Comment protéger les enfants contre les maladies hivernales ? Dr Niane Harissatou, pédiatre, à Guineematin

Dr Niane Harissatou, médecin spécialiste en pédiatrie
Dr Niane Harissatou, médecin spécialiste en pédiatrie

Quand vient l’hivernage, viennent aussi le paludisme, le rhume et autres maladies qui n’épargnent pas les enfants de moins de 5 ans. Une situation qui inquiète non seulement les parents, mais aussi les médecins. Pour savoir davantage sur les moyens de se prémunir contre les maladies hivernales, un reporter de Guineematin.com est allé à la rencontre de Dr Niane Harissatou, pédiatre en service à l’Institut de Nutrition et de Santé de l’Enfant (INSE) de l’Hôpital national Donka.

Entretien !

Guineematin.com : 1- Dr Niane, nous sommes en pleine saison des pluies actuellement. Une période durant laquelle les maladies hivernales sont fréquentes surtout chez les enfants. Parlez-nous des dangers liés à cette situation ?

Dr Niane Harissatou : les grandes pluies auxquelles nous assistons ont des impacts négatifs sur la santé des enfants, surtout de moins de 5 ans, qui constituent le groupe le plus vulnérable. Parmi les maladies, il y en a qui sont transmissibles épidémiques ou endémiques et celles qui ne sont pas transmissibles, qui ne sont pas liées à un vecteur comme l’eau.

Parmi les maladies transmissibles, il y a le paludisme. Selon les données de l’OMS, 9 enfants sur 100 meurent dans le monde chaque année et parmi eux 37% sont imputables au paludisme, la pneumonie et aux maladies diarrhéiques. Donc, c’est autant vous dire combien le paludisme tue dans le monde, surtout en Afrique. Comme je vous le disais, il y a également certaines maladies endémiques, comme les maladies diarrhéiques que nous rencontrons aussi souvent chez nous. Et cette dernière, elle est le plus souvent liée à une eau qui est souillée, non potable. Si nous prenons par exemple le paludisme qui est l’une des maladies très fréquente en Guinée, elle connaît une recrudescence pendant
l’hivernage à cause des eaux qui stagnent dans les caniveaux ou dans d’autres réservoirs. Ce sont ces réservoirs qui permettent aux moustiques de se multiplier en favorisant la reproduction. Sachant que le paludisme est dû à la piqûre de moustiques, on comprend donc mieux pourquoi il y a la recrudescence de cette maladie au cours de la
saison des pluies.

Pour les maladies diarrhéiques, comme je l’ai dit plus haut, elles sont souvent transmises à travers les aliments souillés à l’eau de boisson contaminée et aussi à travers les mains sales.

Parmi les maladies transmissibles, il y en a qui n’ont pas besoin de vecteurs, qui ne se transmettent d’homme à homme. C’est le cas des infections broncho-pulmonaires, ou des infections respiratoires qui touchent les bronches et les poumons. A titre d’exemple, nous avons l’asthme, les broncho-pneumonies. Ces infections surviennent et sont beaucoup accentuées pendant la saison des pluies. Donc, en raison de la pluie, on constate la recrudescence de la crise d’asthme qui est une affection chronique due à l’allergie. Elle est souvent déclenchée par certains facteurs tels que la moisissure dans la maison au cours de la saison des pluies, l’humidité, des odeurs fortes telles que l’encens ou tout ce qui provoque les rhinites. Ceci pour dire qu’au cours de la saison des pluies, ces femmes qui aiment beaucoup brûler l’encens parce qu’elles estiment qu’il faut dégager les odeurs, ou les spiralés ou laisser les enfants sortir sous la pluie, les exposent sans se rendre compte. Tous ces facteurs surviennent plus fréquemment durant la saison des pluies.

Toujours dans le même groupe, nous avons la drépanocytose qui est une maladie chronique liée à une anomalie sanguine transmise des parents aux enfants et se manifeste souvent par des douleurs osseuses, thoraciques et abdominales. Cette dernière se manifeste souvent au cours de la saison des pluies par des crises qui sont parfois déclenchées quand l’enfant est exposé à la fraicheur. Donc, pendant cette saison, les crises des drépanocytaires sont accentuées. C’est dans le même sens les maladies de rhumatisme articulaire aigu.

A côté de ces maladies transmissibles et non transmissibles que j’ai citées tantôt, nous avons également la maladie qu’on appelle le pied d’athlète qui survient quand les enfants marchent dans les boues, sous les pluies qui tombent avec les eaux usées, ils traînent leur pied qui restent longtemps en contact avec ces eaux et ça peut donc se surinfecter et entraîner des plaies. Dans ce cas, l’enfant a du mal à porter des chaussures ou à marcher. Donc, en résumé, voilà l’impact de la pluie par rapport à ces maladies chez les enfants de moins de 5 ans.

