Apha Boubacar : « C’est lorsque les guinéens ont été tués que le Président a écouté ses opposants »

Dans la soirée d’hier, mercredi 4 avril 2018, Guineematin.com a reçu en interview Alpha Boubacar Bah, responsable de la communication de l’UFDG. Dans notre longue interview, il a été question de la rencontre entre le chef de l’Etat et le chef de file de l’opposition guinéenne, de ses attentes du comité de suivi et bien d’autres questions. En attendant le décryptage complet, nous vous livrons, ci-dessous, la première partie.

Décryptage !

Guineematin.com : Nous sommes le 4 avril 2018, c’est quoi l’actualité aujourd’hui ?

Alpha Boubacar Bah : L’actualité est dominée par cette rencontre du Président de la République, Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo, chef de file de l‘opposition, président de l’UFDG.

Guineematin.com : Vous êtes responsable de la communication de l’UFDG, comment vous-mêmes vous avez préparé cette rencontre ?

Alpha Boubacar Bah : Depuis quelques semaines, il y a eu des tractations, des lobbyings, le Président de la République cherchait à rencontrer Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition…

Guineematin.com : Ou peut être Cellou cherchait à le rencontrer ?

Alpha Boubacar Bah : Je vous donne la vraie information ! Cellou Dalein n’a pas voulu accepter une rencontre. Pour lui, il ne pouvait pas rencontrer Alpha Condé une énième fois sans qu’il n’y ait des garanties ou des engagements fermes de ce dernier que ce qui va être obtenu à l’issue de la rencontre ne soit quelque chose de concret et d’applicable. Donc, il y a eu des équipes qui ont travaillé ; et puis, le dimanche soir, l’invitation est arrivée. Cellou Dalein a tout de suite convoqué deux réunions parallèles. La première, c’est la direction nationale de l’UFDG parce qu’il avait besoin du mandat de la direction nationale du parti. Après, il y a aussi la réunion des leaders de l’opposition républicaine qui a été convoquée le lundi matin à 11 heures. De ces deux réunions, Cellou Dalein Diallo a reçu le mandat d’aller rencontrer le Président de la République. Lors de ces deux réunions, la question de la suspension des manifestations du mardi et de la semaine a été posée. Là aussi, que ce soit les leaders de l’opposition ou des membres de la direction nationale de l’UFDG, nous avons estimé que ce serait incohérent d’avoir des engagements fermes du chef de l’Etat le lundi et de continuer à manifester à partir du mardi. Qu’il fallait donc donner la chance au dialogue pour qu’on puisse savoir dans quelques temps est-ce que les engagements pris vont être tenus ou pas. Donc, Cellou Dalein a reçu mandat qu’à la sortie de Sékoutouréya, si quelque chose était obtenu de concret, qu’il suspende au nom de l’opposition et de l’UFDG les manifestations programmées. C’est ce qui fut fait. Il y a eu des engagements ; et puis, le président Cellou a estimé qu’on pouvait donner la chance au comité de suivi qui a reçu des instructions fermes du chef de l’Etat d’examiner nos revendications et de nous proposer une sortie de crise.

Guineematin.com : En fin de compte, vous êtes satisfait ou déçu de cette rencontre ?

