Aïssata Daffé sur le 8 mars : « la fête coïncide avec une crise sociopolitique complexe »

Dans moins de quarante huit heures, la journée internationale des femmes sera célébrée de par le monde. Cette année, la célébration de cette journée du 08 mars coïncide en Guinée avec une crise sociopolitique complexe. La grève des enseignants et la contestation des résultats des élections locales du 04 février.

Pour parler du contexte de cette célébration, un reporter de Guineematin.com a rencontré ce mardi 6 mars 2018, Hadja Aissata Daffé, députée à l’Assemblé Nationale et présidente nationale des femmes de l’UFR (Union des Forces Républicaines). Il a été question notamment de la grève du SLECG (Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée), de la représentativité des femmes dans les instances de décision et des violences que subit la gent féminine.

Guineematin.com : comment vous apprêtez-vous à célébrer cette fête du 08 mars, après demain jeudi ?

Hadja Aissata Daffé : je commencerai par vous dire que je suis peinée. Parce que cette fête arrive à un moment où la Guinée est dans une véritable crise sociopolitique. C’est surtout dans le secteur éducatif, puisque cela fait près d’un mois que nos enfants ne vont pas à l’école. Je suis meurtrie, en tant que mère de famille, de voir ces enfants rester à la maison alors que les parents d’élèves se battent pour payer toute une année scolaire. C’est aussi difficile pour les fondateurs des écoles privées qui sont obligés de payer les enseignants, bien que les cours ne soient pas donnés. A cela s’ajoutent les élections communales qui se sont déroulées dans les conditions que l’on connait. Donc, tout cela est un peu triste que la Guinée se retrouve dans une telle situation.

Guineematin.com : est-ce que c’est opportun dans ces conditions d’organiser des festivités alors que les élèves et leurs parents ne savent plus à quel dirigeant se vouer ?

Hadja Aissata Daffé : j’ai vu le thème de cette année, qui porte sur l’autonomisation des femmes surtout du monde rural. J’aurai préféré qu’on transfère cette fête là à l’intérieur du pays, pour que ces femmes rurales aussi puissent en bénéficier. Mais, tel n’est pas le cas. Si nous les femmes citadines nous nous retrouvons pour fêter, lire des discours, qu’est-ce que les femmes rurales vont avoir ? Donc, il faudrait bien que les gens comprennent que les fêtes, il faut les envoyer aussi à l’intérieur, il faut les délocaliser. C’est pour pouvoir partager avec ces femmes, surtout que le thème de cette année est lié aux femmes du monde rural. Pourquoi ne pas aller en contact direct avec elles ? Cela permet de voir quelles sont leurs conditions de vie ? De là, quelles mesures doivent être entreprises pour trouver solution aux difficultés de ces femmes. C’est difficile qu’on dise chaque année la même chose. Il faut changer la donne.

Guineematin.com : aujourd’hui, les violences faites aux femmes sont devenues très récurrentes. Quels commentaires en faites-vous ?

Hadja Aissata Daffé : c’est le lieu de remercier toutes les ONG qui se battent aujourd’hui sur le terrain pour protéger les jeunes filles. Ceux-là qui violentent les femmes, on les retrouve quelques jours après dans la rue, les victimes sont là, entrain de souffrir et qui ont parfois perdu leur dignité avec leurs familles. On porte plainte contre ces gens, mais ils ne sont pas punis. L’impunité est là, chacun fait ce qu’il veut, rien n’est appliqué. Des enfants, des mineurs sont victimes de viol. C’est choquant. Plus j’en parle, plus j’ai mal au cœur.

Guineematin.com : qu’est-ce qui doit être fait concrètement pour enrayer ce mal ?

Hadja Aissata Daffé : c’est de prendre les auteurs des violences et des viols, de les sanctionner à la hauteur de leur forfaiture. Mais, si l’impunité est galopante dans le pays, chacun fait ce qu’il veut. Les gens vont dépasser les limites et ils n’ont peur de rien, il suffit qu’ils aient les poches remplies, ils peuvent sortir le lendemain. C’est ça la réalité.

Guineematin.com : que peut-on dire aujourd’hui de la représentativité des femmes dans les instances de décision ?

Hadja Aissata Daffé : on se réjouissait des 30% de représentativité accordées aux femmes. Pour nous, c’était une discrimination positive, mais tel n’était pas le cas. Heureusement que nous avons déjà engagé un processus sur la parité au niveau des femmes parlementaires de l’Assemblée. Nous avons fait un bout de chemin. Mais, il faut féliciter la Cour Constitutionnelle qui a dénoncé le caractère discriminatoire des 30%. C’est dans l’Article 8 de la Constitution qui dit les hommes et les femmes sont égaux en droits et en devoirs. Pourquoi accorder aux femmes 30% ? En tant que femmes, nous représentons 52% de la population guinéenne. Nous avons cette chance d’avoir la supériorité numérique, mais malgré tout, nous sommes les premières à aller quémander. On ne profite pas de notre supériorité numérique. On tire le chapeau à la Cour Constitutionnelle qui nous a un peu réveillé l’esprit. On avait déjà évoqué la question de la parité et quand on a visité des pays comme le Rwanda et le Sénégal, on s’est inspiré de ce se passe là-bas, pour entreprendre la même démarche et avoir la même vision.

Guineematin.com : quel est le mot de la fin ?

Hadja Aissata Daffé : je demanderai aux syndicalistes de voir ce qu’on vit actuellement. C’est difficile. Nous demandons au gouvernement et aux syndicalistes de continuer le dialogue. Quelque soit les problèmes, on finit toujours par le dialogue. Que le gouvernement fasse un pas et que les syndicalistes fassent de même. Chacun doit lâcher du lest pour trouver un accord. Comme on dit chez nous : « il ne faut que la chèvre ait soif, il ne fau pas aussi que la calebasse soit vide ».

Propos recueillis par Alpha Mamadou Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 628 17 99 17

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