Kankan : quand Mory Condé étale les lacunes du gouvernement

Mory Condé, ministre de l'urbanisme de l'habitat chargé de la récupération des domaines spoliés de l'état

Ce lundi 28 avril 2025, Mory Condé a encore fait parler de lui, comme il sait le faire. En s’adressant aux syndicats des transporteurs de Kankan, le ministre de l’urbanisme, de l’habitat et de l’aménagement du territoire chargé de la récupération des domaines spoliés de l’État, leur a demandé d’empêcher tout passager qui n’aura pas présenté la preuve de son recensement biométrique d’embarquer dans un véhicule de transport à compter du 10 mai prochain.

Cette injonction, aussi brutale que contre-productive, témoigne d’une gestion chaotique d’un processus pourtant fondamental pour l’avenir de notre nation, conséquence d’une gouvernance à tâtonnements.

Depuis plus de deux ans, les autorités de la transition nous promettent un recensement biométrique moderne, censé constituer le socle d’élections crédibles et d’une administration publique efficace. En théorie, ce projet est bénéfique : il permettra d’assainir le fichier électoral, de planifier les politiques publiques avec des données fiables et de renforcer l’identité juridique de chaque citoyen. Un recensement réussi est une base pour un meilleur accès à l’éducation, à la santé, et pour une représentation politique plus juste.

Mais comme le dit un proverbe de chez nous : « Ce n’est pas au jour du marché qu’on engraisse la chèvre. » Le temps de la préparation était hier. Pas aujourd’hui, dans l’urgence et sous la menace.

Plutôt que d’investir dans une campagne nationale de sensibilisation et de mobilisation citoyenne digne de ce nom, les dirigeants de la transition ont préféré gaspiller d’importantes sommes d’argent dans des opérations de propagande politique organisées dans plusieurs villes du pays pour, dit-on, célébrer les acquis du CNRD, et promouvoir la paix et l’unité nationale. Aujourd’hui, faute d’avoir su convaincre et mobiliser pacifiquement les citoyens pour ce recensement, ils choisissent la contrainte et l’intimidation. Une méthode indigne d’une gouvernance responsable.

Le recensement, dans une démocratie saine, doit être un acte volontaire, compris et accepté par les citoyens. Pas une obligation imposée sous la peur de perdre son droit à la mobilité. Aussi, il faut dire que cette sortie de Mory Condé vient remettre en cause la popularité dont le CNRD et son gouvernement tentent de se prévaloir. Parce que si le pouvoir de transition était aussi populaire qu’il veut le faire croire à travers les foules transportées à coups de fonds publics, il n’aurait pas besoin d’avoir recours à de telles menaces. Mais, que voulez-vous ? Là où l’incompétence gouverne, la menace devient l’ultime recours.

Et cette façon de faire ne portera jamais fruit. Qui dit au ministre que les responsables syndicaux à qui il s’adressait se sont, eux-mêmes, fait recenser ? Et même si tel était le cas, qui lui donne la garantie que des transporteurs qui peinent parfois à remplir leurs véhicules vont se permettre de refouler des passagers qui n’auraient pas prouvé leur recensement ? Il faut vraiment être naïf ou être carrément déconnecté de la réalité pour croire cela possible.

Aujourd’hui, M. Mory Condé et tous ceux qui réfléchissent comme lui doivent savoir une chose : tant que la force prendra le pas sur la pédagogie, la défiance populaire persistera, et aucun processus, aussi important soit-il, ne pourra véritablement aboutir.

Alpha Fafaya Diallo pour Guineematin.com

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