Guinée : Quelle place pour les jeunes et les femmes dans les élections communales ?

Libre Opinion : A la veille des élections communales les tractations se murmurent, dans les bruits de couloirs, mais personne ne se posent certaines questions ou de même, évite de les poser, alors qu’elles sont fondamentales pour la réussite d’une mandature.

La Guinée s’apprête à organiser ses élections communales et communautaires, les collectivités communales bénéficient de peu de subvention de l’Etat pour l’organisation et le fonctionnement des services communaux comme le nettoyage urbain, la collecte et gestion des ordures et déchets, l’aménagement et l’entretien des routes, de la construction et rénovation des infrastructures sociales, et des services d’urbanisation, des transports et de sécurité.
On commence déjà à entendre des bruits de campagne «… moi si je suis élu je ferais ça et là » ou encore des mots comme « les jeunes et les femmes sont avec nous… ».

Alors je souhaiterais par le biais de cet article faire un appel aux dirigeants des principaux partis politiques représentatifs et aux acteurs de la vie politique guinéenne à réfléchir un seul instant sur la nature de cette élection, de ses fonctions, des attentes de la population, de la situation économique et sociale, des capacités même à fournir un service public de qualité par ces communes. Et de réfléchir également sur un projet « faisable » qu’ils comptent mettre en place pour cette mandature, et sur le choix des hommes et des femmes qualifiés et capables de comprendre et mener à bout un projet.

Alors, il conviendrait de se poser la question sur les compétences des élus communaux, et des moyens matériels et financiers misent à leurs disposition ?

Et en second lieu on reviendrait à se demander sur le choix des personnes de la liste électorale et du projet politique proposer ?

Ainsi que le rôle que devrait avoir les organisations de la société civile pour la bonne gestion des biens publics, de la transparence et dans la lutte contre la corruption

Avant tout je souhaiterais que cette échéance électorale soit un nouveau départ pour la bonne gouvernance locale et pour le développement de notre pays car si la Guinée bénéficie d’une bonne gouvernance locale cela ne peut que faciliter son développement au niveau national.

Quelles compétences législatives pour la réalisation des missions de service public ?

Pour la réalisation d’un service public, il est indispensable d’avoir à disposition les moyens juridiques, matériels, financiers et d’un personnel qualifié, le tout avec un encadrement juridique clair et précis.

L’insuffisance des moyens matériels, financiers et humains pour les communes

L’article 137 de la constitution guinéenne prévoit que « la loi organise la décentralisation par le transfert des compétences, des ressources et des moyens aux collectivités ». Désormais nous avons à notre disposition un code général des collectivités locales (CGCL) qui définit les missions et compétences transférées aux collectivités territoriales.

En ce qui concerne les communes leurs missions et compétences sont prévues respectivement par les articles 4 et 29 du CGCL, qui prévoient que les compétences des communes vont de la l’organisation et gestion des services administratifs et publics à l’entretien des équipements collectifs en passant par le développement local et l’aménagement du territoire. Bref des compétences en matière sociales, comme l’éducation de la petite enfance au secondaire, des transports en commun, de l’aménagement des routes communales, de la réalisation et entretien des infrastructures sociales comme les maisons des jeunes, salles de spectacle, des terrains de sports, de l’urbanisation des quartiers, de la construction des logements sociaux, du nettoyage et ramassage des ordures sur la commune entre autres. Ce qui nécessite évidement des moyens financiers, matériels et humains conséquents.

Le CGCL ne prévoit pas des moyens financiers suffisant pour la réalisation de ces services, alors les communes devraient revoir leurs organisations territoriales en valorisant les occupations du domaine public, en instaurant un impôt et d’une taxe locale pour les particuliers et professionnels en plus des moyens prévus par les articles du CGCL. Ce qui permettrait aux citoyens de se sentir concernés par la gestion des biens publics, et d’exiger de la commune des investissements.

Certes toutes ces missions de service public devraient être suivi par le transfert des moyens matériels, humains et financiers, si les autorités politiques ont la volonté de faciliter le développement local tout en respectant le principe de libre administration des communes.

Une loi devrait permettre de confirmer le principe d’autonomie des collectivités territoriales ce qui implique à responsabiliser les élus locaux, mais aussi de leur permettre de gérer une administration à taille humaine. Une autre loi devrait également fixer la dotation annuelle de l’Etat aux communes en fonction du nombre d’habitants et non d’appartenance politique, à prévoir dans le budget de l’Etat. Mais les communes devraient également réorganiser le territoire.

