Conakry : des agents des forces de sécurité accusés d’agression dans une pharmacie et des boutiques à Hafia

Dans le cadre de la dynamique engagée par les autorités pour démolir les nids de bandits au quartier Hafia, dans la commune de Dixinn, une intervention violente des forces de sécurité a eu lieu mardi, 28 janvier 2025, aux alentours de 20 h. Des agents des brigades de recherches, des brigades anticriminalité (BAC 1 et 7), des brigades de répression du banditisme (BRB) ainsi que des commissariats centraux de Matam, Dixinn et Ratoma sont accusés d’exactions dans une pharmacie et des boutiques. Interrogés par un reporter de Guineematin.com mercredi, 29 janvier 2025, des témoins et des victimes ont dénoncé des exactions perturbant la tranquillité des citoyens et endommageant des biens privés.

Dr Amadou Oury Bah, gérant de la pharmacie Persévérance, victime, raconte comment il a été pris de court lorsque des gaz lacrymogènes ont été lancés devant sa porte alors qu’il servait des patients.

Dr Amadou Oury Bah, pharmacien de la pharmacie Persévérance, victime

« C’est hier, aux alentours de 20 h, que je travaillais lorsque nous avons vu des gaz lacrymogènes lancés devant ma porte. On m’a dit que des policiers étaient venus prendre des gens au niveau des temples. Je ne m’en suis pas rendu compte immédiatement. Entre-temps, il y avait beaucoup de patients à l’intérieur, car en banlieue, c’est principalement le soir qu’on peut avoir beaucoup de patients. Quand j’ai vu les gaz tomber, j’ai fermé la première porte pour dire aux gens de rester à l’intérieur, pensant que les policiers allaient passer sans s’arrêter. Finalement, ils ont persisté. Comme il y avait un nouveau-né à l’intérieur, le risque avec les gaz m’a obligé à ouvrir la porte pour que la maman et le bébé puissent être sauvés. Lorsque j’ai ouvert la porte, les policiers se sont introduits dans la pharmacie pour nous demander pourquoi nous étions là. J’ai répondu que c’était une pharmacie et que je ne comprenais pas pourquoi ils étaient venus ici. Ils ont insisté pour entrer. Je leur ai dit qu’ils n’avaient pas le droit de rentrer dans ma pharmacie, car je travaillais. Ensuite, ils se sont jetés sur nous, ont cassé les vitres, et ont battu certains de mes employés et mes proches qui étaient là, y compris certains patients que je n’ai pas retrouvés et dont je ne connais toujours pas l’état. Dans la pharmacie, il y a eu une forte opposition qui a empêché leur accès derrière le comptoir. Ils ont bastonné les gens avec leurs fusils. Nous avons dû envoyer mon petit frère à l’hôpital pour faire une radiographie de son pied. Un autre est resté allongé, car il a été battu, et jusqu’à présent, je ne l’ai pas retrouvé. Je pense que dans de telles conditions, toute unité déployée devrait comprendre la différence entre un lieu où l’on consomme de la drogue et un lieu où l’on sauve des vies. La pharmacie est un endroit pour sauver des vies. Il y avait plus de cinq patients à l’intérieur, des gens malades qui cherchaient des médicaments.  Ma pharmacie se trouve à la Carrière, la pharmacie Persévérance. J’appelle les autorités à prendre des mesures pour protéger les pharmaciens. La pharmacie est le premier maillon de la santé, car souvent le patient vient demander des conseils à la pharmacie avant de se rendre à l’hôpital », a-t-il dit.

Ibrahima Diallo, boutiquier, une victime, explique avoir été menacé avec une arme par les agents pour ouvrir sa boutique.

Ibrahima Diallo, boutiquier victime

« J’ai entendu quelqu’un dire qu’il y a des policiers à la Favela. Entre-temps, j’ai commencé à faire rentrer mes marchandises et à fermer les grillages. C’est là que je les ai vus partir chez le pharmacien. Puis, ils sont venus me dire que si je n’ouvrais pas, ils allaient tirer sur moi. Comme ma vie est plus précieuse que tout, j’ai ouvert. On m’a envoyé à la pick-up. Ils ont pris mon téléphone, ma carte d’identité et 200 000 GNF dans ma poche. Je demande aux autorités de les sanctionner et de les radier, car ils sont là pour la sécurité des citoyens et de leurs biens », a-t-il souligné.

