L’artiste, compositeur et opérateur culturel, Oudy 1er, poursuit la dame Laouratou Hann pour destruction de biens privés au tribunal de première instance de Dixinn (délocalisé à la mairie de Ratoma). À l’audience d’hier, lundi 27 janvier 2025, il a réclamé 570 000 000 de francs guinéens à la prévenue à titre de réparation du préjudice subi. Mais, le ministère public et les avocats de la défense se sont opposés à ces prétentions de la partie civile, a appris Guineematin.com à travers un de ses reporters.
Madame Laouratou Hann comparaît libre dans ce dossier. Et, elle est poursuivie pour des faits qui se sont produits à Kipé, dans la commune de Ratoma. La prévenue a mis en location le premier étage de l’immeuble dans lequel elle occupe le rez-de-chaussée. Elle a signé un contrat renouvelable de 5 ans avec Zakiou Deen Camara dit Oudy 1er. Le contrat stipule que l’artiste doit payer 60 000 dollars. Oudy 1er a fait un premier versement de 36 000 dollars. C’est dans cette attente interminable du reliquat que Laouratou Hann a fait couper le disjoncteur de l’immeuble se trouvant au rez-de-chaussée. De cette action, Oudy 1er aurait perdu les poissons, poulets, pizzas, des appareils électroniques (…) de son restaurant chicha lounge situé au premier étage de l’immeuble. Les avocats de la partie civile, dans leurs plaidoiries, ont demandé le dédommagement de leur client.
« Mon client était lié par un contrat signé le 31 octobre 2023 sur la gestion d’un bar restaurant aménagé pour une durée de 5 ans renouvelable. Au cours de ce contrat, Mme Laouratou Hann s’est fait passer pour la véritable propriétaire des lieux. Elle n’a jamais informé mon client comme quoi elle n’avait pas le droit de sous-louer les lieux. Elle l’avait fait et perçu 36 000 dollars couvrant une année de loyer. Mon client Zakiou Deen Camara alias Oudy 1er a investi pour rendre opérationnel le lieu. Beaucoup de personnes y venaient. Le bail devait se poursuivre jusqu’au 31 octobre 2028. Le restaurant était rempli d’appareils électroniques, de vendables et de consommables qui ne pouvaient pas être utilisés sans électricité. Sans le courant, il n’y a pas de restaurant. Contre toute attente, et en violation manifeste, elle a fait couper l’électricité dans le restaurant. Pourtant, notre client payait sa facture. Cette coupure a duré pendant 19 jours et a été constatée par un huissier le 14 mars 2024. Les recettes journalières s’élevaient à 30 millions de francs guinéens… Lorsqu’on a rétabli le courant, un procès-verbal a été établi. Ces faits tombent sous le coup de la loi pénale. À la lumière des faits, madame Laouratou Hann ne peut échapper à la répression. Ce qui est très grave, depuis lors, elle n’a manifesté aucun remords. Nous demandons la réparation des préjudices subis. Laouratou vient couper l’électricité. C’est son compteur qui fournissait l’électricité au restaurant, parce qu’elle ne s’entend pas avec notre client, elle ne doit pas se rendre justice. Il y avait des denrées périssables dans le réfrigérateur. Nous vous demandons 30 000 000 de francs guinéens x 19, donc 570 000 000 francs guinéens du préjudice direct subi. Nous avons eu un manque à gagner… Depuis le 14, nous ne travaillons pas. Nous avons d’ailleurs été expulsés des lieux », ont plaidé maître Salifou Béavogui et maître Faza.
De son côté, le parquet a estimé que la prévenue n’est pas en cause dans cette affaire. Il assure qu’il n’y a aucune preuve qui soutient les faits de destruction de biens articulés contre la prévenue dans cette affaire. D’ailleurs, il a demandé au tribunal de renvoyer madame Laouratou Hann des fins de la poursuite en vertu des dispositions de l’article 544 du code de procédure pénale.
