Début du procès de l’ex ministre Ibrahima Kourouma et Cie à la CRIEF : réactions croisées des avocats de la défense et de la partie civile

Dr. Ibrahima Kourouma, ancien ministre de la Ville et de l'aménagement du territoire

Dr Ibrahima Kourouma, ancien ministre de la ville et de l’Aménagement du territoire, ainsi que Mohamed V Sankon, son directeur des affaires financières, ont comparu devant la chambre de jugement de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) ce mercredi, 15 janvier 2025. Ils sont accusés de détournement de fonds publics et d’enrichissement illicite portant sur des montants qui s’élèvent à plus de 600 milliards de francs guinéens et 12 millions de dollars. Ces faits seraient liés à leur gestion au sein du gouvernement d’Alpha Condé, causant un préjudice à l’État guinéen, a appris Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Lors de cette audience, le président de la Cour, Yagouba Conté, a notifié les charges pesantes contre le Dr Kourouma et Mohamed V Sankon. En réponse, les avocats de la défense ont plaidé pour la libération provisoire de leur client, soulignant que le Dr Kourouma est en détention depuis plus de 32 mois.

Cependant, la Cour a rejeté cette requête, renvoyant l’affaire au 22 janvier 2025 pour la suite des débats.

Me Elhadj Mohamed Kounta, avocat de la défense, crie à l’arbitraire et promet de se battre pour le respect des droits de l’ancien ministre Ibrahima Kourouma.

Me Elhadj Mohamed Kounta, avocat

« Vous l’avez certainement entendu dans la salle d’audience, on reproche à notre client des faits de détournement de deniers public et la non-justification de son train de vie, donc d’enrichissement illicite portant sur beaucoup d’argent, des milliards, notamment 12 millions de dollars, qui auraient été divertis par notre client. Cela dit, on se retrouve devant une situation ubuesque. Comme vous le savez, la liberté, c’est le principe ; et la détention, c’est l’exception. Il se trouve que l’exception prime dans ce dossier, parce que ça fait 33 mois qu’il est en détention illégale et arbitraire, puisque par plusieurs fois il a bénéficié d’une remise en liberté. Et vous avez bien constaté, si vous étiez dans la salle, que la juridiction n’a pas le cran de tirer toute conséquence de droit de cette décision. Et encore qu’il y a un principe qui dit que tous les prévenus doivent être traités de façon équitable. On constate qu’il y a un des prévenus dans ce même dossier, d’ailleurs, qui n’était pas en lien avec mon client, qui est toujours en liberté, en attendant tranquillement son procès, alors que le nôtre est en détention. C’est absolument regrettable, et c’est une situation qui commence à perdurer dans notre pays. Si le citoyen lambda ne peut pas se référer à un juge qui, par excellence, est un juge de la liberté, je pense que le désespoir commence à s’instaurer. Et je pense, et je le dis sans ambages, c’est un dossier politique. On ne le dit pas de façon claire. Maintenir notre client de façon abusive et inconsidérée en détention encore, en tout cas, je m’insurge personnellement contre cette situation. Le dossier est renvoyé pour la suite des débats, ce qui laisse présager qu’il va rester théoriquement en prison jusqu’à la fin des débats. Ce que je n’accepte pas ni mes confrères. Et, à chaque fois on va solliciter encore une remise en liberté. C’est le droit, on va le faire. Il doit se présenter ici libre, puisque sa situation juridique est totalement bafouée. Logiquement, il est en liberté, mais en liberté où ? Logé à l’hôtel 5 étoiles de Coronthie », a déploré Me Kounta, un des avocats de la défense.

De son côté, Me Pépé Antoine Lama a rappelé la gravité des accusations et sollicité le paiement de la caution de 500 milliards de francs guinéens demandé au prévenu pour sa mise en liberté provisoire.

Me Pépé Antoine Lama, avocat

« Monsieur Ibrahima Kourouma et son co-prévenu, les deux personnes-là sont poursuivies pour les faits de détournement de données publiques, blanchiment des capitaux et enrichissement illicite. L’agent judiciaire que je représente ici leur réclame la somme de plus de 600 milliards de francs guinéens et 12 millions de dollars. Nous avons demandé le renvoi de cette affaire à huitaine, parce qu’au terme de l’instruction préparatoire l’ordonnance de non-lieu partielle de renvoi qui saisit la juridiction de ce siège (chambre de jugement de la CRIEF) n’a pas été notifiée à l’État. Nous n’étions pas en mesure d’assurer sereinement la défense de l’État dans cette procédure, dans ces conditions. C’est pour ça que nous avions demandé le renvoi. Le renvoi s’imposait aussi parce que les prévenus ont attendu l’audience de ce jour pour venir nous communiquer une tonne de pièces qui constituent pour eux des preuves de la justification des dépenses effectuées par les ministères que M. Kourouma a eu à gérer. Nous avons aussi le droit d’analyser, d’examiner ces pièces pour éventuellement apporter notre part de vérité dans cette affaire. C’est la contradiction. C’est pour ça que nous avions soumis la demande de renvoi qui a été traitée et décidée par la Cour de renvoyer l’affaire à une semaine. La semaine prochaine, nous viendrons fin prêts à aborder ce dossier, démontrer l’existence suffisante des infractions poursuivies. Les sommes qu’on doit à l’État, qu’on doit au peuple de Guinée et qu’on doit rembourser au peuple de Guinée, qu’on doit utiliser pour le bien-être du peuple de Guinée. La question de détention intéresse principalement le ministère public. Nous, nous sommes partie civile, nous poursuivons nos intérêts civils. C’est pourquoi nous avions, sous le fondement de disposition de l’article 246 du Code de procédure pénale, demandé à la Cour si elle devrait accéder à cette demande de mise en liberté, de bien vouloir demander respectueusement à Dr Kourouma et son co-prévenu de déposer au moins entre les mains du greffe de la juridiction de ce siège la somme de 500 milliards de francs guinéens comme début d’exécution des montants que nous sommes en train de réclamer », a-t-il indiqué.

En ce qui concerne le mandat de dépôt de Dr Ibrahima Kourouma à la maison centrale et la question du renouvellement de ce mandat posés par la défense à la Cour, Me Pépé Antoine Lama précise que cela n’a pas été posé au bon endroit.

“C’est une question qui a été déjà débattue devant une autre juridiction. Et cette procédure a connu son épilogue devant la Cour suprême, qui a cassé l’arrêt de mise en liberté dont M. Kourouma a bénéficié. Donc ici, sa défense a été très claire. C’est une demande de mise en liberté qu’elle a soumise. Et malheureusement, la Cour n’a pas accédé à cette demande. Nous aurions bien voulu que la Cour demande à M. Kourouma de nous déposer au moins 500 milliards de francs guinéens, le temps de soulager la douleur du peuple de Guinée, soulager la souffrance de l’État guinéen qui a trop souffert pendant ces dernières années. Et malheureusement, la Cour n’a pas accédé à cette demande », a-t-il précisé.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél : 622919225

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