La scène guinéenne assiste, depuis hier, à un épisode aussi troublant que révélateur : la réconciliation publique du couple Azaya–Djelykaba Bintou, deux figures majeures de la musique populaire guinéenne, orchestrée sous les projecteurs par le gouvernement guinéen, à travers le Ministère de la Culture. Si, sur la surface, cette union retrouvée semble être un baume sur les blessures du showbiz guinéen, elle soulève pourtant des questions de fond – à commencer par celle de la justice.
Car derrière l’image glamour et médiatiquement relayée d’un couple réunifié se cache une réalité autrement plus grave : des allégations de violences conjugales. Des violences que l’État, à travers ses institutions compétentes, a choisi d’ignorer ostensiblement. Alors même que la loi guinéenne autorise expressément le procureur de la République à ouvrir une enquête en cas de violences – conjugales ou non – même sans plainte de la victime. Les dénonciations dans les médias et les réseaux sociaux, entre autres, suffisent pour que le Ministère public déclenche l’action publique.
Pourquoi cette inaction ? Pourquoi ce silence institutionnel ? Le Ministère de la Culture, qui s’est empressé de reconstituer le couple, au nom du chef de l’État dit-on, aurait-il oublié que la dignité et la sécurité des citoyens – femmes et artistes comprises – doivent primer sur toute mise en scène politique ou culturelle ? Ce mutisme trahit une complaisance inquiétante face à des comportements potentiellement criminels. Il est inadmissible que la paix d’un couple soit érigée en priorité nationale, au détriment de la justice et du droit.
Évidemment, personne n’est contre la réconciliation entre ces deux stars de la musique, dont le couple était adulé par leurs fans. Mais de cette manière, surtout dans le contexte actuel. Il faut dire que le message que renvoie l’attitude des autorités guinéennes dans cette affaire est dangereux : il laisse entendre qu’on peut refermer toutes les plaies par un simple cliché ou une accolade sur scène. Or, tant qu’il n’y a pas eu enquête, vérité et réparation, toute tentative de réconciliation ne peut qu’être artificielle – voire toxique.
Au-delà de la position du gouvernement, il faut aussi interroger la sincérité de cette reprise de vie commune. Les deux artistes, qui se sont récemment attaqués sur les réseaux sociaux, ont exposé aux yeux de tous, leur volonté de tourner la page. Comment expliquer ce brusque revirement ? Et si cette réconciliation n’était que de façade ? Une décision motivée non par un élan de cœur, mais par une pression extérieure – celle des autorités notamment ?
Car une réconciliation imposée est une bombe à retardement. Si la confiance est rompue, si l’un des deux partenaires est meurtri mais contraint de revenir sur sa parole pour ne pas dire non aux autorités, alors ce couple n’est pas sauvé : il est sacrifié.
La Guinée mérite mieux que des simulacres de paix conjugale. Elle mérite un État de droit où la justice agit indépendamment du pouvoir, même quand il s’agit de ses artistes stars. Elle mérite une culture qui protège ses icônes, mais qui ne les érige pas au-dessus des lois.
Alpha Fafaya Diallo pour Guineematin.com