Manifestation au chantier de la cité administrative de Guinée (Koloma) : des ouvriers crient à la précarité et arrêtent les travaux

Dans la matinée de ce lundi, 3 février 2025, le chantier de la future cité administrative de Guinée s’est transformé en théâtre de revendications sociales. Visiblement épuisés mais déterminés à défendre leurs droits, des dizaines d’ouvriers du centre directionnel de Koloma (dans la commune de Ratoma) ont suspendu leurs outils pour faire entendre leurs voix. Porte-parole de ce mouvement, Ibrahima Sory Camara, représentant des travailleurs, a pris la parole pour dénoncer des conditions de travail “précaires et inhumaines”.

« Nous subissons, nous les ouvriers. Nous risquons nos vies chaque jour sur ces chantiers ; mais, nos salaires ne suffisent même pas à nourrir nos enfants ou à subvenir aux besoins de nos familles », a-t-il fustigé d’une voix ferme, malgré l’émotion palpable dans ses propos.

Ces travailleurs affirment que, bien qu’ils soient les artisans des édifices les plus emblématiques de la Guinée, du palais présidentiel à la Banque Centrale, en passant par le Palais de justice, ils restent parmi les citoyens les plus marginalisés de la Guinée.

Ibrahima Sory Camara, porte-parole des travailleurs

« Aujourd’hui, nous sommes en train de construire la cité administrative de Guinée. Jusqu’à présent, nous sommes toujours en retard. C’est pourquoi nous faisons la grève pour nous faire entendre auprès des autorités. Nous faisons la grève parce que nos salaires sont insuffisants pour vivre dignement. Nous faisons la grève parce que nous voulons un avenir meilleur pour nos enfants, sans précarité ni exploitation. La grève est notre arme pacifique pour obtenir le respect que nous méritons », a martelé Ibrahima Sory Camara, suscitant l’approbation bruyante de ses collègues.

Au cœur de cette grève se trouvent des revendications précises : une augmentation des salaires de 150 000 francs guinéens, la fin de la sous-traitance jugée opaque et injuste, ainsi que le respect des horaires de travail inscrits dans la convention collective. Les ouvriers affirment travailler bien au-delà des huit heures réglementaires, de 7h30 à 17h30, sans compensation adéquate.

« Ce que nous demandons n’est ni un privilège, ni un cadeau, ce sont nos droits. Nous voulons une vie meilleure, nous aussi. Alors, sur ce, nous demandons aux responsables du pays de nous aider, car nous ouvriers guinéens subissons. La Guinée, c’est chez nous, la Guinée, c’est pour nous », insiste Ibrahima Sory Camara.

Dénonçant une exploitation systématique des ouvriers guinéens, ce compatriote s’est directement adressé au président de la transition, Général Mamadi Doumbouya.

« Si le président ne vient pas à notre secours, nous sommes foutus. Nous continuerons cette grève jusqu’à ce que nos revendications soient prises en compte. Nous viendrons sur le chantier, mais nous ne travaillerons pas », déclare-t-il.

La société Arabian Construction Company (ACC), chargée de la réalisation du chantier, est au cœur des critiques. Les ouvriers dénoncent la gestion des sous-traitants, accusée de semer une confusion et des inégalités dans les salaires.

« Certains ne savent même pas combien ils gagnent. Les catégories A, B, C sont floues, et personne ne comprend vraiment comment sont calculées les paies », déplore le porte-parole.

Pour recueillir la version de l’entreprise, nous avons approché la direction d’ACC. Cependant, notre demande d’interview a été refusée catégoriquement. Les agents des forces de sécurité, visiblement sous instruction stricte, nous ont empêchés d’accéder aux bureaux de l’administration du chantier. Ce silence de l’entreprise ne fait qu’amplifier la frustration des ouvriers, qui estiment que leurs préoccupations sont délibérément ignorées.

Cette grève n’est pas un fait isolé. Il s’agit de la deuxième manifestation organisée par les ouvriers en moins d’un an. La première tentative de dialogue s’était soldée par des négociations infructueuses, laissant les travailleurs avec un sentiment d’abandon.

« Nous avons envoyé une lettre de grève. La date d’expiration de cet avis était samedi dernier. Ils nous ont appelés, mais aucune proposition concrète n’a été faite », explique Ibrahima Sory Camara.

Alors que le chantier de la cité administrative devait symboliser un avenir prometteur pour la Guinée, il se trouve désormais au cœur d’une crise sociale qui pose des questions sur le respect des droits des travailleurs.

Lamine Kaba pour Guineematin.com 

Tél : 620995917

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