CRIEF : un nouveau rebondissement dans l’affaire Guinée Gaz SA contre FAP GAZ

Le différend opposant la société Guinée Gaz S.A au Fonds d’appui à la promotion du Gaz en Guinée (FAPGAZ) a été de nouveau examiné hier, mardi 15 avril 2025, devant la chambre des appels de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). Après le soulèvement suivi du rejet de l’exception d’illégalité au décret n°282, portant statut du Fonds d’appui à la promotion du Gaz en Guinée par l’avocat de la partie civile à l’audience dernière, l’avocat de la défense, Me Pépé Antoine Lama a quant à lui fait de même ce jour. L’avocat du prévenu a aussi soulevé l’exception d’inconventionnalité et d’inconstitutionnalité. C’est-à-dire, selon Me Pépé, la Cour n’a pas compétence d’apprécier l’exception d’illégalité du décret portant statut du FAP GAZ. Donc, de soumettre celle-ci à l’appréciation de la cour suprême, rapporte Guineematin.com à travers un de ses journalistes. 

À l’ouverture du procès ce mardi, c’est Me Pépé Antoine Lama, l’avocat de la défense du prévenu Kaman Sadji Diallo et la société FAP GAZ, qui a pris la parole pour réagir face à l’exception d’illégalité soulevé par son confrère de la partie civile, Me Alpha Yaya Dramé, à l’audience du 8 avril dernier. Mais pour lui, cette exception relève d’un constat d’inconventionnalité. Sous le fondement de l’article 98 de la loi organique portant l’organisation et le fonctionnement de la cour suprême, Me Pépé a aussi soulevé l’incompétence de la chambre de jugement de la CRIEF à apprécier la légalité d’un acte administratif.

« La société Guinée Gaz, en désespoir de cause, s’était appuyée sur les dispositions de l’article 4 du Code pénal pour opposer une exception d’illégalité au décret n°282 du président de la transition portant statut du fonds d’appui à la promotion du gaz en Guinée. Nous avions reçu la requête, nous l’avons examinée de manière très sereine et nous avons conçu la solution sous deux angles. Le premier angle, c’est que nous tirons les conclusions que l’article 4 du Code pénal est contraire à la constitution et aux engagements internationaux de la République de Guinée. Quand je dis constitution, je parle bien entendu de notre constitution provisoire qui n’est autre que la charte de la transition du 27 septembre 2021. Nous avions aussi souligné que cet article viole les instruments juridiques et internationaux auxquels la Guinée a souscrit, notamment le pacte international relatif aux droits civils et politiques, la déclaration universelle des droits de l’homme et la charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Et nous avions aussi établi une certaine violation des normes supérieures, notamment les articles 2, alinéa 2 et 98 de la loi organique du 22 février 2017 portant l’organisation et au fonctionnement de la Cour suprême », a expliqué l’avocat Me Pépé Antoine Lama au sortir. 

Par ailleurs, l’avocat de la défense soutient que c’est à la Cour suprême que la loi organique confère l’exclusivité de l’appréciation de la légalité des actes administratifs. Donc, par conséquent, la cour de la CRIEF n’a pas compétence d’apprécier cela.

« Vous allez à l’examen de cette disposition comprendre que l’article 4 du code pénal, qui est d’ailleurs antérieur à la loi sur la Cour suprême, donne compétence au juge pénal d’apprécier de la légalité d’un acte administratif alors que la loi organique sur la Cour suprême confère l’exclusivité de l’appréciation de la légalité des actes administratifs à la Cour suprême. Donc, face à cette contradiction, nous avions saisi cette Cour de ces questions pour que la Cour suprême puisse mettre fin à cette récréation. Donc, notre demande a deux tendances. La première tendance est de faire déclarer l’article 4 du code pénal contraire à la Constitution. La deuxième tendance qui serait, si notre première demande ne prospère pas, de consacrer la compétence exclusive de la Cour suprême en matière d’appréciation de la légalité des actes administratifs et de déclarer valable et valide le décret portant statut de FAPGAZ », a-t-il conclu. 

De son côté, Alpha Yaya Dramé, avocat de la partie civile, estime que cette exception d’inconstitutionnalité soulevée par son confrère aura très peu de chances de prospérer.

« À l’audience dernière, ils étaient coincés par les différentes exceptions de légalité qu’on a opposées au statut sur le fondement desquels le directeur de FAP GAZ exerce à la fois ce qu’on appelle les missions de police et aussi directeur d’une société anonyme. Et la semaine dernière, vous avez bien vu que le prévenu et sa défense indiquaient qu’ils étaient prêts à plaider le dossier et à le mettre en délibéré. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Désormais, ils soulèvent une exception d’inconstitutionnalité contre l’article 4 du code pénal. Au prétexte que la Cour a décidé de joindre l’exception que nous avons initialement soulevée au fond. Mais nous avons, parce que l’honnêteté intellectuelle oblige, relevé en fait cette question effectivement devant la Cour sur la question de savoir est-ce que c’est la loi de 2017 de la Cour suprême qui s’applique ou est-ce que c’est l’article 4 d’une loi ordinaire de 2016 qui s’applique. La Cour réunit des magistrats de haut rang et cette exception aura très peu de chances de prospérer, en tout cas l’inconstitutionnalité. La question de la compétence de la Cour peut être discutée d’un certain point de vue, effectivement, puisque la loi organique sur la Cour date de 2017. Et si la Cour Suprême se déclare incompétente, alors à ce moment-là, les questions qui étaient portées devant la CRIEF sur la légalité du statut de Fab Gaz et du décret qui a créé Fab Gaz au regard de la loi de 2017 sur les sociétés publiques, c’est la Cour suprême qui doit statuer sur cette question-là. Donc pour moi, ce n’est pas simplement un contentieux entre deux parties, c’est un contentieux qui interroge la compréhension du droit, un contentieux qui interroge le principe même de l’égalité, c’est-à-dire la soumission des actes de l’administration aux lois qu’elle-même crée », a expliqué Me Dramé. 

Pour sa part, le représentant du ministère public, en se focalisant sur les dispositions de l’article 446, indique que le tribunal est compétent pour gérer toutes les exceptions soulevées par les parties à l’audience.

« J’estime que ce sont des questions qui n’ont pas raison d’être, parce que nous sommes en matière pénale. Nous avons deux infractions à gérer, monsieur le Président. La semaine passée, l’avocat de la partie civile a soulevé une exception. Et aujourd’hui, c’est l’avocat du prévenu qui soulève une autre exception. Monsieur le président, vous avez compétence, soit de joindre ces exceptions au fond et que le débat continue. Je parle sous le contrôle des dispositions de l’article 446 qui dit que le tribunal est compétent pour gérer toutes les exceptions soulevées par les parties. Donc, on ne va pas s’attarder sur ces questions d’exception. Nous sommes en appel. Il faut aller de l’avant », a-t-il répliqué aux exceptions soulevées.

Ainsi, la Cour a décidé de renvoyer cette affaire au 6 mai 2025, pour les répliques de la société Guinée Gaz S.A.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tél : 626-66-29-27

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