Détournement de plus de 69 000 000 de dollars : Dr Ousmane Kaba se défend à la CRIEF

Dr Ousmane Kaba, président du Parti des Démocrates pour l'Espoir (PADES)

Le procès d’Ousmane Kaba, Boubacar Barry, Mansa Moussa Sidibé, Moussa Condé alias « Tata vieux » et la société China National Fisheries Corporation (CNFC) s’est poursuivi hier, lundi 3 février 2025, devant la chambre de jugement de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). Cependant, seuls Ousmane Kaba, Boubacar Barry et Mansa Moussa Sidibé étaient présents à l’audience, a constaté Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Ces anciens hauts cadres du régime Lansana Conté sont poursuivis pour des faits présumés de faux et usage de faux en écritures publiques, ainsi que pour abus de confiance. L’affaire porte sur un accord signé entre les gouvernements guinéen et chinois, impliquant un montant de 69 166 529 dollars américains. Elle concerne également un contrat de consignation de 26 bateaux signé en 1993 entre la société plaignante, Bankina Pêche, et le groupe chinois China National Fishery Corporation. Ce contrat, dont la prestation annuelle était fixée à 5 000 dollars par bateau en faveur de Bankina Pêche, aurait été résilié unilatéralement en 1997.

En sa toute première audition devant cette juridiction, l’ex ministre des Finances, Ousmane Kaba, réfute toute responsabilité. Lors de cette audience, seul le Dr Ousmane Kaba a pu être entendu par la Cour. Tour à tour, la Cour, le ministère public, l’avocat de la partie civile et les avocats de la défense lui ont posé des questions.

Interrogé sur sa responsabilité dans cette affaire, l’ancien ministre des Finances a nié toute implication, affirmant ne pas connaître les plaignantes.

« Je ne suis jamais venu dans un tribunal, à plus forte raison être condamné. Je ne reconnais même pas les plaignants. Je ne connais même pas la plaignante (société Bankina) », a-t-il dit.

Selon l’accusation, Bankina Pêche affirme que la résiliation du contrat en 1997 a profité à une convention sino-guinéenne signée par Ousmane Kaba en tant que ministre des Finances et du Plan pour la Guinée, et par le vice-ministre chinois de l’agriculture, Zhang Yangzhi.

Questionné sur ce document, Ousmane Kaba a affirmé n’en avoir eu connaissance que récemment.

« La première fois que j’ai entendu parler de son nom, c’était à l’ORDEF, il y a sept mois. Je sais qu’un ministre signe une convention avec un État quand c’est nécessaire, mais j’étais très étonné qu’un privé en parle. Je ne vois pas en quoi ça le regarde », a dit le prévenu.

Quant à la question de savoir si la convention est fausse ou non, il souligne un paradoxe.

« Une convention est toujours signée entre gouvernements. Je ne vois pas comment un privé peut se lever pour dire si la convention est fausse ou pas. Moi, ça m’étonne beaucoup. Un gouvernement ne signe jamais de fausse convention », a-t-il indiqué.

Lors de son interrogatoire devant les enquêteurs, Ousmane Kaba aurait reconnu avoir signé cet accord-cadre un mois avant son départ du gouvernement en février 1997. Revenant sur cette déclaration, il confirme : « Oui ! Mais bien sûr, parce que c’était fait en janvier. Moi, je ne me souviens même pas de ça, parce que ça fait plus de 27 ans. J’ai été ministre des Finances de juillet 1996 à février 1997, juste six mois. En tant que ministre des Finances, on peut signer ces conventions entre États, qui sont des documents très officiels. Donc, je ne vois pas où est le problème. »

Concernant les accusations de détournement de redevances issues de la Convention sino-guinéenne, Ousmane Kaba se montre catégorique.

« Excusez-moi, Monsieur le Président, mais si on parle de détournement, je pense que c’est à l’État de le dire. En quoi cela concerne un privé ? Comment peut-on venir, 30 ans après, parler de détournement à un ministre des Finances qui n’était pas ministre de la Pêche ? Moi, je ne comprends même pas ce qu’on veut dire par là. Un privé peut-il savoir s’il y a eu détournement ? Comment ? Ça ne le regarde pas ! » a-t-il martelé.

Face aux questions du ministère public, Ousmane Kaba affirme ne pas se souvenir de Bankina Pêche et insiste sur le fait que son rôle en tant que ministre des Finances se limitait à la signature des conventions, tandis que leur application relevait des ministères sectoriels concernés.

« Je ne me souvenais même pas du nom de cette société. En tant que ministre des Finances, on signe des dizaines de conventions étatiques. Ce sont les ministres sectoriels qui suivent l’application au jour le jour », a-t-il précisé.

Interrogé sur le préjudice allégué de Bankina Pêche, il réfute toute responsabilité.

« Écoutez, c’est son affaire, c’est son avis. Un pays fait des conventions avec des pays tiers pour encadrer les activités économiques. Mais, on ne signe jamais une convention en pensant à une société particulière. C’est pour l’ensemble de la nation », a-t-il indiqué.

Lorsque la Cour lui a demandé si Bankina Pêche ou le ministère de la Pêche l’avait saisi d’une plainte concernant cette convention, il répond sans équivoque : « Non, je ne connais même pas son existence. Si cela avait été fait, j’allais m’en souvenir. Je vous dis que je n’ai jamais entendu le nom Bankina de toute ma vie sauf maintenant dans la présente affaire, à son évocation ».

Parlant de l’initiative de cet accord, il assure qu’il s’agissait d’une décision gouvernementale.

« Il n’y a jamais d’initiative personnelle. C’est l’État, c’est le gouvernement qui décide. Et les différents ministres sectoriels signent également », a-t-il dit.

Quant au montant de l’accord, il admet ne pas s’en souvenir. « On dit que c’était 69 166 529 dollars ? Je ne me souviens pas de ça », a-t-il soutenu.

À l’issue de cette audience, la Cour a décidé de renvoyer l’affaire au 17 janvier prochain pour la suite des débats, notamment avec l’audition des autres prévenus.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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