Guinée : « La condamnation d’Aliou Bah porte atteinte à l’évolution démocratique de notre pays »

Mamadou Kaly Diallo, Responsable du Bureau DSV-BI Conakry

La condamnation du président du Mouvement démocratique libéral (MoDeL), Aliou Bah, à 2 ans d’emprisonnement continue de susciter des réactions vives au sein de l’opinion. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com ce mercredi 8 janvier 2025, Mamadou Kaly Diallo, activiste des droits de l’homme, a exprimé ses préoccupations concernant cette décision judiciaire. Il a insisté sur la nécessité de garantir les libertés fondamentales, notamment celles d’opinion et d’expression, des piliers fondamentaux de toute démocratie.

Aliou Bah a été reconnu coupable d’offense et de diffamation contre le président de la transition par le biais d’un système informatique. Il a écopé d’une peine de 2 ans d’emprisonnement.

Pour Mamadou Kaly Diallo, activiste des droits de l’homme, cette décision judiciaire constitue un frein à l’évolution démocratique du pays. « C’est une grande préoccupation dans la mesure où la liberté d’opinion, la liberté d’expression doivent prévaloir en matière de démocratie, en matière de l’État de droit. Vous savez, l’un des principes, l’un des fondements de tout Etat de droit, c’est le principe contradictoire. Cette liberté d’opinion dont nous parlons est consacrée par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui reste l’idéal à atteindre par tous les peuples et par toutes les nations. Et en son article 19, c’est clair que tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression. C’est ce qui implique le droit d’exprimer ses opinions sans être inquiété. Et nous savons que ces derniers temps, ce jeune leader de parti politique exprimait vigoureusement ses opinions et participait beaucoup au débat d’opinion en République de Guinée. Je pense que sa condamnation porte atteinte à l’évolution démocratique. Vous savez que l’une des normes réitérées aussi par la charte de la transition, qui sert de nos jours de normes supérieures, c’est qu’aucune situation d’exception ou d’urgence ne doit justifier les violations des droits de l’homme. Tant que le débat est démocratique, on doit créer des espaces et prendre des dispositions et des mesures pour faciliter ce débat d’opinion, ce débat d’expression, le principe contradictoire. Cela est très important pour l’avancée démocratique et même pour créer, si vous voulez, des conditions d’épanouissement de la société, de l’économie et même du social », a-t-il déclaré.

Par ailleurs, Mamadou Kaly Diallo a souligné l’importance de la justice dans un Etat de droit, affirmant que celle-ci doit être indépendante et impartiale pour répondre aux attentes des citoyens. « Si vous voulez, la justice est le fer de lance de tout État de droit. Tous les pays très avancés, tous les pays enviables, tous les pays qui font de la promotion, de la protection de l’Etat, des droits de l’homme comme étant le socle de leur développement, ce sont des pays qui s’appuient sur une justice indépendante, une justice impartiale. Et il faut noter qu’il y a des efforts majeurs qui ont été consentis par l’exécutif à l’endroit de la justice guinéenne depuis la réforme de 2010 avec le CNT. Il y a eu des innovations cherchant à rendre la justice guinéenne plus efficace, répondant aux attentes des justiciables. Vous savez, avec la constitution du 17 mai 2010, il y avait tout une institution consacrée, ce qu’on appelle le Conseil supérieur de la magistrature. C’est dans le but de rendre la justice indépendante. Ensuite, il y a eu les états généraux de la justice pour faire le diagnostic de la justice et puis il y a eu aussi des statuts particuliers des magistrats. Donc, je pense encore une fois, chacun de nous doit se dire, voilà, on doit être animé d’une conviction juste et équitable vis-à-vis de la nation, vis-à-vis du respect des principes républicains et des valeurs de justice, de paix et de liberté. Donc, une justice qui répond aux attentes des justiciables ».

En outre, M.Diallo invite l’Etat à jouer sa participation, à la justice de faire preuve d’indépendance pour sortir la Guinée de l’ornière. « L’État de droit est cet État fondé sur les droits et qui respecte les droits de l’homme. Donc, encore une fois, pour dire que la justice est le fer de lance de tout Etat de droit. Nous avons tellement d’exemples à travers le monde où des hommes qui ont contribué à consolider l’Etat des droits en ont bénéficié ultérieurement. Tout comme le contraire aussi, qu’ils subissent ultérieurement. Donc, chacun de nous, en fonction de sa portion de responsabilité, œuvre pour l’instauration de cet État des droits. Et maintenant, vous savez, il est du devoir de l’autorité de garantir le respect des instruments relatifs à la promotion et à la protection des droits de l’homme. La Guinée, il faut le rappeler, est l’un des rares pays qui ratifie tout ça. Et cela veut dire une justice équitable, indépendante, impartiale, où des citoyens qui sont en maille avec la loi, qui sont en conflit avec la loi, bénéficient de procès justes et équitables et qui obéissent à tout un processus. Je pense qu’aujourd’hui, la justice guinéenne à des défis à relever dans ce sens pour instaurer un véritable Etat de droit », a laissé entendre Kaly Diallo.

Ismael Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 624 69 33 33

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