Elhadj Cherif Bailo Diallo, boutiquier, dit avoir été aspergé de gaz lacrymogène.

Elhadj Cherif Bailo Diallo, boutiquier victime

« Ils sont venus à 20h par surprise. Ils ont jeté deux gaz dans ma boutique. Comme il y avait une sortie par derrière, je suis sorti. Après avoir forcé l’entrée avec les gaz, je suis revenu fermer les portes, car j’avais peur qu’ils viennent prendre quelque chose. Jusqu’à présent, l’odeur des gaz se fait encore sentir dans ma boutique. Nous demandons de l’aide aux autorités pour que ces actes cessent ».

Mamadou Aliou Fofana, témoin, a expliqué qu’à 20 h, alors qu’il était au carrefour, des gaz lacrymogènes ont été lancés, et qu’une intervention policière violente a ensuite ciblé la pharmacie et les boutiques avoisinantes.

Mamadou Aliou Fofana, témoin

« Nous qui étions installés au carrefour, nous avons entendu les gaz lacrymogènes vers l’heure de la prière, à 20 h. C’est à ce moment-là qu’on a su que des policiers étaient là, qu’ils étaient venus pour arrêter des fumeurs. Mais s’ils étaient venus pour cela, ils auraient dû prendre les fumeurs et partir. Cependant, ils se sont dirigés vers le carrefour et ont attaqué les boutiques et la pharmacie. Je tenais le sac de pain de ma sœur que je faisais entrer quand les pick-up sont arrivés. Certains sont allés à la pharmacie, d’autres dans les boutiques. En arrivant à la pharmacie, ils ont immédiatement cassé la vitre. Quand je suis arrivé, étant quelqu’un qui est dans la sécurité, je leur ai dit que c’était une pharmacie et de ne pas s’y attaquer. Ils ont répliqué, et cinq à six policiers m’ont tabassé avec leurs armes et leurs chaussures… Si cela continue ainsi, il n’y aura plus de sécurité. Tous ceux qui sont venus étaient des policiers. Il y avait deux pick-up de la BRB, trois pick-up du commissariat central de Dixinn, Matam et Ratoma, et deux pick-up de la Bac. Ils sont entrés au niveau du temple et ont procédé à beaucoup d’arrestations. Les pick-up étaient remplis de personnes arrêtées, avec des motos », a dit Mamadou Aliou Fofana.

Alpha Mady Camara, président du conseil de quartier Hafia Minière 2, a exprimé son inquiétude face à la situation, et demande aux victimes de porter plainte contre X.

Alpha Mady Camara, président du conseil de quartier Hafia Minière

« Hier, vers 20 h 35, l’un de mes citoyens m’a interpellé pour me dire qu’il avait entendu des coups de fusil. J’ai répondu que oui, et j’ai constaté l’arrivée des pick-up vers le carrefour. Après 5 à 10 minutes, docteur Bah, le pharmacien, m’a appelé pour dire qu’ils étaient attaqués par les agents des forces de sécurité. Je lui ai répondu que peut-être ils ne savaient pas que c’était une pharmacie. Il m’a dit qu’ils savaient bien, mais que c’était leur volonté. Quand ils ont lancé les gaz lacrymogènes, il a voulu fermer, mais ils sont venus saccager les vitres. L’un de ses collègues a été battu par les policiers. Comme il faisait nuit, il était risqué pour moi de me déplacer, alors j’ai informé l’autorité et la gendarmerie de Dabondy Rails, qui ont pris des précautions. Une boutique à côté aussi été attaquée, selon les informations. Les dégâts sont énormes : les vitres ont été brisées, certains pharmaciens ont été attaqués par les policiers. Franchement, nous sommes tous touchés. Quand j’ai demandé qui étaient venus, on m’a cité deux pick-up de la BRB, plus des pick-up du commissariat de Ratoma, du commissariat de Dixinn, et des Bac (numéros 1 et 7). Nous avons remonté l’information à la mairie et je leur ai conseillé de porter plainte contre X. C’est ce qui s’est passé à Hafia Minière 2, au carrefour entre la gendarmerie de Dabondy Rails et la barrière de Carrière centre. Une autre boutique a perdu une somme de 200 000 GNF, trois téléphones, et deux paquets d’Omo que les policiers ont emportés », a-t-il souligné.

Ismael Diallo pour Guineematin.com

Tél: 624 69 33 33

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