Médias : « La Guinée est en avance sur le plan du droit en ce qui concerne la presse », dit le juriste Alhasane MAKANERA

L’humanité célèbre ce jeudi, 03 mai 2018, la journée de la liberté de la presse. Une journée qui devrait être mise à profit pour évoquer les défis et contraintes des professionnels de la plume et du micro. En Guinée, cette célébration intervient dans un contexte de crise sociopolitique liée à la gestion du contentieux électoral lors des élections locales du 04 février dernier.

Dans cet entretien, Idiatou CAMARA et son invité Docteur Alhasane MAKANERA KAKE, juriste et enseignant chercheur à l’Université Général Lansana CONTE de Sonfonia, parlent de la place et du rôle des médias dans la consolidation de l’État de droit en Guinée.

Décryptage !

Dr MAKANERA quels sont les textes qui consacrent la liberté de la presse en Guinée ?

Pour vous répondre, je dirai que la constitution guinéenne en son article 7 consacre la liberté de la presse, cet article mentionne expressément cette liberté. Il y’a aussi la loi sur la dépénalisation des délits de presse que l’assemblée nationale vient de voter. Il faut dire qu’en matière d’encadrement juridique, le Sénégal dont on vante souvent  les mérites, n’avait pas à cette époque sa loi sur cette question. Donc en dépit des nombreuses contraintes subies par les médias, la Guinée est en avance en matière d’encadrement juridique et de protection des journalistes.

Quelle est aujourd’hui la place des médias dans la consolidation de la démocratie et de l’État de droit dans le monde et en Guinée ?

Sans médias pour moi il n’y a pas de liberté, de démocratie, et sans démocratie on ne peut pas parler d’État de droit. En ce qui concerne la Guinée, la socialisation politique, de l’éducation civique, la connaissance des valeurs républicaines, bref la démocratisation, ils participent donc sérieusement et conséquemment à la consolidation de la jeune démocratie guinéenne. Il faut remonter à 2005, les médias publics étaient décriés, mais aujourd’hui cette image a changée.

Même dans la gestion et l’administration de la presse qu’on n’aimait pas avant, je parle des médias de service publics, notamment la Radio-Télévision Guinéenne (RTG), il y a une grande amélioration dans ce sens. Les gens regardent tous les soirs et écoutent les médias de service publics.

Dans notre pays, il y’a deux sources répandues pour s’informer, on vous dit souvent, le Président de la République a dit, et les médias ont dit, ce qui se dit dans les médias, ce sont des paroles d’évangile. Avant c’était la révolution, mais aujourd’hui depuis plus de 10 ans maintenant, il y’a les médias privés, on a donc le choix et on dit ce que nous pensons. L’impact des médias est extraordinaire je l’avoue, mais vous savez on mesure à long terme et pas dans l’immédiat ce que les médias apportent, comme pour tous les actes posés dans l’évolution de nos sociétés.

Que reprochez-vous à la presse nationale de votre pays?

C’est une bonne question, et je dois être franc avec vous en disant que la presse guinéenne doit se former, se professionnaliser davantage. Lorsque nous écoutons les radios privées surtout avec les fautes inacceptables on a du mal à vous suivre. Ensuite il y’a le fait que la grande majorité des journalistes ont été formés sur le tas sans passer donc par une école de journalisme. Il faudrait que l’État pense à multiplier les écoles de journalisme, parce que pour l’instant tout le monde n’a pas accès, et les écoles ne sont pas partout dans le pays. Il y’a aussi des journalistes qui en vérifient pas leurs sources, qui se focalisent sur des rumeurs et cela est très dangereux.

Un message à l’occasion de cette journée de célébration ?

A l’État de contribuer au renforcement des capacités des médias, de continuer à protéger les droits des journalistes. Ensuite, ces subventions annuelles qu’il octroie aux médias, ce n’est pas une mauvaise chose en soi, mais je crois qu’au lieu de financer ou de subventionner des organes de presse on devrait les orienter vers la formation des journalistes parce qu’il y a un réel besoin de formation des journalistes Guinéens.

Je demande aux journalistes eux aussi de donner des bonnes informations, vérifiées, d’éviter les rumeurs, de refuser  d’être à la solde des politiques, qu’on ne les manipule en les faisant dire ce qu’ils veulent entendre. Je voudrais dire d’être professionnels  en respectant l’éthique et la déontologie. En procédant ainsi c’est toute la Guinée qui gagnera.

Idiatou CAMARA

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