Insécurité, climat des affaires, chambre du commerce… Cherif Abdallah à Guineematin (Interview)

L’insécurité dont sont victimes les guinéens, en particulier les opérateurs économiques, préoccupe de nombreux acteurs de la vie nationale. C’est le cas de l’homme d’affaires Chérif Mohamed Abdallah, président du Groupe Organisé des Hommes d’Affaires (GOHA). Il l’a dit à l’occasion d’une interview accordée à la rédaction de Guineemati.com dans l’après-midi du jeudi dernier, 25 janvier 2018. Avec Monsieur Chérif Mohamed Abdallah, il a également été question du manque d’investissement en Guinée, des questions liées à la mise en place de la chambre du commerce, des actions menées le GOHA depuis sa création, surtout dans la lutte contre Ebola…

Guineematin.com : aujourd’hui, l’insécurité est devenue grandissante, notamment chez les opérateurs économiques. Qu’est-ce qui explique cette persistance de l’insécurité ?

Chérif Mohamed Abdallah : c’est vrai que c’est une situation inquiétante. Pour le cas d’Elhadj Doura, on s’était même réuni à Matam, il n’y a pas longtemps, au bureau d’Elhadj Ousmane Baldé « Sans Loi ». On a regretté et même dénoncé cet enlèvement. Puisque ce n’est pas le premier ni le 2ème cas. On est au 17ème cas d’enlèvement d’un opérateur économique. On est en collaboration avec les forces de sécurité qui doivent faire mieux. Nous les organismes reconnus, nous devons travailler étroitement avec les services de sécurité tant à Conakry qu’à l’intérieur du pays. Nous devons agir en étroite collaboration avec les services de sécurité, avec le ministère de la justice et le procureur, je pense qu’on va trouver la solution pour que l’environnement soit bon. Je pense que c’est intéressant pour le gouvernement et pour les opérateurs économiques que la sécurité des gens soit assurée. Vous savez, les investisseurs qui ont envie de venir, ils s’informent toujours sur l’environnement des affaires avant de venir. Donc, le monde est devenu un village planétaire. Il y a les médias, le net et bien d’autres canaux d’information qui permettent de savoir ce qui se passe dans nos pays.

Guineematin.com : avez-vous des nouvelles d’Elhadj Doura, enlevé depuis plus d’un mois ?

Chérif Mohamed Abdallah : selon les informations que nous avons, il y eu beaucoup de personnes mises aux arrêts dans ce dossier. Donc, nous attendons et nous sommes derrières les forces de sécurité. Ils sont en train de faire des enquêtes et nous comptons beaucoup sur les forces de sécurité pour que la solution soit trouvée, pour qu’on puisse aller de l’avant. A chaque fois c’est des problèmes, il faut qu’on essaye de trouver des solutions, pour qu’on aille de l’avant. Aujourd’hui combien d’opérateurs économiques sont kidnappés à part Elhadj Doura. Récemment c’est le vice-président de la section du GOHA de Matoto, à l’occurrence Mohamed Aly Badara Diaby qui a été kidnappé avant d’être tué par ses ravisseurs. Et vous savez très bien que l’argent n’aime pas du bruit

Guineematin.com : récemment, le président Alpha Condé a rencontré des opérateurs économiques où ils ont parlé d’industrie et d’agriculture. Qu’est-ce qu’il faut aujourd’hui pour que les opérateurs économiques se lancent dans l’industrie et l’agriculture ?

Chérif Mohamed Abdallah : au sein du GOHA, nous avons des membres et des sympathisants. C’est rare de rencontrer un opérateur économique qui n’ait pas sa carte de membre du GOHA ou qui ne soit pas sympathisant du GOHA. Pour que les opérateurs économiques se lancent dans l’industrie, il y a des manques à combler. L’Etat doit faire des efforts pour qu’il y ait l’électricité. A cela, il faut ajouter la sécurité et les routes. Si ces conditions sont remplies, les opérateurs économiques guinéens pourront s’investir dans l’industrie et dans l’agriculture.
On veut bien nous lancer dans l’industrie, mais vous pensez que l’environnement est propice, il s’y prête à ça ? Une industrie, c’est d’abord l’électricité, mais elle où cette lumière ? Elle est saisonnière, la sécurité n’existe pas.

Guineematin.com : depuis sa création, qu’est-ce que le GOHA a apporté dans l’environnement des affaires en Guinée ?