Le CGCL devrait exiger également un minimum de connaissance de l’administration pour aspirer à gouverner une commune, si nous voulons développer la Guinée c’est le moment de choisir des hommes et des femmes capables de produire et conduire un projet développement local. Il devrait également définir une fourchette pour la rémunération des conseillers communaux et de l’exécutif local, ce qui permettrait de limiter les abus dans la fixation des indemnités de fonction du maire et des adjoints, et d‘éviter des primes très faible ce qui favorise à coup sûr la vulnérabilité des élus à la corruption.

Si le cadre juridique est bien définit, les communes rurales et urbaines devraient s’équiper de moyens matériels et humains propres pour la réalisation des missions de service public.

Un besoin des moyens matériels, financiers et humains pour le bon fonctionnement de l’administration
Pour la réalisation des missions de services publics, la commune à besoin d’une autonomie administrative, des moyens matériels, financiers et humains.

Pour les moyens matériels, les communes devraient avoir à leurs dispositions du matériel informatique et des locaux adéquates pour les services administratifs. Du matériel et équipement adaptés pour le personnel des centres techniques municipaux et d’assurer le transport scolaire des enfants de la commune.

Le budget communal essentiellement financé par les dotations et subventions de l’Etat, des recettes fiscales locales (qui sont généralement très faibles et souvent détournées). A l’issue de ces élections, les communes devraient avec le soutien du gouvernement procéder à une réorganisation fiscale de leurs territoires ce qui leur permettraient d’avoir une certaine autonomie financière.

Pour la réalisation des missions de services publics, les élus locaux ont besoin de s’appuyer sur une administration communale moderne et efficace. Ce personnel devrait être formé à la gouvernance locale et capable de s’adapter aux nouveaux enjeux de développement économique et social. Ce personnel devrait appartenir à une fonction publique territoriale, distinct de la fonction publique d’Etat. Un personnel recruté dans le respect des principes d’égalité de l’accès à l’emploi bref à travers un concours administratif.

Ces cadres et fonctionnaires territoriaux devraient être sous la direction des services du secrétaire Général de la commune, qui est responsables des services.

Pour réussir une bonne gouvernance locale les partis politiques devraient donner l’exemple en choisissant des hommes et des femmes selon leurs compétences, leurs parcours professionnels et capables de s’adapter au fonctionnement de l’administration.

La Valorisation des compétences et de la diversité dans le choix des personnes pour les listes communales. Pour le bon fonctionnement d’un exécutif local il est primordial de choisir des hommes et des femmes selon leurs compétences issus de divers horizons, dans le respect du principe d’égalité des sexes, mais aussi du principe de non discrimination des jeunes.

Adopter un principe de non discrimination des femmes et des jeunes aux élections

A l’approche des échéances électorales tous les partis politiques affirment et réaffirment être pour les jeunes et les femmes, alors quand il s’agit de présenter des candidats aux échéances électorales, peu de jeunes et de femmes sont en tête de liste. Même s’ils le sont c’est sur des circonscriptions qui ne sont pas gagnables, l’exemple palpable a été celui des élections législatives.

Alors il serait intéressant que les partis politiques prennent le devant en constituant des listes respectant le principe de non discrimination des femmes et des jeunes avant d’y être obligé par la loi.

Tous les partis politiques guinéens , sont composés en majorité par des jeunes hommes et femmes souvent diplômés sans emploi, alors il serait temps que ces partis s’engagent à bannir le principe de discrimination des jeunes qui représentent 70% de la population en élaborant des listes équilibrées respectant le principe d’égalité des sexes et le principe de non discrimination des jeunes.

Par exemple pour une liste de 10 personnes il faudrait avoir un homme ou une femme de moins de 40 ans suivit d’un homme ou d’une femme de moins de 40 ans, puis d’un homme et/ou d’une femme de plus de 40 ans. Ce qui permettrai à coup sûr l’intégration des femmes et des jeunes dans la vie politique locale.

La Guinée est un pays diversifié avec 4 régions naturelles composées d’une vingtaine d’ethnies, je suis conscient qu’il serait difficile de faire respecter une liste composée de diverses ethnies dans les différentes communes rurales mais oui c’est possible pour une liste dans les grandes communes urbaines comme celles de Conakry et des villes de plus de trente mille habitants.

Autre aspect à noter est qu’il serait également intéressant, au vu du nombre de partis politiques qui aspirent à gouverner la Guinée, de voir les leaders de ces partis se présenter aux élections communales en tête de liste. Ce qui leur permettrait de démontrer leurs capacités à diriger une collectivité et conduire un projet politique de développement, avant de prétendre vouloir diriger la Guinée.