« Le 4 avril 2024, maître Salifou Béavogui, conseil de Oudy 1er, a saisi notre parquet. Il a précisé que, depuis le 31 octobre 2024, son client est lié à Laouratou portant sur la location d’un 1er étage sis à Kipé. Au rez-de-chaussée, Madame Laouratou Hann occupe. Dans le contrat d’une durée de 5 années renouvelable, Zakiou Deen Camara a utilisé son local pour un chicha lounge. Madame Laouratou Hann aurait donné des ordres à son vigile de couper le disjoncteur se trouvant au rez-de-chaussée dans son local. C’est elle qui a la latitude d’éteindre et d’allumer le disjoncteur. Cela aurait causé des préjudices à son client. Ce dernier a perdu l’utilisation de ses matières électriques et les poulets et autres denrées ont pourri dans les réfrigérateurs. Un huissier s’est rendu sur les lieux le 14 mars. Il a fait un procès-verbal de constat disant : il n’y avait pas d’électricité. L’électricité aurait été coupée… Lors des enquêtes primaires, Madame Laouratou Hann n’a pas nié avoir ordonné à son vigile de couper le compteur. Oudy 1er n’avait rien payé pour l’électricité. En réalité, dans le contrat de partenariat, l’article 3 dit qu’il y avait déjà des équipements que la prévenue affecte à M. Zakiou Deen Camara. Dans les 60 000 dollars que Laouratou Hann devait recevoir, Zakiou Deen Camara a payé 36 000 dollars. Elle réclamait le reste de cet argent pour dédouaner son container. Elle a payé la facture d’EDG de plus de 5 millions de francs guinéens. Elle n’a pas payé le reliquat. EDG fait pression pour le paiement des factures. Donc, elle a dit à son vigile de couper l’électricité. Voici les faits M. Le président. Vous avez demandé à la partie civile d’envoyer les preuves de destruction de biens publics. Oudy 1er a demandé un renvoi et a envoyé une clé à l’audience suivante. Dans cette clé, je n’ai pas vu ce qui est détruit. L’Image de Rodriguez ne permet pas de savoir ce qui est détruit. Est-ce que dans ce dossier il y a destruction ? La réponse, c’est non. Vous avez vu les poulets, les poissons ? L’huissier de justice ne l’a pas dit. Nous sommes dans un procès pénal. Elle fait du tort à Oudy 1er en demandant au vigile de couper l’électricité. Ce procès a débuté le 27 juin 2024. Ça fait 8 mois maintenant. Vous voyez les faits et les éléments. Le ministère public ne requiert pas seulement à charge et il le fait à décharge aussi. Nous vous demandons d’appliquer l’article 544 », a déclaré le ministère public.
Abondant dans le même sens que le parquet, l’avocat de la défense, Maître Lancinet Sylla, a dénoncé un acharnement contre sa cliente.
« Ma cliente est poursuivie pour des faits de destruction de biens privés. Vous n’êtes pas saisis sur le contrat. Il y a eu des enquêtes à la suite de la plainte de la partie civile. Nulle part la preuve n’a été administrée suite à la coupure de l’électricité de notre cliente. Dans les conditions normales, les poulets, les poissons, les fruits de mer, les appareils (…) devaient être sous scellés. Il n’y a aucun élément de preuve. L’huissier même conjugue au conditionnel dans son procès-verbal : l’électricité aurait été coupée. Il n’existe aucune preuve pour les faits qui sont reprochés à notre cliente. Vous constaterez que l’infraction n’existe pas dans son élément matériel. Il n’y a aucune infraction. Je me réjouis que le ministère public nous rejoigne. Sur la base de quoi on vous demande d’accorder des dommages à M Zakiou. C’est de l’acharnement contre Madame Laouratou Hann », a-t-il martelé.
Dans leur réplique, les avocats de la partie civile estiment qu’il y a bel et bien infraction et que le ministère public ferait tout pour innocenter la prévenue. Ils ont même accusé le parquet d’être devenu “avocat de la défense” dans cette affaire.
« Nous avons un avocat de la défense et un avocat du ministère public. Dans le procès-verbal, Laouratou Hann a affirmé avoir ordonné à son vigile de couper l’électricité. Son aveu est la reine des preuves. Je n’ai pas reconnu le ministère public. Le protecteur de la loi est devenu avocat de la défense. Le ministère public nous enseigne que venir interrompre l’électricité chez quelqu’un n’est pas une infraction. L’huissier est venu quelques jours après la coupure. Le parquet fait tout pour innocenter la prévenue. Une personne a coupé le courant et le parquet n’a pas cherché à l’identifier. L’article 523 est très clair. Elle ne peut pas échapper », ont indiqué les conseils de la partie civile.
Revenant à la charge, le parquet insiste être du côté de la vérité.
« Il y a une différence entre un avocat éloquent et arrogant. Le fait d’aller couper l’électricité n’est pas une infraction, mais ça peut poser une infraction. L’huissier n’a pas vu ce qui est détruit. Il faut rester du côté de la vérité. L’instruction définitive est à la barre », a répliqué le ministère public.
Même son de cloche pour l’avocat de la défense.
« La coupure d’électricité n’est pas une infraction. C’est elle qui est liée à l’EDG. La partie civile est embarrassée et incapable d’apporter une preuve. Il n’y a aucune preuve de destruction de biens, objet de jugement. Sur la base de quoi ils peuvent demander la réparation ? », se demande maître Lancinet Sylla.
Finalement, le tribunal (présidé par le juge Lansana Keïta) a mis le dossier en délibéré pour décision être rendue le 19 février prochain.
Boubacar Diallo pour Guineematin.com