Chérif Mohamed Abdallah : on a apporté beaucoup de choses. L’impact que nous avons eu, nous avons pu calmer ici des situations à des moments où le pays était au bord du chaos. En janvier et février 2007, il y a eu des pillages. Après, les meneurs de la grève s’étaient rendus au siège du GOHA pour échanger avec nous. A l’époque, nous avions pu calmer les gens pour ne pas qu’il y ait une guerre civile, pour ne pas que ça déborde. Nous avons canalisé tous les opérateurs économiques qui avaient été victimes des pillages, nous avons trouvé la solution. Ça c’est un exemple parmi tant d’autres. En 2010, nous avons pris les quatre coordinations régionales pour faire le tour de la Guinée, au lendemain du dépôt des candidatures pour la présidentielle. Cela visait à rencontrer les leaders pour les sensibiliser et leur remettre des documents relatifs aux pillages. C’est comme ça on a fait et de cette manière, on voulait que la tension baisse et que tous les problèmes soient résolus par le dialogue. Comme vous le savez, l’argent a peur du bruit, il fallait donc agir pour préserver la quiétude sociale. S’il y a l’instabilité, c’est les investisseurs locaux qui vont fuir et les investisseurs étrangers ne viendront pas. Même si par après, quand on a commencé à défendre les opérateurs économiques, on nous a qualifiés d’opposants. Par ailleurs, quand on a fait de l’assainissement dans les différents marchés, les gens avaient dit qu’on avait rejoint la mouvance présidentielle. Nous avons commencé nos activités il y a 16 ans de cela. Pratiquement, on a réalisé beaucoup d’actions avant même que le professeur Alpha condé arrive au pouvoir et avant que le chef de file de l’opposition ne se lance en politique. Donc, le GOHA maintient le cap.

Nous aussi menés plusieurs campagnes de sensibilisation dans le cadre le cadre de l’assainissement du climat des affaires. Mais vous avez, si nous les opérateurs économiques nous payons les taxes et les impôts en retour nous aussi nous avons des droits. Mais aujourd’hui regardez comment vivent et travaillent les commerçants en Guinée, regardez l’état dans lequel se trouve les marchés de la Guinée, même à Conakry ici, mais c’es déplorable.

Guineematin.com : vous vous étiez également impliqués dans la lutte contre l’épidémie à virus Ebola. Dites-nous ce qui avait été fait à l’époque par votre organisation.

Chérif Mohamed Abdallah : effectivement, pendant cette période les gens avaient vu ce que nous avions fait sur le terrain. Comme vous le savez, Ebola a joué négativement sur l’environnement des affaires en Guinée. Les opérateurs économiques nationaux ne pouvaient pas se rendre dans les autres pays pour leurs affaires, la plupart des frontières étaient fermées. J’ai pris l’initiative, avec les membres du bureau exécutif du GOHA et le conseil des sages, nous avons fait une déclaration. Nous avions dit aux opérateurs économiques de suspendre leurs activités économiques pour se consacrer à la lutte contre Ebola. J’avoue que cela a eu un impact considérable. Avec notre partenaire, l’UNICEF, nous avons distribué des kits sanitaires sur le terrain. Notre implication a permis de lutter contre la peur que le virus inspirait aux villageois ou autres. Au moment où on s’attaquait aux véhicules de la Croix Rouge, notre organisation avait été très bien reçue à Boffa avec la présence de représentants de toutes les sous-préfectures. On a été accueilli dans la grande mosquée où on a fait des prières et des bénédictions. A partir de ce jour, toutes les délégations qui venaient à Boffa étaient bien reçues par les habitants. Nous avons fait le même travail à travers les frontières de la Guinée. C’est dans ce cadre que les bissau-guinéens ont compris note démarche et nous avions fait le nécessaire pour rétablir la confiance. C’est les mêmes actions que nous avions faites au niveau des autres frontières, la Côte d’Ivoire, la Sierra Léone. Au niveau national, on a fait nos preuves dans les mosquées, les églises, les écoles. Il n’y a pas une seule entité qui peut dire ce qu’elle a fait ce que le GOHA n’a pas fait dans la lutte contre Ebola. Les gens étaient réticents dans de nombreux endroits, personne n’avait confiance. Mais, nous avons fait des actions à Mali Yembérein et cela a pu lever les doutes que les gens avaient. Nous avons l’ensemble du territoire dans le cadre de la lutte contre la maladie à virus Ebola. Le GOHA a été l’initiateur du système de transbordement entre la Guinée et le Sénégal à la frontière à Bhoundoufourdou au plus fort de cette épidémie. Des Kits sanitaires ont été également fournis aux postes frontaliers de Kandika dans un premier temps. Ensuite ces postes ont été équipé en tante pour servir abriter les agents sanitaires, des matériels bureautiques, des postes téléviseurs plats 60 pouce, des groupes électrogènes, des ordinateurs, des imprimantes, des fauteuils, des chaises plastiques, des balaies, des serpières, des clefs internet etc. Les mêmes matériels ont été fornis aux postes de Sambailo, dans Koundara, à Nongoa dans Guékédou, à Badiaro, Kotizou et Zénié dans Macenta, à Yalenzou dans N’Zérékoré, à Thuau, et Manasoba dans Lola, à Ganta dans Beyla, à N’Guessa Woula dans Tougué, à Pamelap dans Forécariah sans oublié les séances de formation organisé à l’intention des agents des postes frontaliers.

