Le Togo veut rejoindre l’AES, quel avenir pour la CEDEAO ?

Faure Gnassingbé, président du Togo, et général Abdourahamane Tiani, président du Niger

Jusque-là considéré comme « pays ami » de l’AES (Alliance des États du Sahel), le Togo veut désormais être membre de cette organisation, créée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, après leur retrait de la CEDEAO (Communauté des États d’Afrique de l’Ouest). Le ministre togolais des Affaires étrangères, qui a récemment évoqué cette possibilité, vient de confirmer l’intention de son pays d’adhérer à l’AES.

« Le Togo envisage de rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES) », a écrit Robert Dussey sur les réseaux sociaux. Selon le ministre, c’est « une décision stratégique qui pourrait renforcer la coopération régionale et offrir un accès à la mer aux pays membres ».

En effet, le Mali, le Burkina et le Niger sont tous des pays sahéliens, n’ayant pas un accès direct à la mer. Ils sont obligés de faire transiter leurs marchandises par d’autres pays de la sous-région. Et le Port autonome de Lomé est, depuis quelques années, le leader des ports à conteneurs en Afrique de l’Ouest et en Afrique subsaharienne. L’adhésion du Togo à l’AES devrait donc faciliter davantage les échanges commerciaux de ces trois pays.

C’est d’ailleurs la décision du Togo d’aller à l’encontre des sanctions prises par la CEDEAO, en mettant son port à disposition des pays membres de l’AES, qui a renforcé leurs liens. Mais certains observateurs estiment que Lomé craint aujourd’hui d’être déclassé par le Ghana, qui entretient également de bons rapports avec les pays de l’AES depuis le retour de John Dramani Mahama au pouvoir, et qui pourrait aussi leur proposer le port d’Accra. C’est ce qui justifierait, selon eux, sa décision de rejoindre l’organisation.

Quid de la CEDEAO ?

Pour l’heure, le Togo n’a pas dit s’il quittera ou non la CEDEAO en cas d’adhésion à l’AES. Mais il est peu probable de voir le pays de Faure Gnassingbé être membre des deux organismes qui entretiennent actuellement des relations tendues. C’est donc la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest qui risque de s’effriter davantage, en enregistrant le départ d’un quatrième membre en moins de cinq ans.

Preuve que l’organisation sous-régionale, autrefois citée comme exemple en Afrique, a perdu sa crédibilité et, par conséquent, son influence. La faute à son manque d’efficacité face aux crises qui ont secoué la sous-région ces dernières années, et à ses prises de position défendant trop souvent l’intérêt des chefs d’État plutôt que celui des peuples. C’est peut-être ce qui fait dire au chef de la diplomatie togolaise que la démarche de son pays « marque un tournant dans la politique africaine ».

Depuis quelques années, le discours panafricaniste fait écho dans la sous-région, où la majorité des pays est composée d’anciennes colonies françaises. Les militaires qui ont pris le pouvoir par la force au Mali, au Burkina et au Niger ont surfé sur le sentiment antifrançais pour obtenir le soutien des populations. Alors que la CEDEAO, elle, au-delà d’être qualifiée par certains de « syndicat des chefs d’État », est perçue aussi comme étant un valet de la France et de l’Europe.

Ainsi, il est impératif et urgent pour les dirigeants de la CEDEAO de travailler sur de nouvelles stratégies permettant de redonner vie à cette organisation. Sinon, à l’allure où vont les choses, elle risque de se faire damer le pion par l’AES.

Alpha Fafaya Diallo pour Guineematin.com

Facebook Comments Box