Dara-Labé est l’une des 12 communes rurales de Labé, la capitale de la moyenne Guinée. Cette commune rurale est reconnue, à l’image de plusieurs autres localités de la région d’être championne du rayonnement de la culture islamique. Mais, depuis quelques années, cette donne est en train d’évoluer, notamment du côté de Kouraba, l’un des Districts relevant de Dara-Labé. Grâce à la culture du maïs et surtout de la pomme de terre, cette localité est de plus en plus citée en exemple dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Plusieurs de ses ressortissants sont revenus au village et se donnent comme principale activité la culture de la pomme de terre. Mais, qui en est le précurseur de cette belle initiative ? Un reporter de Guineematin.com a rencontré, le samedi 28 décembre 2024, Elhadj Mamadou Lamine Baldé, agronome et membre de la diaspora guinéenne aux Etats Unis qui a décidé librement de passer ses vieux jours au village. Depuis quelques années, ce cadre à la retraite du ministère de l’agriculture vit à Kouraba, au milieu des siens. Il partage son expérience, ses connaissances et contribue au mieux qu’il peut au développement de cette localité. Il fait sien l’adage qui dit ‘’donne un poisson à un homme, il mangera une journée. Apprends-lui à pêcher, il mangera toute sa vie’’.
« J’ai décidé de revenir au village vivre et partager avec mes parents et contribuer au développement de la localité, selon mes possibilités. Dans ce cadre, j’ai eu l’idée de faire venir des semences de maïs et de pomme de terre, alors que je travaillais à Timbi Madina, dans la préfecture de Pita. Ça c’est dans les années 1990. En fait, j’ai amené des variétés de maïs qui améliorent les rendements. J’ai constaté en fait que nos variétés sont fatiguées et les rendements sont de plus en plus faibles. Vous verrez des épis de maïs quand vous enlevez les spathes, vous trouverez que les graines sont très éloignées les unes des autres parce qu’il y a eu manque de fécondation. Alors que la perta (variété hybride de l’Asie du Sud Est, introduite en Guinée par le centre semencier de Bahreïn à Timbi Madina), quelle que soit la dimension de l’épi, tout est rempli de graines. Avec les variétés locales, les graines s’écrasent au moment de les piler. Donc, le rendement devient encore plus faible. J’ai donc décidé d’envoyer la variété perta et donner aux populations », a expliqué l’agronome.
Pour la culture de la pomme de terre, la procédure a été toute autre. Vu que ce légume était peu connu et très peu consommé localement par rapport à la patate douce.
« J’ai emmené moi-même une caisse de pomme de terre que j’ai moi-même plantée dans ma tapade. A la récolte, j’ai décidé de donner un kilo gramme de pomme de terre par personne. A chaque fois que quelqu’un passe, je l’appelle pour lui donner le tubercule et je fais accompagner par des explications non seulement pour la consommation mais aussi pour la culture et sa rentabilité économique. Et je veux vous parler d’un cas spécifique. Elhadj Ibrahima Kessou était un chauffeur de taxi. Il habitait à Conakry. J’ai acheté une caisse de pomme de terre et de l’engrais pour lui. J’ai emmené de Timbi Madina quelqu’un pour planter le tubercule et lui montrer les techniques d’entretien. Après la récolte, il a décidé de quitter la capitale et de faire louer ses maisons et son taxi pour rentrer au village avec ses deux épouses cultiver la pomme de terre. Depuis lors, il ne va à Conakry que pour vendre sa récolte. Il est là et il vit heureux avec sa famille », a expliqué Elhadj Mamadou Lamine Baldé.
Et, ce n’est pas tout. En introduisant la culture du maïs et de la pomme de terre, ce cadre du ministère de l’agriculture a décidé de s’attaquer à l’insalubrité.

« Vous savez, partout, il y avait du fumier, des essaims de mouches, les gens avaient des problèmes de santé puisque la saleté fait appel aussi aux moustiques et les insectes sont le vecteur du paludisme. J’ai montré comment utiliser le fumier pour augmenter le rendement de leurs récoltes. Depuis, vous voyez dans tout le village, il n’y a pas de bouse de vache. Les gens ramassent tout cela pour en faire des composts pour augmenter le rendement », a dit Elhadj Baldé.
Finalement, et avec persévérance, le village a fini par avoir les retombées.
« Lorsque je donnais des conseils aux gens pour cultiver la perta et la pomme de terre, certains me disaient ‘’nous, on a trouvé nos parents faire de l’agriculture, sans grand-chose, s’il veut nous aider, qu’il nous donne de l’argent’’. Mais, je leur répondais de patienter et de persévérer. Aujourd’hui, les femmes ont des revenus plus importants. Avant, il était difficile pour une femme d’avoir un million. Mais, actuellement, allez-y leur demander. Elles peuvent avoir par récolte des montants plus élevés pour leurs besoins et surtout pour l’éducation des enfants. Et, plus important, les jeunes qui étaient massivement sortis, sont revenus en nombre au village pour s’adonner à l’agriculture. Grâce à la culture du maïs et de la pomme de terre, Kouraba est très peuplé, contrairement à beaucoup d’autres villages du Foutah », a fait savoir cet expert agronome.
Comme pour dire que le travail bienfait fini par payer, le village a réussi à avoir un champ commun de près de 50 hectares, entièrement clôturé.
« Un jour, un blanc est venu à Kouraba, il a été bien reçu. Il a demandé aux populations ce qu’elle désire. En réponse, ils ont demandé la clôture. ‘’Il y a un de nos frères qui nous a initiés à la culture de la pomme de terre ; mais, notre champ n’est pas clôturé et cela nous fatigue. Nous avons de bons rendements ; mais, nos récoltes sont parfois agressées’’, lui ont-ils expliqué. Alors, il a décidé de les aider à avoir des grillages. Nous avons par la suite mobilisé les gens pour compléter les efforts. Finalement, nous avons ce champ bien clôturé et chacun vient travailler en toute sécurité », se réjouit M. Baldé.
Enfin, l’agronome conseille aux populations de faire de l’agriculture un véritable métier, de respecter le calendrier agricole, d’utiliser les bonnes semences et de faire recours aux engrais, surtout les engrais naturels. Si ces conseils sont bien suivis, Elhadj Mamadou Lamine Baldé assure que les paysans de Kouraba et même d’ailleurs seront plus prospères et heureux.
Abdallah BALDE pour Guineematin.com
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