Les réactions d’incompréhension se multiplient au lendemain de la condamnation d’Aliou Bah à deux ans d’emprisonnement pour diffamation et offense au chef de l’Etat en Guinée. Interrogé à ce sujet par un reporter de Guineematin.com ce mercredi 8 janvier 2025, Ibrahima Aminata Diallo, Coordinateur de la Coalition Nationale des Acteurs pour la Paix et le Développement (CONAPAID), a exprimé des préoccupations majeures sur la situation des droits humains en Guinée. Il a dénoncé particulièrement la condamnation d’Aliou Bah, président du MoDeL. Pour cet activiste de la société civile, le jeune leader politique est condamné pour des faits non justifiés et motivés par des considérations politiques.
D’entrée, Ibrahima Aminata Diallo a rappelé les engagements du président Mamadi Doumbouya lors de sa prise du pouvoir le 5 septembre 2021. « Je pense que tous ceux qui ont participé ou bien qui ont assisté à ce procès parlent de parodie de justice. Au niveau de la société civile, nous pensons que c’est un grand recul, encore une fois, des droits humains dans notre pays. Et nous savons que l’Etat des droits, surtout la démocratie dans notre pays, a été un grand combat. L’arrestation d’Aliou Bah à cause de son opinion, je pense qu’il n’a dit que des faits, il a décrit ce qui est. À mon avis, les causes de sa condamnation ne sont pas fondées. Je pense que ce sont des prisonniers politiques qu’on est en train de créer dans notre pays. Et paradoxalement, par rapport au discours tenu par le président de la transition lors de son avènement au pouvoir le 5 septembre, nous savons qu’il avait dit qu’aucun Guinéen ne mourrait plus à cause de son opinion. Aucun guinéen ne devrait être arrêté à cause de son opinion. Mais le discours tenu au lendemain de la prise du pouvoir par le CNRD et les actes qui se passent aujourd’hui dans notre pays montrent un fossé très grand », explique-t-il.
Par ailleurs, le Coordinateur de la CONAPAID estime que le régime en place est en train de créer de l’intimidation pour faire retarder les élections à venir. « Je pense que depuis un certain temps, les kidnappings, les arrestations, notamment non justifiées, tous ceux qui sont actuellement en train de croupir dans les geôles de la maison centrale, ou bien dont on ne connaît pas la destination, je vais parler de Billo Bah, et avec ces arrestations, on est en train de donner raison aux observateurs, à tous ceux qui sont épris de paix, de justice et de démocratie dans notre pays, que c’est une réalité. C’est un grand recul de plusieurs années de lutte que nous avons menées en Guinée. Donc, nous, à notre niveau, nous pensons qu’aujourd’hui, on est en train de créer une sorte d’intimidation pour empêcher, notamment, ou pour encore continuer à retarder cette transition. Et nous savons qu’après le 31 décembre, ce n’est pas nous qui l’avons dit, c’était une convention avec la communauté internationale, notamment la CEDEAO, que la transition devrait prendre fin le 31 décembre. Mais aujourd’hui, on est en train d’utiliser des concepts pour dire que la transition est terminée, qu’on est dans la refondation. Je pense que c’est une façon encore de retarder. Et une transition, plus elle dure, plus elle devient un problème, parce que quelle que soit la nature, le nom ne va pas changer. Le général Mamadi Doumbouya, on sait qu’il est venu au pouvoir par les armes, et cela ne va pas changer. Si quelqu’un le dénonce, ce n’est pas une dénonciation, c’est juste dire les faits tels qu’ils sont. Donc, nous condamnons avec la dernière énergie tous ces agissements pour intimider, pour notamment fermer toutes les voies dissonantes, pour aller dans le sens de retarder encore la transition », a déclaré monsieur Diallo.
Poursuivant, le Coordinateur de la CONAPAID invite la junte à être plus flexible et à accepter les critiques et la contradiction. « Nous attendons fermement l’application de son discours du 31 décembre 2024, surtout que l’année 2025, comme il l’a dit, est une année d’élections pour nous sortir de cette crise. Et en invitant le gouvernement du président CNRD Mamadi Doumbouya à lever les interdictions de manifester, c’est consacrer par la loi, par notre démocratie, c’est consacrer par la charte de la transition, notamment d’ouvrir tous les médias qui sont fermés, parce que je pense qu’il ne faut pas créer des médias qui sont des médias pro-gouvernementaux et des médias pro-tel. Ce ne sont que des guinéens qui se retrouvent là, ce ne sont que des guinéens qui se battent pour le développement de ce pays, parce que, quel que soit, sans contradiction, il n’y a pas de progrès. Donc, nous pensons que tous ceux qui sont en train d’inviter le Général à organiser les élections, ce sont ses amis. Donc, Aliou Bah est victime d’intimidation, mais aussi on peut le qualifier comme étant un prisonnier politique, parce que moi, j’ai suivi son discours, et dans aucun passage il n’a offensé le président, et même nous les leaders d’opinion, on n’a pas intérêt à offenser le président, parce que, quelle que soit la situation, légitime ou légale ou pas, il est le président. Nous pensons que mieux vaut un règne de ce genre que l’anarchie. Donc, moi je pense qu’aucun leader ne va offenser le président, c’est mon avis. Et les sorties médiatiques de la plupart des leaders d’opinion, tout le monde parle de la gestion de la transition, tout le monde souhaite une gestion inclusive, tout le monde souhaite une transition apaisée pour l’intérêt de la Guinée. Personne n’a à gagner dans la violence, et que cette violence soit verbale, qu’elle soit physique, on n’a pas à gagner dans la violence », a-t-il indiqué.
En outre, Ibrahima Aminata Diallo se désole du manque d’indépendance de la justice guinéenne, qu’il accuse d’être sous le contrôle du pouvoir exécutif. « Vivement une prise de conscience de la part du gouvernement, de l’État et de toutes les institutions, notamment les magistrats guinéens. Ils devraient sortir de cette dépendance du pouvoir exécutif. Dans les grandes sphères démocratiques, les juges sont au-dessus même de l’exécutif, ils peuvent décider. Donc, ils ont le plein pouvoir de faire des réquisitions, mais conformément à la loi, mais aussi de ne pas faire de parodie de justice, une justice à deux vitesses… Et nous pensons même, quelle que soit la nature, deux ans de prison à cause de ton opinion, je pense que ça ne devrait pas se passer au temps du Général Mamadi Doumbouya qui nous avait dit de faire l’amour à la Guinée, qui nous a dit que la justice serait maintenant la boussole qui orienterait tous les citoyens. Donc, cette justice-là, je pense qu’elle est inféodée. C’est pour cela qu’on est là où nous sommes aujourd’hui », assène-t-il.
Ismael Diallo pour Guineematin.com
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