Conflit communautaire évité à Linsan Saran : le député de Lélouma explique (interview)

Comme la plupart des préfectures du pays, les arguments ne manquent pas pour faire monter la température, synonyme de violence accompagnée de destructions et de dégâts matériels dans certaines localités. Guineematin.com a rencontré le député uninominal de Lélouma pour parler de la forêt de Nyalama, à l’origine de la suspension du chef section eaux et forêts. Dans cet entretien, l’Honorable député a également expliqué comment un conflit banal et local, transformé en problème d’Etat, a failli opposer des communautés qui ont toujours vécu ensemble et dans la paix.

Décryptage !

Guineematin.com : Nous avons appris dans les couloirs du parlement la suspension du chef de la section environnement, eaux et forêts. Qu’est ce qui s’est passé au juste ?

Honorable Dr Ibrahima Diallo : C’est juste, le Chef de section environnement, eaux et forêts, Koï Koï Toupou a été suspendu de ses fonctions depuis le 5 septembre par son département suite à un problème domanial. Je l’ai reçu dans notre commission cette semaine pour l’écouter. Selon ses explications, c’est un problème domanial passé à Linsan Saran dans le district de Dokolou, secteur Koundou.

Guineematin.com :Qu’est explique alors la suspension du Chef de section ?

Honorable Dr Ibrahima Diallo : Vous savez bien que c’est le rôle du député de s’informer de tous les problèmes de ses mandants. Mais franchement avec cette suspension, je ne vois pas les raisons de cette sanction. En réalité ce n’est ni un problème environnement ou forestier mais un litige opposant deux familles, l’une Sarakollé et l’autre Peule.

Guineematin.com : Et comment vous avez été saisi du problème ?

Honorable Dr Ibrahima Diallo : J’étais en mission en Guinée Bissau lorsque j’ai été informé du problème qui n’est pas un problème de déboisement encore moins de destruction de la forêt de Nyalama mais un problème de défrichement d’un domaine laissé en jachère pendant trois ou quatre années. Après donc le défrichement, M. Kébé et sa famille ont formulé une plainte contre des citoyens de Kokoulou et déposée au près du Sous-préfet qui à son tour, a informé le préfet, Deen Camara qui a envoyé une mission sur le terrain. Cette délégation composée entre autres des conservateurs de la nature et de la section de l’environnement est venue constater que l’agression dont il est question ne concernait pas du tout la forêt classée de Nyalama, considérée de nos jours comme patrimoine mondial de l’humanité. Ils ont constaté que le domaine litigieux se trouvait à plus de deux kilomètres de la forêt incriminée.

Guineematin.com : Mais au juste qu’est ce qui est à l’origine de ce problème ?

Honorable Dr Ibrahima Diallo : C’est Kébé qui serait venu déficher une partie du domaine en jachère pour la culture d’anacarde, actuellement en vogue dans le pays. Selon l’autre partie en conflit, la famille Kébé en défrichant a dépassé les limites de son domaine sans toute fois demander la permission. En réaction, les autres sont venus continuer de défricher et détruire sa clôture de Kébé. Et c’est dans ce cadre que la famille Kébé a porté plainte. Le préfet après constat a donc porté le problème auprès des sages des deux communautés pour un règlement, sachant bien qu’il s’agit d’un conflit sur un domaine cultivable. Parallèlement, il a demandé aux services des eaux et forêts, comme il y a eu des arbustes abattus, de produire un rapport pour la hiérarchie. Il a estimé que ce n’est ni un problème politique, ni un problème communautaire mais un simple malentendu entre voisins qui peut se régler à l’amiable.

Entre temps, un groupement local appelé Africa Nature a envoyé des photos et des informations au département de l’environnement et à la présidence de la République pour dire que la communauté Sarakollé est attaquée par des délinquants.

Guineematin.com : Mais qui est le signataire de ce document en question ?

Honorable Dr Ibrahima Diallo : C’est un certain Ibrahima Sory Nimaga, basé à Conakry et président de cette ONG Africa nature qui serait selon lui, co-gestionnaire de la forêt de Nyalama. Il a envoyé des photos et des informations à la présidence de la république qui a demandé au département de l’environnement de prendre ses responsabilités. A partir de là, le Chef section environnement, eaux et forêts a été suspendu de ses fonctions.

Guineematin.com : Quelle a été la réaction des parties en conflit ?

Honorable Dr Ibrahima Diallo : Toutes les deux parties sont en ce moment entrain de se réconcilier. Et tout le monde a déploré la tournure de cette situation. Chacune des deux familles s’est dite prête à réparer les dégâts causés. Autrement dit, les gens de Koundou sont prêts à réparer la clôture de M. Kébé et celui-ci avec sa famille sont disposés à compenser les arbres taillés dans le domaine de Koundou.

Guineematin.com : Comment comptez-vous intervenir dans ce problème ?

Honorable Dr Ibrahima Diallo : Depuis le début, j’ai contacté pratiquement toutes les parties concernées, les autorités locales, préfectorales et même des responsables du département de l’environnement. A savoir le Secrétaire général et le directeur national des eaux et forêts. J’ai également appelé au téléphone Ibrahima Sory Nimaga qui est un ami. Il était même venu me rencontrer pour dire que cette forêt était agressée. J’ai essayé de recouper ses informations et je lui ai dit que dans sous peu de temps, notre commission effectuera une mission sur le terrain en Moyenne Guinée et nous comptons arriver à la forêt de Nyalama pour voir ce qui se passe. Puisqu’il parle d’agression de cette forêt classée, je compte bien m’y rendre en tant que député uninominal de Lélouma.

Je rappelle que les deux familles en conflit avaient envoyé deux délégués à Lélouma pour parler le directeur de l’environnement mais qui ont été retenus sur place. Quand j’ai appris cela, j’ai demandé au préfet de les mettre à mes dispositions. Puisque lui-même a compris que c’est un problème domanial et il a demandé aux sages de le régler à l’amiable. Donc, si tel est le cas, je ne vois pourquoi on va détenir des gens qui ne sont ni jugés, ni condamnés. Et de l’autre côté, j’ai vu cette décision de suspension du chef section environnement.

Guineematin.com : Vous avez souligné avoir rencontré toutes les parties en conflit et les autorités. Est-ce qu’on peut connaître la réponse que vous avez obtenue au département de l’environnement ?

Honorable Dr Ibrahima Diallo : Comme je vous l’ai dit, je suis allé au département de l’environnement rencontrer le secrétaire général et le directeur national des eaux et forêts, puisque Madame la ministre n’était pas en place. Partout, ils ont salué la démarche qui engage à la fois les autorités locales et préfectorales le député et eux-mêmes pour la résolution de ce problème. Qui doit consister à lever cette sanction, que je qualifie d’injuste et incompréhensible à tous les égards. Je dis injuste et incompréhensible puisque c’est un petit conflit entre deux familles que des gens ont transformé en problème d’Etat. Chez nous, nous avons besoin de paix et de cohésion sociale et de tels agissements sont de nature à nuire ces principes. Je pense d’ailleurs que le ministre de l’administration du territoire qui doit aller à Labé, rencontrera le préfet de Lélouma pour avoir d’amples informations au tour de cette suspension que nous regrettons regrettable.

Propos recueillis et décryptés par Abdallah Baldé pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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