La ville de Goma, dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), reste au centre de l’actualité avec des combats entre les Forces armées congolaises, appuyées par des miliciens Wazalendo, et le M23, soutenu par le Rwanda. Face à cette crise humanitaire, Elhadj Dieriba Diaby, ambassadeur de la paix, a livré une analyse lucide qui met en lumière le manque d’entente entre congolais dont les richesses attirent les convoitises. Il a exprimé son point sur le sujet dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com ce mardi, 28 janvier 2025.
Avec ses 2,3 millions de km² et ses 26 provinces, la RDC est un territoire très étendu avec une mosaïque ethnique et d’immenses richesses naturelles. Pour illustrer cette immensité, Elhadj Dieriba rappelle que parcourir le pays en avion, de Kinshasa à Goma ou de Kinshasa à Lubumbashi, peut prendre environ 2h 30 minutes. Une telle échelle rend la gouvernance plus complexe, surtout dans un contexte où la violence semble profondément enracinée dans le pays, héritée du colonialisme belge. « Gouverner un pays aussi vaste que le Congo, où les gens sont habitués à la violence, ce n’est pas une tâche facile. Malheureusement, la discipline n’y est pas ancrée, contrairement à ce que l’on peut observer au Congo-Brazzaville voisin, » a-t-il souligné.
Au-delà de l’immensité du territoire, l’ambassadeur de la paix pointe du doigt les divisions internes comme la cause principale des problèmes du pays. « Ce qui est dommage, nous voyons que les grandes puissances sont là et ne nous disent rien, même s’ils condamnent, ils savent d’où viennent véritablement ces problèmes. Moi, je ne suis pas la personne qui va accuser le Rwanda directement pour dire que tout c’est la faute du Rwanda, tout est la faute de Rwanda. Un pays ne peut pas venir agresser un autre pays s’il n’a pas de complices dans ce pays-là », a-t-il déclaré, faisant allusion aux acteurs internes qui soutiennent ou facilitent l’exploitation illégale des richesses naturelles.
Les conflits dans l’est de la RDC, particulièrement au Kivu, ne sont pas seulement le fait d’acteurs extérieurs comme le Rwanda ou l’Ouganda. Ils sont également alimentés par des réseaux internes, attirés par l’or et les diamants de la région. « Il y a plusieurs nationalités qui sont dans cette affaire, parce que le Congo est vachement riche. Et là où ils sont en train d’attaquer, c’est de l’or et c’est du diamant. Et nous connaissons bien le Congo. Lorsque vous prenez une petite partie, au bout de six mois, vous devenez absolument riches. Et les gens ont dit, l’argent devient le diable, l’argent devient satan », déclare-t-il.
En outre, Elhadj Dieriba Diaby refuse de rejeter entièrement la faute sur les grandes puissances, telles que la France, la Belgique ou les États-Unis. Bien qu’elles aient joué un rôle historique dans la colonisation et l’exploitation des ressources du Congo, il estime que la solution doit venir des Congolais eux-mêmes. « Nous dépendons encore de ces pays colonisateurs, mais ce n’est pas à eux de nous imposer notre mode de vie. C’est à nous de travailler ensemble pour construire un avenir meilleur. Si le Congo est en difficulté aujourd’hui, c’est avant tout parce que les Congolais ne s’entendent pas. »
Il rappelle que la Belgique, malgré sa petite taille et ses 15 millions d’habitants, a été bâtie en grande partie grâce aux richesses du Congo. Aujourd’hui, le Congo, avec ses 100 millions d’habitants, peine à exploiter son potentiel en raison d’un manque d’unité et de dialogue.
Face à la crise qui secoue la RDC, Elhadj Dieriba Diaby appelle à un dialogue sincère et franc entre les Congolais. « Si vous ne vous entendez pas, votre grand pays deviendra un petit pays. Ce qui se passe à Goma, à 3 000 kilomètres de Kinshasa, peut arriver à Kinshasa demain. Les Congolais doivent faire attention. »
L’ambassadeur de la paix invite les leaders politiques, les gouverneurs provinciaux et la population à reconnaître l’urgence de la situation et à travailler, la main dans la main, pour renforcer l’unité nationale. « Un gouverneur en RDC gère parfois plus de 15 millions d’habitants, soit l’équivalent de la population de certains pays africains. Cela montre l’importance des responsabilités, mais aussi des opportunités qu’offre ce pays. »
En conclusion, Elhadj Dieriba Diaby rappelle que la RDC est une terre de richesses et de possibilités infinies. Mais pour que cette richesse profite à tous, les Congolais doivent s’unir, promouvoir la discipline et instaurer un dialogue inclusif. C’est à ce prix que le pays pourra surmonter ses défis et arriver à une paix durable.
Lamine Kaba pour Guineematin.com
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