3ème mandat en Guinée : et si Alpha Condé disait non ?

C’est un secret de polichinelle ! Le sarcasme des laudateurs du champion du RPG au palais du peuple contre l’opposition- j’allais écrire le peuple de Guinée- qui, à leurs yeux, n’aurait pas une alternative à Alpha Condé n’a d’inspiration que la volonté du président sortant de s’accrocher au pouvoir. Mais, le président actuel de la Guinée a-t-il une autre porte de sortie à la fois honorable et qui lui garantirait l’impunité des crimes politiques et économiques dont il se serait rendu coupable pendant ces dix ans à la tête de la République de Guinée ?

 

Alpha et les honneurs

 

Même s’il essaie de le masquer, l’obsession du pouvoir d’Alpha Condé est aux antipodes de ses affirmations publiques. Il n’a cure du développement économique de la Guinée et de l’unité du peuple. L’homme adore être applaudi, il aime écouter les dithyrambiques discours de ceux qui le déifient. Hier, les caressantes voix partaient du RPG pour son Président-Fondateur ; aujourd’hui, de ses anciens opposants qui ne trouvaient rien de bon dans sa gouvernance. Alpha aime entendre dire qu’il est le meilleur ; même si celui qui le dit, toute honte bue, jurait tout le contraire hier. L’homme adore les honneurs ! Il aimerait sans doute continuer à en bénéficier…

 

La peur de la prison et du dénuement

 

195 morts ! C’est le triste bilan des tueries que l’opposition attribue au régime Alpha Condé seulement dans la répression des manifestations politiques. On ne parle pas là des expéditions punitives contre les populations de Saoro, de Zogota, et d’ailleurs où des Guinéens mécontents ou simplement surpris dans leurs villages par des quidams ont été tués pour permettre à une société minière par exemple de s’installer, ni de ceux qui auraient succombé dans un accident douteux ou suite à un arrêt cardiaque après une mystérieuse entrevue… Il y a tant et tant de dossiers qui seraient en veilleuse et n’attendraient qu’un moment propice pour refaire surface. Et, qu’en est-il des crimes économiques, des détournements des deniers publics, de la corruption…

Il y a donc beaucoup d’observateurs qui interprètent la volonté du président Alpha Condé de s’accrocher au pouvoir comme l’unique issue pour lui d’échapper à toute poursuite qui pourrait être tentée contre lui ici-bas, après son départ du pouvoir.

 

Dire non au 3ème mandat et sortir victorieux sur tous les plans ? Oui, c’est bien possible !

 

Depuis 2010, face au président Alpha Condé, on voit immédiatement le duo Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré. Les présidents de l’UFDG et de l’UFR rêvent, chacun, de réparer l’erreur de 2010 (quand ils se sont butés sur les marches de la présidence) en accédant à la magistrature suprême de la République. Chacun des deux anciens PM du Général Lansana Conté est aujourd’hui prêt à tout pour assouvir cette légitime ambition. Ils ne manqueront évidemment pas de soutiens de leurs familles politiques pour toute décision qu’ils prendraient pour arriver à Sékhoutouréya. Même humainement incompréhensible, leur choix se justifierait politiquement…

Joseph Kabila et Félix Tshisekedi ont prouvé qu’on peut signer un accord d’alliance gagnant-gagnant. Et, pour le moment ça marche en RDC ! Et, la signature, en 2015, d’un accord d’alliance entre Cellou Dalein Diallo et l’exilé capitaine Moussa Dadis Camara à Ouagadougou prouve, s’il en était besoin, que les Guinéens sont également capables d’enjamber cadavres et récriminations pour arriver à des fins politiques. On se souviendra longtemps des images de Cellou Dalein justifier que signer avec l’ancien chef de la junte du CNDD était le meilleur choix pour les victimes des crimes du 28 septembre 2009…

Et, on sait que les fictifs handicaps ethniques, régionalistes ou religieux qui sortent de de la bouche certains politicards ne pèseront pas plus que le poids d’un poil ! Ce seront, au contraire, des atouts pour aller plus loin dans l’unité…

Alpha Condé peut également faire un deal avec tout autre candidat qu’il aiderait à prendre sa place contre une immunité qu’il pourrait élargir à quelques membres de son entourage… A sa place, on peut même miser sur deux ou trois chevaux !

 

Pourquoi ne pas se faire succéder par un cadre du RPG arc-en-ciel ?

 

Evidemment, le chef de l’Etat peut décider d’accompagner un cadre de son parti qu’il pourrait bien réussir à imposer sans trop d’efforts, ni de dégâts. En effet, la virulence du débat actuel est surtout justifiée par la soif d’alternance à la tête de l’Etat. Même si l’opposition et ses partisans adoreraient voir un autre parti gagner la présidentielle (en réalité, chacun veut que ce soit lui), les griefs qu’on fait à Alpha Condé ne sont fondés que par son refus de céder le pouvoir à un autre Guinéen. Il suffit que ce ne soit pas sa personne pour faire changer l’orientation du débat. Or, avec l’argent public, toute la machine administrative et son influence personnelle, Alpha Condé peut bien se faire remplacer par qui il veut. Et, il saura toujours se défendre : « Je suis chef d’Etat et non candidat ! Posez la question aux candidats ! C’est la CENI qui gère les élections, etc. ».

Bref, dans l’un ou l’autre cas, Alpha Condé peut bel et bien renoncer à un troisième mandat, échapper à la justice qu’il semble craindre et bénéficier des avantages qu’il souhaiterait avoir parce que son remplaçant peut simplement être un de ses laudateurs qui n’oubliera pas celui qui l’aura mis là. Il aura ainsi moins de craintes le restant de sa vie d’ici-bas ; et, épargné également la Guinée d’une instabilité qu’un éventuel troisième mandat ouvrirait…

Nouhou Baldé pour Guineematin.com

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