Guinée : Colonel Bienvenue Lamah renvoyé devant le tribunal criminel (avocat)

Colonel Bienvenue Lamah

Le Colonel Bienvenue Lamah est poursuivi dans le dossier du 28 septembre de complicité dassassinat, d’enlèvement, de meurtre, de viol, de coups et blessures volontaires, remontant à 2009.  Depuis son arrestation le 21 novembre 2022, il a été placé sous mandat de dépôt. Deux ans après les différentes procédures judiciaires, l’officier supérieur de la gendarmerie est renvoyé devant le tribunal criminel de Dixinn pour son procès.

Son avocat a reçu un journaliste de Guineematin.com hier jeudi 16 janvier 2025 pour donner plus de détails sur ce dossier qui continue d’alimenter les débats surtout dans le milieu judiciaire.

Me Zézé Kalivogui, avocat du Colonel Bienvenue Lamah

« Je viens juste d’avoir, ce jeudi 16 janvier, la notification de renvoi de mon client devant le tribunal criminel par le juge d’instruction, M. Sacko », a expliqué Me Zézé Kalivogui qui ne cache pas son désarroi.

« C’est un dénouement d’une saga judiciaire qui ne dit pas son nom. Mon client est accusé de complicité pour toutes les infractions qui ont été reprochées, que ce soit les infractions liées au viol, aux assassinats, au vol etc., lors du procès du 28 septembre. Vraiment mes impressions sont négatives. Vu les circonstances dans lesquelles ce dossier a été traité, je ne suis pas aussi étonné lorsqu’on me dit que le dossier de mon client est renvoyé devant le tribunal criminel », a fait savoir ce membre du Barreau.

L’avocat du Colonel Bienvenue Lamah est formel. Ce dossier est tiré d’une procédure judiciaire irrégulière qui viole tous les principes du droit.

« C’est une procédure qui a été tirée par les cheveux. Le renvoi de mon client devant le tribunal est fondé sur des déclarations fortuites de Mamady Soumaoro qui s’est présenté comme le témoin anonyme. Du point de vue du droit, c’est une procédure irrégulière », a dénoncé l’avocat.

Plus loin, Me Zézé s’étonne du fait que les dénonciateurs ont refusé de comparaître à la séance de confrontation devant le juge d’instruction.

« Il s’agit de Monsieur Toumba Diakité par exemple, qui a refusé de comparaître devant le juge d’instruction pour venir soutenir sa déclaration devant le concerné. Il avait cité un certain nombre de personnes. Mais malheureusement, il n’y a que les personnes supposées être de la région forestière qui sont arrêtées et qui croupissent en prison. C’est à ce niveau que se situe l’injustice dans ce dossier. Je comprends que des personnes qui sont citées comparaissent. Mais faut-il encore que ce soient toutes les personnes. C’est comme le cas du Commandant du salon (ndlr : du Capitaine Moussa Dadis Camara, Mamady Condé dit Escobar). Et ne je veux pas de problème pour d’autres personnes mais je veux que la justice soit au milieu, que le juge n’ait comme outil que le code et le serment. Comment expliquer qu’un témoin refuse de comparaître et qu’il ne soit pas contraint par le juge », s’est interrogé l’avocat.

Le Conseil du Colonel Bienvenue Lamah soutient que toutes les voies de recours ont été épuisées et que pour cette ordonnance de renvoi, il n’y a aucune autre possibilité que la comparution de son client devant le tribunal de Dixinn.

