Conakry : 50 enseignants-chercheurs exigent le paiement de leurs salaires et l’égalité salariale avec leurs homologues étrangers

Dr Siba Théodore Koropogui, enseignant chercheur à l'ISFAD

Un groupe de 50 enseignants-chercheurs guinéens, récemment recrutés, dénonce des irrégularités et une injustice dont ils se disent victimes. Ces enseignants-chercheurs, tous titulaires, pointent des « dysfonctionnements », comme le retard systématique dans le paiement des salaires (octobre, novembre et décembre), la discrimination salariale entre chercheurs guinéens et leurs homologues étrangers, et le manque de visibilité sur le financement des activités de recherche dans les universités. Ils l’ont fait savoir ce mercredi, 22 janvier 2025, à l’occasion d’une conférence de presse animée à Conakry, a appris Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Dr Siba Théodore Koropogui, enseignant-chercheur à l’Institut supérieur de formation à distance (ISFAD), a souligné les engagements non tenus par le Ministère de l’Enseignement supérieur, malgré une rencontre avec le ministre.

« Nous avons décidé de prendre nos responsabilités pour attirer l’attention des plus hautes autorités de notre pays pour une ultime injustice systémique qui affecte nous, enseignants-chercheurs, et ça perdure depuis longtemps au sein des institutions de l’enseignement supérieur. Nous avons rencontré le ministre Alpha Bacar Barry, à son initiative. Nous lui avons dressé par la suite une lettre signée par nous les 50 PhD Guinéens, récemment recrutés, dans laquelle nous lui avons rappelé ses promesses encore non tenues et que si cet état de faits persistait jusqu’au 15 janvier dernier, nous serions en droit de suspendre toutes nos obligations consignées dans le cahier des charges. Nous avons même fait des propositions concrètes pour réparer ces injustices. Malheureusement, la seule réponse concrète à laquelle nous avons eu droit venant d’un fonctionnaire du BSD (Bureau de stratégies et de développement) du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation, a été un article de presse diffamatoire, irrespectueux et plein de contre-vérités et qui viole la déontologie et les codes régissant le statut des hauts fonctionnaires de l’Etat. Là encore, nous avons pris de la hauteur. La sagesse et la responsabilité du chercheur nous ont empêché de répondre à cette énième provocation dont le seul but était d’écorner l’image de notre pays. C’est après avoir épuisé toutes ces voies de recours à l’interne et après avoir fait preuve de réserve et constatant que nos interlocuteurs en face n’honorent pas leurs promesses et continuent à nous infantiliser que nous avons décidé aujourd’hui de prendre nos responsabilités en rompant le pacte de silence dans un seul but, celui d’attirer l’attention des plus hautes autorités de notre pays sur notre situation », a déclaré Dr Siba Théodore Koropogui.
Poursuivant, l’enseignant-chercheur a fait savoir que leurs salaires des 3 derniers mois de l’année 2024 ne sont pas encore payés. Il a également dénoncé l’inégalité entre les enseignants-chercheurs sur la question salariale. « Depuis au mois d’octobre, nous n’avons reçu aucun paiement de salaire. Malgré nos relances et démarches jusqu’à ce jour, cette injustice continue à perdurer et nous n’apercevons aucune perspective allant dans le sens de sa réparation. Pourtant, elle a des impacts considérables sur nous, nos familles ainsi que notre situation professionnelle car nombreux parmi nous ont abandonné à l’étranger familles et activités pour revenir servir le pays. Bien que le ministère ne respecte pas ses engagements, nous continuons à honorer les nôtres en travaillant dans des conditions précaires et en utilisant nos propres moyens qui, je souhaiterais le souligner, sont dérisoires pour financer les coûts liés aux préparations de nos cours, accéder à internet, acheter des livres, la documentation pour préparer nos différents cours, assurer nos transports pour aller au sein de nos universités respectives et nous restaurer… Ensuite, ce qui rend cette situation encore plus scandaleuse et inacceptable, c’est l’institutionnalisation d’une discrimination salariale au sein de nos universités entre nous, enseignants-chercheurs guinéens, et nos collègues étrangers qui touchent des salaires trois fois plus élevés que les nôtres. Elle constitue une violation flagrante du principe sacro-saint d’égalité de traitement qui devait régir la fonction publique. Une discrimination basée donc sur la nationalité et non sur les qualifications et sur les compétences. Nombreux parmi nous ont eu l’opportunité d’enseigner dans des universités étrangères, mais ils étaient soumis aux mêmes traitements salariaux que les nationaux dans ces différents pays-là », a-t-il souligné

Par ailleurs, Dr Siba Théodore Koropogui exige que les salaires soient payés et la fin de l’inégalité entre les enseignants chercheurs guinéens et étrangers. Il a aussi exigé que les enseignants-chercheurs exclus soient réintégrés.
« A l’aune de tout cela, nous saisissons cette occasion pour formuler nos revendications claires, fermes et constructives pour notre pays. Premièrement, le paiement immédiat de nos salaires dus. Nous exigeons que nos salaires que nous avons légitimement gagnés par notre travail soient versés immédiatement et intégralement, incluant les mois d’octobre, novembre, décembre et janvier. Nous ne pouvons plus attendre. C’est une question de dignité, de respectabilité et d’honorabilité de l’engagement pris par l’administration. L’égalité immédiate entre les salaires. Nous exigeons la révision des grilles salariales actuelles en instituant une grille salariale unique afin que tous les enseignants-chercheurs de grade équivalent, qu’ils soient nationaux ou étrangers, soient rémunérés de manière égale pour ce genre de travail similaires. Nous exigeons une réforme du système de contractualisation actuelle qui est en réalité une source de déperdition de nos finances publiques. En réalité, le salaire mensuel actuel d’un docteur étranger pourrait permettre le recrutement de trois docteurs guinéens de grade équivalent. Aussi, cette situation cause un autre mal profond, celui de fausser l’avancement des chercheurs guinéens dans le système CAMES. Car bien payés, nos collègues étrangers peuvent bien se consacrer entièrement à la recherche scientifique, alors que nous enseignants guinéens n’auront pas cette opportunité et, par conséquent, ne pourront pas facilement accéder au grade du CAMES. Cette inégalité affecte profondément les chercheurs guinéens et elle doit être corrigée immédiatement pour l’honneur de notre pays. Troisièmement, l’absence de visibilité autour du financement à la recherche. Nous exigeons une réforme totale de la gestion des financements destinés à la recherche universitaire. Quatrièmement, nous réitérons notre demande de réexaminer la situation de nos collègues qui ont été exclus du processus de recrutement, bien qu’ils aient été admis à ce processus-là. Nous demandons que des mesures soient prises afin qu’ils puissent rejoindre le corps des enseignants guinéens le plus tôt possible pour servir leur patrie », a lancé Dr Siba Théodore Koropogui.

Ismael Diallo pour Guineematin.com 

Tél: 624 69 33 33

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