Alpha Boubacar Bah : En tant que responsable de l’UFDG, je suis satisfait de l’opposition et de ses militants parce qu’Alpha Condé ne reçoit pas Cellou Dalein de gaité de cœur. Cette rencontre n’a pas été obtenue au hasard. C’est parce que depuis le soir des élections communales, nous n’avons pas lâché prise. Nous avons d’abord alerté, nous avons rencontré les religieux, les diplomates, les partenaires techniques et financiers, les institutions de la République, nous sommes allés dans les médias pour expliquer qu’il y a eu fraude et qu’on disposait des preuves éloquentes de ces fraudes. Donc, nous avons exigé que les vrais résultats sortis des urnes soient publiés. Nous n’avons pas été entendus ; mais, comme la constitution nous le permet, le recours ultime c’est les manifestations de rue. Nous en avons fait usage. D’abord, nous avons menacé pour essayer de faire entendre raison le chef de l’Etat, la mouvance et tous ceux qui s’y opposaient. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus. Nous sommes allés dans la rue, de ville morte à manifestation, nous avons enregistré près de 7 morts au cours de ces manifestations (Paix à leurs âmes). Le Président de la République et son gouvernement ont été obligés de nous écouter.
Malheureusement, c’est lorsque les guinéens ont été tués, lorsqu’il y a eu vandalisme, les citoyens ont perdu leurs biens que le Président de la République a fini par écouter ses opposants. C’était le même cas pour le SLECG.
Malheureusement, le chef de l’Etat n’écoute ses interlocuteurs que lorsqu’il y a mort d’hommes, violence et lorsque le pays est en situation de crise visible jusqu’à l’étranger. C’est en ce moment qu’il entend les revendications. Moi, je dis que ce résultat, le fait que le chef de file de l’opposition soit invité à Sékoutouréya pour qu’ils en discutent et qu’ils trouvent une solution à nos problèmes est une victoire de l’opposition, des militants et de leurs leaders. Pour nous, vu de ce côté, je dis félicitation aux militants de l’opposition qui ont tenu bon et qui ont poussé le gouvernement à nous entendre malgré tout.

Guineematin.com : Les consultations se poursuivent à Sékoutouréya. On se rend compte que tout cela est inscrit dans une initiative du chef de l’Etat qui veut rencontrer tous les acteurs politiques. Il avait rencontré les acteurs sociaux et économiques avant ?

Alpha Boubacar Bah : Je crois qu’on peut aussi interpréter cela d’une autre manière. Lorsque vous avez entendu hier le communiqué sorti de sa rencontre avec la mouvance, il n’y a pas une virgule qui a changé du premier communiqué sorti de la rencontre entre le chef de l’Etat et le chef de file de l’opposition. C’est comme s’il avait appelé sa mouvance pour leur expliquer qu’il n’avait aucun choix que d’entendre la voix de l’opposition et de régler ce contentieux électoral désormais qui ne porte que sur 12 communes (6 rurales et 6 urbaines). Ce n’est pas parce que c’est dans ces 12 seulement où il y a eu fraude. Il y a eu des fraudes massives partout ; mais, lorsque vous revendiquez, en opposition responsable, c’est partout où nous avons des preuves éloquentes qu’on a demandé à ce qu’on compare les résultats des PV signés par les personnes autorisées, les membres des bureaux de vote tels que les présidents. Que ces PV dont une copie était destinée (selon le Code électoral) au président de la CENI- ce qu’il nie d’ailleurs, ces PV sont des preuves éloquentes qu’il y a eu des fraudes. C’est à peu près 330 bureaux de vote sur près de 15 000. Ce n’est pas trop lorsqu’on a la bonne foi. Si c’est avéré, la solution, c’est de nous rendre nos voix et nos sièges.

Guineematin.com : Cela n’a pas été fait au niveau de la CENI, vous pensez que le comité de suivi va le faire ? Qu’est-ce que vous attendez concrètement ?

Alpha Boubacar Bah : Concrètement, nous avons nos PV, nos résultats sortis des urnes, il faut faire une étude comparative avec les résultats publiés par la CENI. Si c’est avéré, et nous sommes sûrs que c’est avéré, nous avons tous les chiffres, il faut nous rendre nos voix et nos sièges.

Guinematin.com : Et si la mouvance démontre le contraire ?