« Puisqu’il s’agit d’une ordonnance de renvoi, le Colonel Bienvenue Lamah n’a pas le droit de relever appel contre cette décision. Elle ne fait pas partie des décisions juridictionnelles contre lesquelles il peut faire appel. Tout ce qu’il peut, c’est de subir. A l’époque, on avait saisi la 1ère chambre de contrôle de l’instruction laquelle d’ailleurs avait annulé l’inculpation et toute la procédure. Contre cette décision qu’il y a eu le pourvoi qui était manifestement irrecevable. Mais à la dernière minute, l’arrêt de cette 1ère chambre a été cassé.  On est revenu à la 2ème chambre qui a, dans un cas similaire annulé, fait marche arrière pour admettre l’inculpation et ordonner le renvoi devant le tribunal criminel. C’est contre cette décision que nous avons fait un second pourvoi. Et la Cour suprême en chambres réunies a déclaré le renvoie devant le doyen des juges pour que le dossier puisse continuer. Depuis son arrestation le 21 novembre 2022, son mandat n’a jamais fait l’objet de renouvellement, contrairement aux dispositions du code de procédure pénale », a déploré l’avocat.

A la question de savoir si le Colonel Bienvenue Lamah est le seul sur ce dossier, son conseil souligne qu’il ne s’agit pas forcément le cas.

« Au cours du procès du 28 septembre, il y a eu deux volets de ce même procès. Il y a un certain nombre de personnes citées par monsieur Toumba Diakité. Il y a une catégorie de personnes et une autre catégorie dont mon client est seul dans son dossier ».

Par rapport au démarrage du procès, aucune date n’est encore connue pour son déroulement.

« Il va y avoir deux procès, à moins qu’il y ait une jonction. Je vais me mettre en rapport avec le parquet pour que le dossier soit programmé. Nous allons nous tourner vers le parquet qui est le seul à organiser le procès. A mon avis, c’est un gaspillage. Le dossier aurait pu être retourné pour compléter les enquêtes », a indiqué l’avocat qui reste confiant pour son client.

« Nous avons des arguments très solides depuis le départ. La preuve est que la procédure a été annulée par la 1ère chambre de contrôle. Mais lorsque le magistrat ne pense pas à la vérité des choses pour rendre sa décision, cela échappe la compétence de l’avocat. Notre outil c’est la loi. On ne peut pas saisir le magistrat au collet. On lui oppose les arguments de la loi. Ce qu’il faut dire, c’est que l’indépendance de la justice dépend de la capacité du magistrat à rendre la décision en l’absence de toute pression extérieure à sa conscience et à son serment. C’est là où réside véritablement l’indépendance de la justice. Mais le magistrat qui n’agit pas avec en sa conscience et son serment, il va agir sur la pression et les considérations qui sont extérieures à son serment et à l’esprit de la loi. Avec un tel comportement, l’avocat n’a plus sa raison d’être. Et malheureusement, nous constatons un recul au niveau de la justice », dénonce Me Zézé Kalivogui.

Malgré cette réalité, l’avocat se dit déterminé à défendre son client et a juré d’aller jusqu’au bout. Cependant, il donne un conseil aux magistrats.

« Les gens doivent cesser d’accuser telle ou telle autorité. A ma connaissance aucun magistrat n’a été interpellé ou limogé de son poste pour avoir rendu telle ou telle décision juste. De nos jours, vous avez des textes qui régissent votre indépendance et votre liberté. Le magistrat est le mieux traité et est à l’abri du besoin. Les magistrats ont l’obligation de dire le droit. Des magistrats qui ont rendu des décisions légales sont à leurs postes. Ils n’ont jamais été inquiétés. Pourquoi ne pas prendre son courage en main pour ne dire que le droit. Étant entendu que les autorités actuelles sont des militaires, mais depuis quand est-ce qu’un magistrat a été interpellé pour avoir dit le droit ? Les autorités ont clairement dit que la justice leur servira de boussole. Il ne faut donc pas douter de leur bonne foi. L’indépendance du magistrat est dans sa tête. Les choses sont aménagées pour que les magistrats jugent ses semblables. Mais ils doivent savoir qu’ils sont jugés par Dieu et leurs semblables. Dieu ne pardonnera jamais l’injustice. Ce n’est pas normal de priver injustement les enfants d’autrui de la chaleur paternelle alors que vous, vous adulez les vôtres. Dieu ne vous pardonnera pas », a conclu Me Zézé Kalivogui.

Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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