Filles aux « métiers d’hommes » et barrières socioculturelles : la galère de ces jeunes de Mamou

Ces dix dernières années ont été marquées par une réelle volonté de la gent féminine de briser les préjuger, les mythes et les barrières sociales qui entourent les métiers qualifiés à tort ou raison de « métier d’homme » dans la commune urbaine de Mamou.

Dans les ateliers de soudure et de mécanique, tout comme au centre de formation professionnelle (CFP), des jeunes filles s’illustrent par leur dévouement d’apprendre et de pratiquer « ces métiers qui étaient exclusivement réservé aux hommes » dont elles font aujourd’hui la concurrence sur le terrain.

Seulement, malgré les efforts consentis, le tabou n’est pas totalement levé ! Les pesanteurs sociales constituent encore un fardeau, un blocus à l’épanouissement effectif des jeunes filles dans ces domaines d’activités, a constaté le correspondant de Guineematin.com à Mamou.

Les jeunes filles sont partout présentes dans les ateliers d’apprentissage de mécanique auto ou de soudure. Elles rivalisent avec les hommes et s’illustrent par leur courage et la qualité du travail qu’elles font au quotidien.

Rencontrée dans un atelier au quartier Boulbinet où elle apprend la soudure depuis trois ans, Mariame Diané, élève en 10ème année dans une école de la place, évoque les raisons qui l’ont poussé à choisir ce métier et les conditions dans lesquelles elle l’exerce.

« C’est ma mère qui m’a encouragé à faire ce métier. Elle m’avait dit de faire le choix entre la vitrerie et la soudure. J’ai choisi la soudure ; et, depuis trois ans, je pratique ce métier. J’ai appris beaucoup de choses, notamment les techniques pour la confection des portes, des fenêtres, des antivols… Je collabore très bien avec mes collègues (les hommes). Ils me poussent toujours à travailler davantage. Quand je commence à m’isoler par exemple, ils m’appellent pour me donner du travail. Je ne suis vraiment pas ségréguée ici ; et, mon maître m’encourage beaucoup », a-t-elle confié.

Mais, comme dans toute activité humaine on y trouve des difficultés, mademoiselle Diané a aussi les siennes. « Je ne peux pas faire certaines choses comme le font les hommes. Nous n’avons pas la même force physique. Mais, c’est un problème que je combats chaque jour pour bien réussir dans ce métier », a-t-elle indiqué.

L’autre difficulté rencontrée par Mariame Diané, c’est le travail nocturne (quand le courant revient). « On est confronté au manque de courant. Parfois, c’est la nuit qu’on travaille. Et, on ne peut pas lui imposer de venir travailler à pareilles heures. C’est une fille et elle étudie aussi. Cependant, si elle n’est pas présente au moment du travail, ça sera un peu difficile pour elle de vite apprendre. Mais, j’avoue qu’elle est sérieuse et très courageuse », a expliqué le maître adjoint, Thierno Mamadou Tounkara.

Au centre de formation professionnelle de Mamou, le chef de cet établissement qui forme des ouvriers qualifiés dans quatre filières (mécanique auto, maçonnerie, menuiserie et électricité bâtiment) ne manque pas d’éloge à l’égard des jeunes filles qui fréquentent son école.

« Les filles qui viennent ici (au CFP) sont très engagées. A les voir dans les travaux pratiques, vous n’avez rien à envier aux hommes. Par exemple, il y a une certaine Marie Pogomou qui a fait la maçonnerie ; et, actuellement, elle est en chantier avec le projet d’électrification rurale où elle construit les biais basses. Il y a beaucoup d’autres qui s’illustrent par leur bravoure », a dit monsieur Mamadouba Kindia Camara qui précise que son école compte actuellement un effectif de 146 élèves dont 23 filles qui se retrouvent dans différentes filières.

« De la 1ère à la 3ème année, nous avons dix (10) filles en électricité, sept (7) filles en maçonnerie et huit (8) filles en mécanique auto. Ces filles viennent chez nous, moralement prêtes à briser les préjugés et les tabous selon lesquels la maçonnerie, la menuiserie ou la mécanique sont des métiers d’hommes. En tout cas, elles n’ont aucun complexe à pratiquer ces métiers », a précisé Kindia Camara.

Pourtant, de nombreux citoyens interrogés par Guineematin.com à Mamou ne sont pas prêts à donner son véhicule à réparer à une fille ou de lui confier la confection de meubles, encore moins la construction d’un bâtiment…

« La mécanique ou la maçonnerie sont des métiers pour les hommes. Une fille ne doit pas faire ces métiers ; sinon, elle perd sa féminité. Si une fille ne réussit pas à l’école, qu’elle fasse la couture ou des métiers qui demandent moins de force physique. A défaut, elle n’a qu’à rester à la maison pour préparer le manger. Moi, je ne vais jamais encourager mes filles à faire la menuiserie, la maçonnerie ou la mécanique. Et puis, qui va donner du travail de maçonnerie à une fille ? Moi, je ne le ferai jamais. Parce que je doute fort qu’elle puisse bien faire le travail. Imaginez une fille en train de monter ou de placer des briques (rire). Ce n’est pas possible (rire)», déclare le citoyen Mamadou Alpha Diallo, la cinquantaine.

A l’image de ce monsieur, ils sont nombreux, les citoyens de Mamou à penser que les jeunes filles doivent se défaire de cette idée de pratiquer « des métiers d’hommes », pour se consacrer à autre chose qui mettrait en valeur leur féminité.

De Mamou, Keïta Mamadou Baïlo pour Guineematin.com

Tél. : 622 97 27 22

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