussi je le suis, et toute ma famille est pêcheur. Donc, c’est un boulot qui s’apprend, et même si tu grandis et que tu veux apprendre, tu viens, je t’envoie en haute mer, c’est comme ça que tu t’habitues », dit-il Alseny Soumah, pêcheur et chargé de conflit au port artisanal de Kaporo.
Par ailleurs, Alseny Soumah explique la cherté du poisson sur le marché par les nombreuses difficultés qui assaillent les pêcheurs artisanaux.
« Actuellement, c’est des poissons Bonga qu’on pêchent le plus. En ce qui concerne la vente, on peut les donner aux acheteurs en gros 5 ou 6 pour 1000 fng, cela dépend de la grandeur du poisson. Aussi, la raison pour laquelle les gros poissons sont chers au marché, c’est parce qu’en ce moment ce genre de poisson n’est pas facilement accessible. Ils sont un peu éloignés, et pour les avoir, il faut beaucoup dépenser. Parce que tu peux faire une semaine, 10 jours, voire même 15 jours en haute mer avant de les obtenir. On rencontre beaucoup de difficultés, parce qu’on gagne peu, il y a peu d’intérêt, et c’est dans ça qu’on achète du matériel. Le gouvernement ne nous vient pas en aide, sauf cette année. On souffre ici, et le gouvernement doit nous aider chaque année, en nous apportant le matériel. En plus, nous travaillons avec le bois, et s’ils bloquent ça par moment, cela nous empêche de travailler », a-t-il laissé entendre.
Contrôleurs des pirogues dans ce port de Kaporo, Aboubacar Camara a lui aussi énuméré quelques difficultés auxquelles les pêcheurs font face.
« Nous, notre travail, c’est de nous occuper des pirogues. En partant pour pêcher, je rassemble mon équipe on embarque les sacs de glaces. Ce sont ces sacs de glaces que nous embarquons dans les pirogues qui aident à conserver les poissons. Nous rencontrons des difficultés ici à l’heure actuelle, il y a une crise de carburant. Normalement, les pêcheurs doivent avoir leur propre station d’essence. Quand on part acheter de l’essence, on nous dit que les pêcheurs ont leur station. Est-ce que quand vous êtes rentrés ici vous avez vu une station ? Nous devons spécialement avoir notre propre station pour ne pas souffrir. Je ne suis pas né pêcheur, j’ai appris ce métier parce la vie n’est pas facile et que cela t’évite le vol et le banditisme. Aussi, quand tu sors le matin, tu fais tout pour avoir de quoi nourrir la famille, ça t’aide à chercher la bénédiction de tes parents », a martelé ce contrôleur.
Abondant dans le sens, cet autre pêcheur, Boubacar Bah demande à l’État de leur venir en aide.
« Moi je suis dans la pêche et j’ai grandi dedans. Je ne connais aucun autre boulot à part pêcher. C’est dans ce boulot que je gagne ma vie et j’ai construit ma maison en pratiquant ce métier. Je vais dans tous les pays voisins pour pêcher. Je vais au Sénégal, en Côte d’Ivoire, jusqu’en Guinée Bissau, on me connaît dans tous ces pays. J’ai travaillé jusqu’à obtenir 6 pirogues, et chaque pirogue coûte 180 millions de francs guinéens. La plus petite 80 millions. Mais, à cause du manque d’appui, je les ai toutes perdues. Actuellement, il ne me reste qu’une seule. Depuis que j’ai commencé ce boulot, je n’ai jamais eu d’aide d’autrui, ni de l’État. Parlant de la cherté, par exemple pour un simple voyage des fois, on utilise de 12 à 15 bidons d’essence. 1 bidon coûte 140 mille francs guinéens, plus l’huile à 265 mille, ajoutez à cela les autres dépenses, ça peut aller jusqu’à 5 à 8 millions. Car, ça dépend de la destination. Par exemple, pour aller pêcher jusqu’en Sierra Leone, on dépense 15 millions, c’est pourquoi quand on revient on ne peut que vendre nos poissons un peu chers, parce qu’on doit aussi gagner quelque chose là-dedans. Voilà pourquoi le poisson est si cher. Donc, on demande au gouvernement de nous aider, surtout nous qui étions à Dixinn. On nous a dégagés là-bas sans préavis et on a perdu beaucoup de matériel. Par exemple, moi c’est en ce moment que j’ai perdu ma deuxième pirogue. Il faut que le président de la transition, Général Mamadi Doumbouya, nous viennent en aide. Car, les 400 ou 600 machines à pirogues que le gouvernement avait dit avoir envoyé pour aider les pêcheurs, toute la commune de Dixinn n’a eu que 7 machines », a déploré ce pêcheur.
Mariama Barry pour Guineematin.com