Concertation avec le CNRD : Me Emmanuel Kpana Bamba entre dénonciations et propositions

Me Emmanuel Kpana Bamba, président de la LIGUIDHO (ligue guinéenne des droits de l’Homme)
Me Emmanuel Kpana Bamba, président de la LIGUIDHO (ligue guinéenne des droits de l’homme)

Venu allégrement au palais du peuple ce mercredi, 15 septembre 2021, pour prendre part à la concertation avec le CNRD (comité national de rassemblement et du développement), Me Emmanuel Kpana Bamba, président de la LIGUIDHO (ligue guinéenne des droits de l’homme) dit être resté sur sa faim après le tête-à-tête avec le colonel Mamady Doumbouya (le président du CNRD). L’avocat déplore « un échec organisationnel » qui a empêché les défenseurs de droits de l’homme de prendre la parole pour exprimer leurs préoccupations devant la junte militaire. Mais, en dépit de cette frustration, Me Emmanuel Kpana Bamba a fait des propositions au CNRD. Il a notamment mis l’accent sur la répression des crimes financiers et des crimes de sang. Et, sur ces questions, le président de la LIGUIDHO souhaite que le CNRD fouine chez les dignitaires des régimes de Conté à Condé, en passant par la transition de 2009.

Lisez !

« Laissez-moi vous dire que je salue l’initiative d’associer la société civile à  cette concertation nationale pour une bonne transition en Guinée. Malheureusement, vous voyez tout ce nombre pléthorique qui n’a pu, dans sa totalité, accéder dans la salle. Certains sont restés dehors ; et donc, le temps qui était imparti pour la société civile était scindé en deux. Ainsi, nous qui étions dans la salle, nous n’avons que quelques minutes pour des centaines de personnes qui étaient dans la salle. Donc, les gens ont craqué. On a trié sur le tas une liste des gens qui étaient déjà connus d’avance qui devaient avoir forcément la parole. Donc, ceux qui devaient normalement avoir la parole pour se prononcer sur des questions de droits de l’homme et nous autres, nous n’avons pas eu droit à la parole. Nous l’avons demandé, malheureusement on nous a dit que le temps imparti a expiré. Il fallait sortir pour qu’un autre groupe puisse entrer. Donc, si nous saluons l’initiative d’associer la société civile à la concertation nationale, j’avoue que nous sommes restés sur notre faim quant à l’organisation de la conduite de cette concertation aujourd’hui. C’est une première expérience, je pense qu’ils (les militaires) doivent tirer la leçon de cet échec-là, puisqu’il faut le nommé ainsi, pour qu’à l’avenir on ne puisse pas inviter des milliers de personnes tout en sachant qu’on n’aura pas droit à la parole.

Maintenant, nous avons un message pour la junte. Si nous avions eu droit à la parole, nous voudrions demander deux grands axes d’intervention de la transition: la lutte contre l’impunité des crimes économiques et la lutte contre les crimes de sang… Donc, il faut mettre l’accent sur le cas de détournement de deniers publics pour que les avoirs de l’Etat qui sont détournés et cachés en Guinée et à l’étranger soient dénichés et ramenés dans les caisses de l’Etat.

Il faut faire en sorte que tous ceux qui ont commis des crimes de sang, qui ont tué et torturé, répondent devant leurs actes.  Voilà les attentes de la société civile en matière de droits de l’homme. Malheureusement,  comme je l’ai dit, nous n’avons pas eu la chance de nous exprimer. Sinon, nous avons deux maîtres mots de notre message à l’endroit des nouvelles autorités : le renforcement des capacités de la justice pour qu’elle puisse pleinement jouer son rôle. Lorsqu’on est brimé dans ses droits, c’est vers la justice qu’on va. Si cette justice a des tentacules qui ne tiennent pas, on ne peut répondre aux attentes de la population en matière de promotion et de protection des droits de l’homme.

Le deuxième mal qu’il faut combattre dans ce pays, c’est l’impunité. Il ne faudrait pas que les autorités transitoires aient peur de quelqu’un parce celui-ci a une position dans la société. Et, donc, le bon exemple doit commencer par là-haut et se limiter en bas. Ça veut dire que si on doit mener la lutte contre l’impunité, ça doit commencer par des personnes qui occupent ou qui occupaient des plus hauts postes dans ce pays. C’est en ce moment que le bas peuple va croire en cette transition, en ces militaires. Donc, si on commence par épingler les petits Mamadou, excusez-moi du terme, ça ne va pas aller. Il faut lutter contre l’impunité en commençant par les hauts dignitaires des régimes de Conté à Condé, en passant par la transition de 2009. Parce que pendant cette transition, des gens se sont enrichis.

Nous ne voulons pas que pour cette transition qu’on impose un calendrier trop court. Parce que pour balayer cette maison de la Guinée qui est trop sale, il faut beaucoup  de balais, il faut  beaucoup de patience. Je ne dis pas non plus de donner trop de temps à cette transition, parce que  l’appétit vient en mangeant. Mais, il faut  qu’on pense à un délai raisonnable pour pouvoir régler un certain nombre de problèmes qu’on n’a pas pu régler depuis l’indépendance jusqu’à nos jours », a indiqué Me Emmanuel Kpana Bamba.

Propos recueillis par Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Guineematin.com

Facebook Comments Box