Guineematin : Comment peut-on éviter ces maladies ?

Dr Niane Harissatou, médecin spécialiste en pédiatrie

Dr Niane Harissatou : Bien entendu, on peut les éviter sachant déjà comment elles se transmettent, ou se déclenchent on peut vraiment éviter la plupart de ces maladies en occurrence ces maladies chroniques. On peut prendre des dispositions pour minimiser un peu les crises rapprochées. Si nous prenons par exemple le paludisme, qui se transmet par la piqûre du moustique, on peut l’éviter en essayant de dormir sous la moustiquaire. En Guinée, dans le protocole national, chaque femme qui tombe en état de famille a droit à une moustiquaire dans un centre de santé. Ces moustiquaires imprégnées sont là dans le cadre de la prévention du paludisme chez les femmes enceintes et les enfants.

A part cela, on peut également éviter le paludisme en éloignant les gites d’eaux ou en nettoyant autour de la maison, en désencombrant les alentours, en éliminant les eaux stagnantes où les moustiques aiment pondre et se reproduire. C’est déjà un autre moyen d’éviter le paludisme.

Pour ce qui est des maladies diarrhéiques, les mamans doivent se battre pour que leurs enfants consomment de l’eau potable, les aliments bien cuits mais aussi s’accentuer beaucoup sur l’hygiène avec le lavage de mains avant chaque repas. Laver les mains avant de faire la cuisson, le lavage des mains après selles avec de l’eau et du savon. Je pense bien que c’est en effectuant ces gestes qu’on peut bien évidemment minimiser les risques d’attraper ces maladies
diarrhéiques. Si on n’a pas les possibilités d’acheter de l’eau minérale au moins on peut avoir des possibilités d’acheter du Sur’eau pour ajouter à l’eau afin de la rendre potable. Il faut désinfecter les crudités, il faut les laver avec de l’eau et du savon avant de les donner en consommation aux enfants.

Pour certaines maladies chroniques dont on a parlé, par exemple la drépanocytose; faire un bon suivi de l’enfant par un pédiatre en respectant les consignes données par celui-ci. En plus, également penser à protéger ces enfants de la fraîcheur en les faisant porter des habits longs, des chaussettes et bien les hydrater, ceci pourrait aider à minimiser les crises drépanocytose.

Pour les affections respiratoires telles que l’asthme, on peut également aider à minimiser les crises d’asthme, par exemple, en évitant de brûler l’encens ou des odeurs à l’intérieur de la maison, en désencombrant la maison surtout là où l’enfant passe plus de temps ; nettoyer la moisissure, donner un espace à l’enfant où il pourrait respirer de l’air frais ; ne pas laisser les enfants sortir sous la pluie.

Guineematin.com : Pendant ce mois d’août pouvez-vous nous dire le nombre d’enfants que vous avez reçus en lien avec les maladies que vous venez de citer ? Est-ce que ce chiffre est grandissant comparativement à l’année dernière ?

Dr Niane Harissatou : Je n’ai pas préparé les statistiques mensuelles mais durant ces deux à trois derniers mois (fin juin, juillet et août), nous avons reçu beaucoup d’enfants en consultation. De 40 consultations, on est allé à 60 consultations journalières pédiatriques. C’est énorme ! Et dans la plupart de ces consultations, c’est des cas de paludismes, de maladies diarrhéiques, d’infection respiratoire en gros. Et parmi eux, il y a beaucoup d’enfants asthmatiques, de drépanocytaires. Et c’est vraiment inquiétant.

Sachant ce que nous traversons dans notre pays avec le panier de la ménagère, la cherté de la vie, les difficultés socio-économiques, je pense qu’on peut bien accentuer la prévention.

Guineematin.com : Quels sont vos conseils en tant que médecin à l’endroit des parents ?

Dr Niane Harissatou : Je dirais aux mamans de bien faire dormir les enfants sous les moustiquaires imprégnées, d’assainir leurs maisons et alentours, d’éviter tous les gîtes d’eaux, de maintenir l’hygiène des mains, de donner de l’eau potable en boisson aux enfants, de laver toutes crudités avant de les donner à manger aux enfants mais aussi de protéger les enfants qui sortent sous les pluies. Donc, tous ces facteurs sont à prendre en compte pour minimiser vraiment ces infections et ces affections pendant la saison des pluies.

Interview réalisée par Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

Tel : +224 622 07 93 59

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