Des Kits sanitaires ont été également fournis à ces postes frontières et à toutes les communautés des différentes localités telles que : Sambayâbhê à Popodara dans la préfecture de Labé, à Mali, Tougué, Koundara, le centre-ville de Labé, Pita, Dalaba, Koudia, Mamou dans le centre-ville, dans les localités, Soya, Bertéya, Woukaba, à Faranah, Kindia, Coyah, Forécariah, Dubréka, Fria, Boffa, Boké, Gaoual, Télémilé, Siguiri etc. Nous aussi distribuée des kits de lavage des mains les commissariats de polices, des escadrons de gendarmeries, des palais de justices, des écoles coraniques, des établissements scolaires, dans les marchés, dans les médias, dans les mosquées, des églises, dans les gares routières et ce Conakry à l’intérieur du pays.
Le groupe organisé des hommes d’affaires a également des séances de sensibilisations dans ces localités.

Guineematin.com : aujourd’hui, il y a des difficultés chez de nombreux opérateurs économiques, d’autres même sont presqu’en faillite. Comment peut-on expliquer cet état de fait ?

Chérif Mohamed Abdallah : c’est vrai, il y a beaucoup d’hommes d’affaires qui vivent de nos jours de moments difficiles. Cela est du à plusieurs raisons. On peut dire que les dettes sont énormes par rapport au budget des opérateurs économiques guinéens. Il faut dire que les taxes à l’impôt et à la douane sont très chères. A cela s’ajoute l’insécurité. Parce que, l’insécurité qu’on est en train de vivre maintenant là, on ne l’avait pas connu. Il ne faut se voiler la face. Vous savez, tous les mouvements qu’on a connus avant Ebola, ont porté un coup sérieux sur les opérateurs économiques. Cela a causé des pertes énormes. Ensuite, Ébola est venu. On ne donnait presque plus de visas aux opérateurs économiques guinéens. Quand Ebola est parti, les évènements politiques ont repris. Mais, où on va dans ce pays ? Moi, je suis à Conakry depuis 1990. On ne peut passer 6 mois sans qu’il y ait des manifestations ou des troubles. Ce n’est pas seulement lié au régime du professeur Alpha Condé. On l’a remarqué depuis le temps du général Lansana Conté.

Guineematin.com : la mise en place de la chambre du commerce connait toujours des difficultés. Un mot là-dessus ?

Chérif Mohamed Abdallah : dans les conditions normales, ça ne devrait pas être compliqué de mettre en place la chambre nationale du commerce. Pour l’élection à la base, on devait informer les organisations faitières telles que le GOHA, avec des membres qui sont en activité. Parce que nous au GOHA, c’est les industriels, les commerçants, les détaillants, les tabliers, les cireurs de chaussures, les artisans. Tout le monde doit être réuni. Quand vous prenez la composition actuelle, vous allez comprendre que ce n’est pas le cas. Si on veut que ça soit vraiment propre, on doit faire une élection propre à la base, faire le consensus. Mais, nous n’accepterons jamais quelqu’un d’autre qui ne parlera pas à notre nom. Nous détenons des dossiers de certains opérateurs économiques nettement tordus et qui veulent être à la tête de la chambre du commerce. Mais, nous sommes prêts à aller à un consensus, discuter avec les uns et les autres et les autres et mettre la chambre de commerce en place.

La rédaction de Guineematin.com

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