L’ancien ministre de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation, puis de la Ville, de l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire, Ibrahima Kourouma, ainsi que son directeur des affaires financières, Mohamed V Sankon, ont comparu de nouveau devant la chambre de jugement de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) ce mercredi, 22 janvier 2024. Ces anciens hauts responsables sous le régime d’Alpha Condé sont poursuivis pour des faits présumés de détournement de deniers publics et d’enrichissement illicite portant sur des montants colossaux : 612,520 504 000 de francs guinéens et 12 millions de dollars américains. Face à la Cour, Ibrahima Kourouma, seul entendu ce jour, a rejeté en bloc les accusations portées contre lui, a constaté Guineematin.com à travers un de ses reporters.
Suivant l’ordonnance de renvoi des prévenus, ces derniers auraient procédé à un décaissement des montants dont la somme s’élève à 612 520 504 000 de francs guinéens non justifiés. Il s’agit, entre autres, des montants de 232 109 400 449 francs guinéens, du montant de 225 942 780 253 francs guinéens décaissés pour les dépenses des examens nationaux, des rentrées scolaires, de la construction et de la rénovation des infrastructures scolaires pour la période allant de 2011 à 2014. Interrogé sur les faits, l’ancien ministre de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation, Ibrahima Kourouma, a juré n’avoir jamais pris connaissance du document relatif à ces montants.
« C’est un document que je n’ai pas vu. C’est-à-dire qu’il n’y a pas eu d’accusation de l’inspection générale de l’Etat. Mais je voudrais préciser, Monsieur le Président, qu’il n’y a jamais eu de contradiction. Je n’ai jamais été appelé pour une confrontation quelconque à ce montant. Je suis ordonnateur. Tout ce qui se fait comme dépenses n’est pas de moi. Dans l’ordonnance de renvoi, on nous parle de pièces justificatives. Monsieur le Président, ce n’est pas l’ordonnateur qui a les pièces justificatives. L’article 65 de la loi organique qui réforme les finances est très clair. Il y a une incompatibilité entre le ministre ordonnateur et le pool financier. Ce sont eux qui font les dépenses. Monsieur le Président, je ne sais même pas ce qui est réel. Ce montant non justifié, c’est parce qu’on n’a pas touché la bonne porte. Ceux qui doivent justifier n’ont pas été touchés. Il n’y a pas de pièces justificatives. Les pièces ne peuvent pas manquer. Mais je n’ai pas eu de contradiction. Il n’y a pas eu d’opposition, il n’y a pas eu de rencontre, il n’y a pas eu d’affrontement. J’estime que c’est un rapport provisoire au niveau de l’inspection. Parce que le rapport est définitif au niveau de l’inspection, il faut qu’il y ait la contradiction. Mais, il n’y en a jamais eu. Je n’ai jamais été appelé, Monsieur le Président. Il n’y a pas un mois, Monsieur le Président, que j’ai vu ça. Pour dire ce qu’on vous reproche, ce qu’on vous reproche à votre gestion. Il n’y a pas un mois, Monsieur le Président. Donc, j’estime que pour que ceci soit valide, il faut qu’il y ait forcément la confrontation. Qu’on nous mette en face à face, c’est-à-dire en confrontation avec des gens et qu’on puisse expliquer clairement ce qu’il y a. Puisqu’on parle de pièces justificatives. Voilà, Monsieur le Président. Donc, ce montant-là qu’on estime à 223 milliards, il faut qu’on accepte qu’il y ait une confrontation. Jamais, Monsieur le Président, jamais je n’ai été appelé. Même à l’instruction, on ne m’en a jamais parlé. Même à l’instruction, vous avez la possibilité de dégager le rapport d’instruction… Et ce n’est pas à moi de justifier une dépense. C’est les services techniques, le pool financier, c’est eux qui sont tous les jours, au quotidien, dans les dépenses, qui ont les archives, qui ont les pièces, qui peuvent expliquer ce qui se passe. Mais, si on demande au ministre de justifier avec les pièces, je ne sais pas, Monsieur le Président. Donc, de ce fait, je continue de rester sur ma position pour dire que je rejette un bloc ce montant qu’on dit avoir été détourné, parce qu’on a besoin de justificatifs. Non, je rejette en bloc, Monsieur le Président. Et j’estime qu’il faut qu’il y ait une confrontation entre l’inspection qui déclare cette situation et nous pour qu’on ait un document final », a déclaré l’ancien ministre d’Alpha Condé.
Il y a eu également un autre montant de 154 milliards 468 millions 604 mille 107 francs guinéens décaissés qui, selon l’ordonnance de renvoi, n’a pas été justifié. Et, ce montant est relatif aux indemnités d’examen, frais de réunion et conférences liées à l’Organisation des examens nationaux, couverture des dépenses relatives à l’Organisation des ateliers préparatoires des examens nationaux, couverture des dépenses relatives aux contrôles et suivis, évaluation des programmes et le paiement des indemnités de mission.
Parlant de l’utilisation de cette somme, l’ex ministre soutient que c’est le pool financier et le directeur des examens qui peuvent donner des réponses précises à ces questions, ainsi que du service technique.
« Monsieur le Président, avec votre permission, tout ce qui est lié aux examens nationaux, l’ordonnateur principal et le directeur du service d’examen, il a en son sein un pôle financier. C’est lui qui pilote les examens, tant sur le plan de la pratique, mais sur le plan financier. Il est ordonnateur, il est celui qui paie les primes, il est le principal responsable des examens. Donc, à ce niveau, concernant les examens, à commencer par les ateliers régionaux, jusqu’au niveau de la proclamation des résultats, c’est le directeur du service d’examen qui pilote les examens, et sur tous les plans, financièrement et de façon technique aussi. Donc, ces montants dont on parle sont des montants qui peuvent être justifiés par les différents services. C’est le service technique », a expliqué Ibrahima Kourouma.
A la fin de l’audience, les avocats de la défense ont sollicité de la Cour la mise en liberté provisoire de leurs clients. Mais, ceux de la partie civile, appuyés le ministère public en réaction à cette demande, ont exigé que les prévenus paient une caution de 100 000 000 000 de francs guinéens s’ils veulent bénéficier d’une liberté provisoire.
Finalement, la Cour a rejeté la demande de la défense et a renvoyé l’affaire au 29 janvier 2025 pour la suite des débats.
Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com