Conflit domanial à Ratoma entre des familles Baga et un Libanais : le juge Abdoulaye Conté accusé de complicité

Ce qui aurait dû être un simple acte de générosité s’est transformé en un imbroglio judiciaire qui dure depuis des décennies. Salifou Camara, représentant des familles Baga (Camara, Sylla, Bangoura), retrace pour nous le long combat de sa communauté pour récupérer une terre que ses ancêtres avaient cédée à l’État sous la révolution de Sékou Touré.

Au temps du président Sékou Touré, la terre en question, située dans la commune de Ratoma, avait été prêtée par les familles Baga pour servir de potager scolaire.

Salifou Camara, porte-parole des familles

« Il a demandé à nos parents de lui prêter cette zone qui devait servir de potager pour les élèves. Nous avons décidé de céder. C’était au temps de la révolution », se souvient Salifou Camara.

Cependant, après la mort du président en 1984, les familles ont tenté de récupérer leur bien. C’est là que les choses se compliquent. Selon Salifou Camara, l’ancien Premier ministre, Louis Lansana Béavogui, aurait affirmé que la terre lui appartenait, bien que les familles n’aient jamais été informées de la manière dont il l’avait acquise. En 2005, le maire de Ratoma a pourtant pris un arrêté en faveur des familles Baga, leur restituant officiellement le terrain.

Mais, en 2006, Victor Traoré, ancien dirigeant de la Direction de la Police Judiciaire (DPJ), est intervenu, prétendant que le domaine appartenait à l’État, qui l’aurait ensuite attribué à l’artiste Mory Kanté. Ce dernier, n’ayant rien entrepris sur le terrain, a finalement choisi de s’installer ailleurs. Cependant, en 2008, Victor Traoré aurait vendu la parcelle à un ressortissant libanais, identifié sous le nom de Monsieur AVIF.

Face à cette situation, les familles Baga ont déposé plainte contre le nouveau propriétaire.

« Le Libanais a saisi la brigade de gendarmerie de Kipé. J’ai été convoqué et menacé d’emprisonnement si je ne signais pas un document reconnaissant la vente », raconte Salifou Camara.

Ces intimidations n’ont pas découragé les familles, qui ont poursuivi leur combat. L’intervention d’Alphonse Charles Wright, alors ministre de la Justice, a apporté un souffle d’espoir. Après une visite sur les lieux, il a reconnu que le terrain appartenait aux familles Baga. Pourtant, malgré cette reconnaissance officielle, le conflit persiste.

Le jugement en première instance au tribunal de Dixinn a été favorable aux familles Baga. Toutefois, le Libanais a fait appel devant la cour d’appel de Conakry. Lors des audiences, le juge Abdoulaye Conté aurait tenu des propos troublants.

« Il nous a demandé ce qu’on ferait du terrain si on le récupérait. On a répondu que la vente n’était pas exclue, et il nous a suggéré de négocier directement avec le Libanais », rapporte Camara.

Le juge aurait encouragé la famille à accepter une offre bien inférieure à la valeur estimée de leur terrain.

« On nous a proposé 400 millions, puis 500 millions de francs guinéens, mais nous avons refusé. Notre terrain vaut 20 milliards de francs guinéens à cause de sa taille et de sa proximité avec la mer », insiste Camara.

Selon lui, le juge a clairement exprimé sa volonté de voir un accord être trouvé avec le Libanais, au détriment des droits des familles.

Pour obtenir la version de la justice, nous avons contacté le juge Abdoulaye Conté. Ce dernier s’est refusé à tout commentaire, affirmant qu’il ne discutait pas de ses dossiers avec des journalistes.

Cette affaire dépasse le simple cadre d’un litige foncier. Elle met en lumière les défis auxquels sont confrontées les familles guinéennes face à des puissances économiques et un système judiciaire perçu comme biaisé.

« Monsieur AVIF nous a dit un jour, en face, qu’un pauvre ne peut pas affronter un riche en justice. Mais nous ne céderons pas », conclut Salifou Camara.

Alors que le dossier est toujours en appel, les familles Baga restent déterminées à défendre leur patrimoine, symbole de leur héritage et de leur résistance face à l’injustice.

Lamine Kaba pour Guineematin.com 

Tél : 620995917

Facebook Comments Box