Y aurait il un député qui privilégierait de faire évoluer sa commune que de rester à l’Assemblée Nationale en se déconnectant de sa base ? Personnellement je serais surpris de voir Ousmane candidat pour la Mairie de Gaoual ou l’autre Ousmane KABA pour la mairie ou région de Kankan quand on connait les avantages à l’assemblée. Par comparaison à la France, des grandes personnalités politiques ont choisi de servir leurs communes ou régions que de siéger à l’assemblée nationale comme l’ancien premier ministre Alain JUPE maire de bordeaux, Cristian ESTROSI président de la région PACA avant de revenir Maire de Nice, Xavier BERTRAND président de la région des hauts de France et entre autres. Alors ça serait bien de voir Cellou Dalein maire ou président de région à Labé, ou Sydia TOURE maire ou président de région à Boké, ou encore Abbé Sylla à Kindia ?

La proposition d’un projet développement économique et social au niveau local :

Les guinéens ont été habitués lors des élections à des promesses de campagne irréalisables par des hommes politiques alors qu’ils n’ont même pas les compétences nécessaires pour réaliser ce qu’ils promettent.

Alors la première règle que doivent appliquer les partis politiques c’est de proposer des projets faisables, d’expliquer les moyens matériels, financiers et humains avec lesquels ils vont les réaliser, et comment ils comptent le faire dans la limite de leurs compétences.

En résumé il faut retenir qu’il est impératif d’avoir une loi qui définit clairement les compétences transférées aux collectivités territoriales, les moyens matériels, financiers et humains misent à disposition, pour la réalisation de ces missions de service public.

Les moyens de financement d’un budget communal doit être prévus par le code général des collectivités locales, comme la création d’un impôt ou d’une taxe locale comme la taxe foncière unique pour tous les propriétaires, et d’une taxe d’habitation pour les locataires de la commune, de la dotation et subventions de l’État.

Les moyens matériels devraient être mis à disposition très rapidement afin de permettre aux agents municipaux d’entrer en fonction.

L’article 220 du CGCL n’est pas assez clair sur le statut des agents administratifs et techniques des collectivités territoriales ni sur leurs recrutements. Alors Il serait nécessaire d’avoir un statut de la fonction publique territoriale avec une grille salariale basée sur la fonction publique d’Etat, et d’un centre de recrutement et de formation pour l’administration locale. Ce qui permettrait d’avoir des agents publics qualifiés et recrutés dans le respect du principe d’égalité d’accès aux emplois publics, au moment où le chômage de masse des jeunes est plus qu’un enjeu sociétal.

Les communes devraient mieux organiser leurs territoires par l’aménagement urbain, semi-urbain et rural par l’indentification des personnes physiques et morales domiciliées ou exerçant une activité professionnelle dans la commune. Mais aussi de l’identification des espaces favorables à l’aménagement agricole pour des coopératives en milieu rural, industriel en milieu semi-urbain, touristique et commercial en milieu urbain. Ce qui faciliterait la réalisation des missions du services public et du développement local dans le respect des règles environnementales.

Ainsi pour faciliter la relation avec les citoyens, les communes devraient faire participer l’ensemble des chefs de quartier et de district lors du conseil municipal sans un droit de vote, mais dans le but de les informés des projets à venir ou de l’évolution des projets en cours.

Par ailleurs on déplore l’absence des juridictions administratives, censées régler les litiges opposant des personnes physiques ou morales à l’administration, ou d’interprétation de la loi. On déplore également l’absence de compétence locale en matière de gestion des services incendies et de secourismes (pompiers) quant on sait le nombre de sinistres et des accidents de la circulation ou domestiques observés en Guinée.

Les missions auxquelles devraient s’attaquer les nouvelles communes sont :

D’organiser ou réorganiser les services administratifs et techniques de la commune ;

L’organisation du circuit de nettoyage et ramassage des ordures dans les villes ;

D’assurer une communication régulière avec les citoyens et tout les médias ;

Faciliter l’accès à l’information ;

La réfection et bitumage des routes dans les quartiers ;

L’urbanisation de la commune en baptisant les rues, avenue et boulevard des communes pour mieux se repérer, et d’aménager des espaces commerciaux, touristiques, industriels et agricoles

Assurer le recensement des personnes physiques et morales de la commune ;

D’assurer ou faciliter l’aménagement des infrastructures de base dans les villes et villages de la Guinée (routes, écoles, centres de santé, eau et électricité).

La construction des logements sociaux.

La rénovation des infrastructures sociales existantes, et d’envisager de construire pour les quartiers qui n’en possèdent pas des infrastructures de sport et de culture.

Définir le plan de développement local conformément aux dispositions à l’article 561 du CGCL.

Les citoyens et les organisations de la société civile devraient également veiller au bon fonctionnement des administrations communales en dénonçant les actes de corruption, de détournement.
A défaut d’une prise de conscience de nos leaders politiques, les victimes devraient finalement prendre leurs destins en main en s’organisant pour mieux s’en sortir.

Tidiane DIALLO 

Consultant en Administration Publique

Perpignan France

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