Alpha Boubacar Bah : C’est ce qu’on a voulu au départ avec la CENI. C’est ce qu’on a voulu lorsque le Président de la République en personne a instruit la CENI, en tant qu’expert électoral, de faire cette étude comparative. De rencontrer l’opposition et la mouvance pour comparer les résultats avec ce qu’ils ont pour qu’on permette à ceux qui ont des revendications leurs sièges et leurs voix. La CENI a refusé parce qu’au départ, la première rencontre c’était bien passée, la CENI a accepté. Lorsque Kébé (président de la CENI), à un moment donné a semblé ne pas comprendre l’objectif, ils ont appelé à la présidence de la République ; et, là-bas, on lui a expliqué qu’en tant qu’expert électoral, à lui de faire une étude comparative et de faire le rapport au Président de la République, clé de voûte du fonctionnement des institutions pour que ce dernier, en dernier ressort, puisse prendre une solution politique. Mais, souvent, on nous fait dire qu’on ne peut pas ne pas respecter la loi. Le contentieux a été vidé par les tribunaux ; donc, c’est terminé, on ne peut l’ouvrir parce que, parce que, etc. Je réponds que c’est comme si votre voiture a été volée, vous attrapez le voleur et vous partez au tribunal avec lui. Mais, le juge dit que le voleur a raison sur vous. Est-ce que vous allez vous soumettre à ce que le juge a dit ? Non ! Lorsque la loi a été violée au départ par les CACV, par les magistrats qui n’avaient aucun droit d’éliminer ou d’annuler un PV, après cela, on ne peut pas dire qu’on va se soumettre à la violation de nos droits. Ce n’est pas possible et c’est ce qui se passe. Aujourd’hui, nous disons qu’une solution politique doit être trouvée et le Président de la République, à l’issue de sa rencontre avec le chef de file de l’opposition, a instruit le comité de suivi de trouver une solution « avec une diligence » à ce contentieux électoral. Après, le même comité de suivi a reçu les instructions du chef de l’Etat pour que les différents points contenus dans l’accord politique du 12 octobre 2016 soient mis en œuvre avec une diligence. D’ailleurs, le comité de suivi a tout de suite abdiqué puisqu’il a convoqué sa prochaine session le 06 avril pour regarder cette affaire de contentieux électoral et des autres points.

Guineematin.com : Pour ceux qui ne suivent pas forcément l’actualité, vous vous attendez à quoi précisément ?

Alpha Boubacar Bah : Nous nous attendons à ce que les engagements pris par le chef de l’Etat soient respectés.

Guineematin.com : C’est quoi ces engagements ?

Alpha Boubacar Bah : C’est d’abord le contentieux électoral portant sur les 12 circonscriptions que les voix qui ont été volés par les CACV, confirmé par la CENI, nous soient restituées. Cette même instruction du chef de l’Etat a été donnée pour que les points de l’accord 12 octobre qui souffrent de non application soient mis en œuvre avec diligence ; donc, le plus vite que possible.

Parmi ces points, il y a la mise en place de la Haute Cour de justice. Rappelez-vous que la Cour Constitutionnelle a pris récemment des résolutions demandant la mise en place de cette autre institution qui manque dans la palette des institutions dans notre pays. Il y a la CENI puisqu’il était prévu qu’une nouvelle CENI soit mise en place à travers une nouvelle loi qui devrait être votée à l’Assemblée nationale. Là aussi, un engagement ferme a été pris par le chef de l’Etat pour que cette nouvelle loi soit votée et adoptée lors de la session ordinaire des lois qui s’ouvre demain matin. Sur le fichier électoral, un engagement ferme a aussi été pris pour qu’il soit audité, assainit et mis à jour avant les élections législatives qui devront se tenir au courant de l’année 2018.

Les autres engagements, ce sont les enquêtes pour retrouver les coupables et les commanditaires des tueries de nos militants depuis 2011 jusqu’à nos jours. 94 personnes ont été enterrées, aucun policier, aucun gendarme n’a été interrogé et sanctionné ; même pour une petite sanction administrative. Il y a également les dédommagements des victimes qui sont de trois catégories. Ceux qui sont morts, des blessés et handicapés à vie ; mais aussi ceux qui ont perdu des biens. En attendant leur dédommagement, il a été obtenu que toutes ces victimes bénéficient d’une assistance financière pour les soulager…

A suivre !

Propos recueillis et décryptés par Alpha Assia pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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