Détournement aux Impôts ? Les avocats de Mory Camara et Cie attaquent l’ordonnance de placement sous mandat de dépôt

Mory Camara, ancien directeur Général des impôts

Mory Camara, ancien Directeur général des impôts ; Mamoudou Bérété, directeur du contrôle fiscal ; et Mamadou Dian Diallo, directeur de la législation et du contentieux, ont comparu ce jeudi, 16 janvier 2025, devant la chambre spéciale de contrôle de l’instruction de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). Cette audience portait sur l’appel interjeté contre l’ordonnance de placement sous mandat de dépôt à la maison centrale de Conakry. Leur défense dénonce des irrégularités dans la procédure et espèrent que leurs clients seront remis en liberté, a constaté sur place Guineematin.com à travers ses reporters.

Les 3 prévenus sont en détention préventive depuis le 3 janvier. Ils sont accusés de dégrèvement, corruption, détournement de deniers publics, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux, concussion et complicité. Le tout portant sur un montant de plus de 1 000 milliards de francs guinéens au préjudice de l’Etat guinéen, représenté par l’agent judiciaire de l’Etat.

Les prévenus, par la voix de leurs avocats, contestent fermement les accusations retenues contre eux. « Nous ne sommes impliqués ni de près ni de loin dans ces faits », ont affirmé Mamadou Dian Diallo et Mamoudou Bérété.

À l’issue des débats, la Cour a clos les échanges et fixé au 22 janvier prochain la date pour statuer sur l’appel de la défense concernant la mise en liberté des accusés.

Me Lancinet Sylla, avocat de Mory Camara, critique vivement l’ordonnance ayant conduit à la détention provisoire de son client. Selon lui, cette décision est contraire aux dispositions de l’article 235 du Code de procédure pénale, qui exige une motivation précise et circonstanciée. « Il était question de l’appel immédiat contre l’ordonnance ayant placé en détention provisoire M. Mory Camara. Et le même recours a été exercé par les conseils des deux autres prévenus, Mamadou Dian Diallo et Mamoudou Bérété. C’est ce qui a été débattu tout au long de cette journée. Nous reprochons à l’ordonnance entreprise le manque de motivation. Ladite ordonnance n’a pas du tout été motivée. Or, un juge est tenu, dans l’exercice de sa mission de juge, à entreprendre des décisions motivées. De sorte que lorsqu’un juge entreprend une décision qui n’est pas motivée, conformément aux textes qui régissent la matière en question, alors sa décision peut être attaquée devant la juridiction supérieure et on est en droit de demander son infirmation. En l’espèce, ce sont les dispositions de l’article 235 du Code de procédure pénale qui régissent la question des détentions provisoires. Lorsque le juge est en train de faire une décision, le juge place une personne en détention provisoire, c’est content tout simplement de relever la gravité des faits, de relever la complexité des investigations, de dire que la personne qui est placée en détention, que sa liberté serait de nature à favoriser, une concertation frauduleuse avec des co-auteurs ou complices, ou que sa mise en liberté pourrait être de nature à entraver l’administration de la preuve, la loi exige que le juge ne se contente pas de simples affirmations, qu’il doit appuyer cela à travers des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure. Il doit en faire la démonstration. S’il ne le fait pas, ça veut dire que le juge n’a pas motivé sa décision. Par conséquent, la personne placée en détention est fondée à demander l’infirmation de cette décision et sa mise en liberté. Donc comme c’est le cas, nous avons fait la démonstration que la décision n’est pas motivée et que par conséquent, notre client, le Directeur général des impôts, mérite d’être remis en liberté », argue Me Lancinet Sylla.

Par ailleurs, l’avocat a plaidé la remise en liberté du DG des impôts ou, à défaut, son placement sous contrôle judiciaire. Il a par ailleurs mis en exergue des « lacunes » dans les poursuites. « Il s’agit des faits de dégrèvement d’office. Et d’ailleurs, le dégrèvement d’office a été débattu tout au long des débats, tout au long de cette audience, je veux dire. Le dégrèvement d’office n’est pas une infraction. Et le dégrèvement d’office, tel qu’adopté comme qualification dans cette affaire, n’est même pas la qualification de la décision. C’est la qualification appropriée. Alors, il s’agit d’une réclamation préalable devant l’administration qui a été formulée par des contribuables. Cette réclamation-là, c’était à la suite d’une taxation d’office qui a été notifiée. Et l’article 11.99 prévoit cette réclamation d’office. Et la conséquence, c’est qu’à l’issue de la réclamation d’office, alors la direction générale des impôts peut rendre une décision d’abandon soit totale, soit partielle des chefs de redressement. Et en la matière, il n’y a aucune condition de seuil. Et quel que soit le montant en cause, le directeur général demeure compétent. La réclamation préalable n’est pas à confondre avec le dégrèvement d’office. Donc, en l’espèce, il n’y a pas de dégrèvement d’office. On a relevé cela. Et puis, les qualifications qui ont donné lieu à des poursuites à l’ouverture d’une information judiciaire, ces qualifications-là sont des qualifications qui n’ont jamais fait l’objet d’enquêtes préliminaires. Ces qualifications ont été adoptées à la dernière minute. Les enquêtes n’ont jamais porté sur ces qualifications. Or, la première des choses, lorsqu’une personne est poursuivie, c’est de lui notifier les faits pour lesquels vous la poursuivez avec des qualifications pénales précises. Ça n’a jamais été le cas. Donc, c’est pour toutes ces raisons que nous avons demandé la mise en liberté de notre client Mory Camara, à défaut, d’ordonner leur placement sous contrôle judiciaire », a lancé Me Lancinet Sylla.

Même son de cloche chez maître Elhadj Mohamed Kounta, avocat de Mamadou Dian Diallo, qui a dénoncé les « irrégularités » de la procédure. Il affirme qu’aucun indice grave et concordant ne justifie l’inculpation et la détention provisoire de son client. « Cette ordonnance viole manifestement les règles de procédure. Pour notre client, il n’existe aucun lien, direct ou indirect, avec les infractions reprochées. Nous avons demandé son annulation pure et simple », a-t-il souligné.

Me Kounta a également évoqué l’attitude du ministère public. « Le ministère public réagi par passion, manipulant des affaires de présomption de banditisme à col blanc pour détourner l’attention des véritables problèmes de la société ».

Les yeux sont tournés vers la CRIEF qui, à la date du 22 janvier prochain, va statuer sur l’appel de la défense concernant la mise en liberté des prévenus.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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