Accord Guinée- Sénégal : Macky Sall expulsera-t-il les opposants d’Alpha Condé exilés à Dakar ?

Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno au sortir de la Maison centrale
Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno au sortir de la Maison centrale, le 13 mars 2020

L’assemblée nationale guinéenne a ratifié le dimanche dernier un accord de coopération militaire et technique avec le Sénégal. Cet accord avait été signé le 19 juin par les présidents Alpha Condé et Macky Sall en marge d’une session de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) à Accra.

Ledit accord porte sur 12 points dont, entre autres, la sécurisation conjointe des frontières, la non utilisation du territoire de l’une des parties contre les intérêts de l’autre, la lutte contre la criminalité transfrontalière.

Les termes de cet accord suscitent à la fois commentaire, interprétation et inquiétude. Pour nombre de commentateurs, la Guinée, forte de cet accord, pourrait exiger et obtenir l’expulsion de certains exilés politiques qui ont trouvé refuge dans ce pays après la présidentielle controversée du 18 octobre 2020, suivie d’une purge contre les opposants au troisième mandat. On parle notamment de Sékou Koundouno et d’Ibraima Diallo. Lesquels pourraient faire les frais de l’accord obtenu par Conakry et que le pouvoir guinéen brandirait pour mettre la pression sur le Sénégal. Pure imagination et spéculation pour les uns. Réel motif d’inquiétude pour les autres.

Ceux qui estiment que le Sénégal n’aura pas le choix que de céder devant une éventuelle pression de son voisin ont pour argument que de la même manière que la Guinée a obtenu la signature d’un accord qu’on pourrait interpréter comme de « non-agression », de cette même manière elle pourrait obtenir l’expulsion de ceux dont la présence à Dakar n’est pas de son goût. Les autres rétorquent que c’est mal connaître le Sénégal que de penser qu’il dérogera à une règle qui a fait sa réputation.

Dans  tous les cas, la Guinée et le Sénégal ne sont pas à leur premier différend en ce qui concerne la présence d’opposants guinéens dans la capitale sénégalaise. Depuis notre indépendance, ceux qui ne sont pas en odeur de sainteté avec le régime de Conakry trouvent refuge à Dakar. De tous les temps, les opposants se sont succédé au pays de la Teranga, y compris un certain Alpha Condé ou plus loin dans l’histoire le célèbre écrivain Camara Laye.

D’ailleurs, parmi les raisons qui font que Sékou Touré prenait le président Léopold Sédar Senghor comme un ennemi, il y avait surtout la présence de ses opposants à Dakar. Comme on le sait, la fermeture de la frontière entre les deux pays est récurrente. On rapporte que durant la révolution, certains guinéens qui traversaient cette frontière étaient abattus comme du gibier. Leurs dépouilles charcutées par les charognards. Dans certaines régions frontalières, des administrateurs trop zélés avaient demandé de sentir l’odeur des « traitres » abattus à la frontière.

Bref, ce n’est pas la première fois que la situation est tendue dans cette partie du continent. Ce n’est pas la première fois non plus que la Guinée exigera du Sénégal l’expulsion de ses opposants. Mais, les différents chefs d’Etat sénégalais y ont toujours opposé une fin de non-recevoir. Ce qui fait dire certains observateurs que Macky Sall pourrait difficilement accepter aujourd’hui ce que ses prédécesseurs ont refusé hier.

En outre, les présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf ont débouté Conakry par conviction personnelle. Or, depuis leur départ du pouvoir, la donne a quelque peu changé au Sénégal. Depuis 2000, une société civile plus active et plus exigeante a émergé. Une expulsion des opposants au régime de Conakry susciterait une véritable levée de boucliers et une vaque d’indignation que le régime sénégalais, déjà fragilisé par les dernières manifestations, ne pourra pas maitriser. Bref, c’est un risque que Macky Sall n’osera pas prendre.

Toutefois, on pourrait s’attendre à ce que le Sénégal demande à ses hôtes encombrants d’être plus discrets pour éviter les courroux de Sékoutouréya. Il y a un précédent qui donne de l’espoir aux familles de Diallo et Koundouno. Même Hissène Habré, pourtant accusé de crime contre l’humanité, n’a pas été expulsé par le Sénégal. Or, le duo Ibrahima Diallo et Sékou Koundonou n’a pas fait mal même à une mouche, à plus forte raison à un citoyen de la Guinée. Au contraire ! Ils sont considérés par beaucoup de leurs compatriotes et même au-delà comme étant des jeunes engagés, des citoyens modèles qui pouvaient tout avoir en monnayant leur engagement citoyen. Mais, qui ont pris le risque de combattre le troisième mandat et de défendre la Constitution de leur pays à leur risques et périls, Donc, ce sont des héros aux yeux de la plupart des citoyens guinéens et africains.

Habib Yemberig Diallo pour Guineematin.com

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