Drame du stade de N’zérékoré : les avocats dénoncent l’inertie du parquet et l’abandon des victimes

Face au retard dans l’évolution du dossier de la bousculade meurtrière survenue au stade du 3 avril de N’zérékoré, à la finale du tournoi de football doté du trophée Général Mamadi Doumbouya, les avocats des victimes accusent. A l’occasion d’une conférence de presse animée ce vendredi 21 mars 2025, ils ont dénoncé la lenteur de la procédure, accusant le parquet du tribunal de première instance de N’zérékoré de ne rien faire. Les avocats ont également dénoncé l’abandon des « survivants » par les autorités. C’était devant les journalistes à la maison de la presse à Conakry, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Le 1er décembre 2024, plusieurs personnes ont trouvé la mort dans une bousculade au stade 3 avril de N’zérékoré, à l’occasion de la finale d’un tournoi de football doté du président de la République. Selon le gouvernement, une cinquantaine de personnes ont perdu la vie. Des ONG de défense des droits de l’homme avaient parlé de 140 morts et de 11 portés disparus.

Pour maître Paul Lazard Gbilimou, le parquet du tribunal de N’zérékoré traîne les pieds dans ce dossier.

Maître Paul Lazard Gbilimou, avocat des victimes de N’zerékoré

« A l’issue du rapport qui a été publié par le collectif des ONG, un pool d’avocats, constitué de six membres, a été mis en place, a travaillé et relevé des infractions dont entre autres, homicide involontaire, meurtre, vol, coups et blessures volontaires, mise en danger de la personne d’autrui, entrave aux mesures d’assistance, omission de porter secours, trafic d’influence, entrave à la saisine de la justice, de recel de cadavre, atteinte à la santé publique, d’abstention délictueuse et complicité. Ces infractions ont été relevées et 98 victimes et parents de victimes ont décidé de porter plainte, parce que nous avons estimé que le parquet de première instance de N’zérékoré ne voudrait absolument rien faire relativement à cet événement. La plainte a été rédigée et déposée depuis le 10 mars 2025, sur le numéro 68 », a fait savoir l’avocat.

Par ailleurs, maître Gbilimou est revenu sur l’état de santé des victimes qui n’y ont pas perdu la vie. « Quand la plainte a été déposée, nous avons pris le soin de rencontrer les victimes et les parents des victimes, nous les avons vus dans état critique, surtout ceux qui sont blessés. Nous vous informons que les blessés sont dans un état très pitoyable, parce qu’au lendemain des évènements, le gouvernement avait annoncé une prise en charge. Ces blessés par l’effet de véhicules officiels qui étaient à l’intérieur du stade, ont été transportés à l’hôpital sino-guinéen de Kipé, abandonné là, dont certains étaient obligés de quitter l’hôpital pour rentrer à N’zérékoré. Ils sont à l’indigénat aujourd’hui, il n’y a qu’un seul qui est à l’hôpital aujourd’hui, le jeune Étienne, qui est carrément à l’abandon, qui a été envoyé au Maroc, et après on l’a ramené. Il y en a d’autres pour lesquels l’Etat a fermé les yeux sur leur cas, qui sont aujourd’hui à l’abandon. Ils n’ont que leurs yeux pour pleurer, sans parler de ceux qui ont perdu leurs proches, leurs enfants, leurs parents, leurs époux, qui n’ont absolument pas de mesure d’assistance à leur égard. Ils ont pris l’engagement de porter plainte contre des gens qu’on estime être directement impliqué dans la commission de ces infractions que j’ai citées ci-haut, dont entre autres, les organisateurs de l’événement qui sont réunis autour de la plate-forme appelé les jeunes leaders, aussi ceux-là qui sont censé sécuriser la population, également ceux-là qui ont donné l’accord et enfin ceux-là qui ont envoyé leurs véhicules (à l’intérieur du stade, ndlr). On a porté plainte contre eux tout en espérant qu’on est en train d’aider le parquet, parce qu’il n’a pas voulu agir. Fort malheureusement, depuis le 10 mars, on a couru dans les murs du parquet qui a refusé de donner une suite à la plainte », accuse maître Paul Lazard Gbilimou.

Alors que la plainte vise le préfet et le gouverneur de N’zérékoré au moment des faits, ces deux cadres sont mutés aux mêmes fonctions à Boké et Mamou, respectivement. Maître Gbilimou affirme que cela n’aura aucun impact sur la suite de la procédure. « Ce n’est pas le premier cas de mutation, peut-être que vous n’avez pas été informés des autres cas. Pour le gouverneur et le préfet, le décret est passé à la télé. Mais, il y a des commandants, des gendarmes, des militaires, qui ont été mutés dès le lendemain, par acte du Ministère de la Défense. Nous avons les informations, nous avons leurs noms, et ils sont également visés par cette plainte. Le fait de les muter n’efface pas les faits, parce que nous avons le rapport d’enquête. », a laissé entendre maître Paul Lazard Gbilimou.

Le collectif des avocats des victimes de N’zérékoré menace de porter l’affaire au niveau de la Cour de justice de la CEDEAO si rien n’est fait par les juridictions guinéennes.

Amadou Lama Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 610 908 741

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