Dalakan (Mandiana) : risque d’affrontement à la frontière guinéo-malienne

Mamady Diakité, président des ressortissants de Dalakan à Conakry

L’alerte a été donnée le samedi dernier, 23 janvier 2021, par le président de l’association des ressortissants du district de Dalakan à Conakry. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com, Mamady Diakité a expliqué que les populations de Dalakan (République de Guinée) et celles de Siradjouba (République du Mali) sont actuellement en mauvais terme ; et, chacune d’elles se prépare à en découdre. Et, pour cause, « l’arrestation et l’emprisonnement arbitraire » de cinq habitants de Dalakan par des agents maliens de sécurité. Les cinq prisonniers ont déjà été libérés ; mais, leur interpellation a attisé un conflit qui dure depuis 1993 et qui a déjà fait des morts lors des précédents affrontements entre les deux communautés frontalières de la Guinée et du Mali.

Selon nos informations, les terres qui font objet de ce vieux conflit entre Guinéens et Maliens se trouvent à la rive droite du fleuve Sankarani. Et, c’est de ce côté que se trouve le village malien de Siradjouba (sous-préfecture de Gbélékoro, préfecture de Yanfolila, situé à environ 250 km au sud de Bamako, dans la région historique et culturelle du Wassoulou). Mais, les habitants du district guinéen de Dalakan (qui relève de la sous-préfecture de Morödou, préfecture de Mandiana) se sont toujours considérés être propriétaires de ces terres. Et, cette paternité n’avait jamais été contestée, avant 1993, année à laquelle un important gisement d’or y a été découvert.

« Dalakan est un village qui existe depuis 1880, avant Samory Touré (empereur du Wassolon et résistant à la pénétration coloniale française en Guinée). Il est situé à 10 kilomètres de Siradjouba. De leur existence jusqu’en 1993, ces deux communautés vivaient en bonne intelligence et dans une cohabitation pacifique, puisqu’il n’y a jamais eu de conflit autour des terres cultivables. Et, pendant tout ce temps, Dalakan était tributaire de la rive droite en termes d’activités agricoles et autres. Toutes les activités économiques du village se font là. C’est en 1993 après la découverte d’une réserve en or que les hostilités ont commencé. Les habitants de Siradjouba (Mali) ont commencé à convoiter la zone riche en or. Le malentendu a commencé à Gbéila dans une zone cultivable de Dalakan où il y a eu même mort d’hommes. En 1996, ils (les habitants de Siradjouba) sont revenus nuitamment incendier nos greniers, nos champs, en détruisant nos pirogues dans le but d’empêcher nos parents de traverser le fleuve. C’est après ce drame que le feu président général Lansana Conté à l’époque dépêché une mission à Dalakan pour remettre aux populations sinistrées une enveloppe symbolique et partager des vivres à nos parents. Depuis lors, les conflits se sont enchaînés et les deux États (Guinée et Mali) sont aussi en quête de solution pour matérialiser la frontière entre les deux pays. En 2008, le ministre guinéen de l’administration du territoire et de la décentralisation a rencontré les autorités maliennes pour tabler sur cette épineuse question. Une commission mixte avait alors été mise en place pour effectuer une recherche documentaire en termes de cartographie, avant de procéder au bornage des deux frontières. Ces recherches ont eu lieu en Guinée, au Mali et en France », a expliqué Mamady Diakité.

A en croire notre interlocuteur, cette démarche des autorités guinéennes et maliennes avait jusque-là calmé les adversités. Mais, ces dernières semaines, l’arrestation et l’emprisonnement cinq habitants de Dalakan par des agents de sécurité maliens ont exacerbé les tensions entre les deux communautés frontalières.

« Aujourd’hui la tension est encore vive entre les districts de Dalakan et Siradjouba. Pour cause, il y a un peu plus d’une semaine, 5 citoyens de Dalakan ont été arbitrairement arrêtés dans leurs propres champs, derrière le fleuve, par les agents des forces de l’ordre maliennes et emprisonnés à Yanfoila (Mali), avant d’être relâchés. Leur crime était d’avoir couper des arbres pour préparer la saison. Suite à cet incident, une délégation préfectorale s’est rendue à Dalakan pour aller faire le constat sur place. Cette visite de terrain s’est mal tournée. La délégation du préfet de Mandiana a été surprise de se voir pris à partie par l’armée malienne postée sur le site. Au cours de cette attaque, cinq motos appartenant aux habitants de Dalakan, une machine de détection d’or et un téléphone portable ont été saisis. Ces événements ont poussé nos parents à se préparer conséquemment contre Siradjouba ; et, vis versa. Donc, ça a fait une semaine que les deux communautés se guettent, elles sont prêtes à en découdre. Donc, il y a un véritable risque d’affrontements, si rien n’est fait », a confié Mamady Diakité.

Compte tenu de la situation actuelle, le président de l’association des ressortissants de Dalakan à Conakry demande aux autorités guinéennes de s’employer davantage pour la résoudre qui a tout l’air d’une bombe à retardement. Cependant, à défaut de trouver une solution pacifique à ce problème, Mamady Diakité souhaite que l’Etat guinéen renforce son PA qui se trouve sur place afin de préserver les citoyens et le territoire guinéen à Dalakan.

« Nous, fils ressortissants de Dalakan, invitons toujours les autorités guinéennes à prendre cette affaire très au sérieux. Parce que les maliens estiment que c’est le fleuve qui les sépare de la Guinée. Ce qui n’est pas vrai. Un conflit qui date depuis des décennies, quand ça éclate, ça va faire vraiment mal aux deux communautés, surtout à celle de Dalakan, vu que les maliens eux sont protégés et soutenus par leurs gendarmes et militaires qui sont même armés. Tous les accords signés auparavant entre les deux États ont été respectés par Dalakan. La preuve en est qu’on n’a jamais attaqué jusqu’ici ne serait-ce qu’un champ de Siradjouba. Mais, ce sont eux en quête de l’or qui s’attaquent souvent à nos domaines. Alors, nous demandons à l’État guinéen de renforcer le PA qui est à Dalakan pour qu’en cas d’accrochage qu’il puisse aussi défendre non seulement les citoyens guinéens qui y vivent, mais aussi défendre l’intégrité de cette partie du territoire guinéen. Nous demandons également la mise en place d’une patrouille mixte pour permettre à nos parents de vaquer librement à leurs occupations jusqu’à la matérialisation de la limitation de la frontière entre ces deux pays », a lancé Mamady Diakité.

Malick Diakité pour Guineematin.com

Tél. : +224-626-66-29-27

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