Dar-Es-Salam : la pathétique vie des déguerpis, sans abris

Mabinty Camara et ses enfants n’avaient que la maison comme seul bien laissé par son défunt mari. Aujourd’hui, ils sont devenus des sans abris chez eux à Dar-es-Salam, parce que le Gouvernement a détruit leur maison. Ils n’ont plus où aller

Plusieurs jours après la démolition de leurs maisons, plusieurs familles déguerpies à Dar-Es-salam n’ont toujours d’abris. Vieilles personnes et enfants vivent encore sur les débris de leurs maisons, complètement rasées. Ils disent n’avoir nulle part où aller et promettent de rester sur les lieux aussi longtemps que le gouvernement refusera de les recaser ou les indemniser convenablement, a constaté un reporter de Guineematin.com qui s’est rendu sur place.

Pas de maison, pas de nourriture, pas de toilettes et même pas le moindre espoir. C’est la situation que vivent aujourd’hui plusieurs familles déguerpies à Dar es-salam, dans la commune de Ratoma. Sur les débris des maisons complètement rasées, on retrouve surtout des vieilles dames et des enfants. D’aucuns sont sous des arbres et d’autres ont érigé des abris de fortune. Après avoir perdu leurs habitations et leurs biens, ils y mènent une vie misérable et très pathétique.

Mme Mariétou Sylla

Madame Mariétou Sylla, l’une des dames que nous avons trouvées sur les lieux, se souvient encore de son arrivée dans la zone en 1984. « On a acheté notre terrain avec le chef de quartier d’alors du nom de Salifou Sylla. A ce moment-là, il n’y avait pas la décharge ici, il n’y avait aucune ordure. Je me suis débrouillée, avec mon commerce, à construire une grande concession ici où je vivais avec mes enfants qui sont, pour la plupart, petits. Mais aujourd’hui, on a perdu tout cela par la faute d’Alpha Condé.

Il nous a chassés pour vendre nos terres à des étrangers. Je suis là avec mes enfants parce qu’on n’a pas où aller. Il (le gouvernement : ndlr) nous propose une somme de 20 millions de francs guinéens par famille comme dédommagement ; mais, qu’est-ce qu’on peut faire avec 20 millions alors qu’on a perdu nos maisons et nos terres ? On ne va pas insulter Alpha Condé ; mais, on le laisse avec Dieu, on demande à Dieu de juger entre nous », témoigne cette vieille, en sanglots.

N’ayant ni maison encore moins de l’argent pour se trouver un logement, Madame Mariétou Sylla annonce qu’elle ne quittera pas les lieux jusqu’à ce que le gouvernement accepte de la recaser ou de l’indemniser comme il se doit. « Je suis assise sur les débris de ma concession, je ne suis pas prête à quitter ici. Même s’il pleut, je vais rester ici et attendre la personne qui osera venir avec un centimètre pour prendre des mesures ici.

La seule chose qui peut m’enlever ici, c’est si le gouvernement me donne une nouvelle maison ou alors il me tue. Je suis prête à braver la pluie, je suis prête même à mourir mais je ne suis pas prête à quitter ici comme ça, parce que je n’ai nulle part où aller. Dites à Alpha Condé que quiconque viendra ici avec un centimètre, il mourra ce jour avec moi », a-t-elle insisté.

Mme Mabinty Camara et ses enfants

Non loin de là, se trouve Madame Mabinty Camara, la soixantaine. Elle est assise avec plusieurs enfants sur les débris de sa maison. Après avoir perdu son mari et maintenant la seule maison qu’elle avait comme bien, cette dernière semble ne plus avoir du goût pour la vie. « On n’avait que cette maison comme bien. Aujourd’hui, Alpha Condé est venu nous mettre dehors et démolir cette maison. On n’a nulle part où aller, c’est pourquoi nous sommes encore sur les débris de notre maison. Alpha Condé a-t-il oublié que c’est une femme qui l’a mis au monde pour avoir pitié des femmes au moins parce qu’il n’a pas d’enfants ?

Alpha Condé n’a pas eu pitié des femmes et de leurs enfants, je prie Dieu aussi de ne pas avoir pitié de lui ! Il nous a jetés dehors, que Dieu le jette aussi dehors ! S’il veut qu’on quitte ici, il n’a qu’à nous trouver de nouvelles maisons ou alors trouver des terrains et nous donner l’argent pour qu’on puisse construire et habiter là-bas. Sinon, qu’il envoie alors les militaires, ils vont tirer sur nous, on va mourir et être enterrés ici. D’ailleurs, le cimetière n’est pas loin d’ici », souligne-t-elle.

Mme Mariama Barry

Comme ces dernières, Madame Mariama Barry n’a également pas où aller avec ses enfants. Ils tentent aussi de survivre dans « l’enfer » de Dar es-salam. « Là où je suis arrêtée, c’est ici où se trouvait notre concession. Nous sommes là depuis 24 ans. J’ai eu 4 enfants dans cette maison qui a été démolie. Nous vivons aujourd’hui à la belle étoile et à la merci des intempéries et des bandits qui commencent à venir voler nos objets parce qu’ils sont dehors. Quand la pluie tombe, nous nous abritons chez certains de nos voisins. S’il ne pleut pas, nous nous servons des cartons vides ou bien des morceaux de tôles pour nous coucher. Nous n’avons pas où aller et nos enfants n’étudient plus parce qu’ils ont perdu même leurs cahiers.

J’ai une fille qui doit faire le bac au lycée Bonfi et un autre enfant qui est candidat au BEPC à Fidel Castro ; mais, ils ont abandonné. Alpha Condé nous a tués et abandonnés. Alpha Condé nous a mis dehors pour que le monde entier nous voit. Il a envoyé des machines et des hommes en tenue pour nous gazer. Aujourd’hui, c’est les bonnes volontés qui nous donnent à manger même pour la rupture du jeûne. La pluie d’avant-hier a détruit tous nos objets. Alpha Condé nous a chassés en plein hivernage et pendant le Ramadan alors que nous sommes à jeûne. Mais nous laissons à Dieu puisque c’est lui seul qui peut juger entre les hommes », se résigne-t-elle.

Des pathétiques récits de ce genre existent à n’en pas finir aujourd’hui dans cette partie de la capitale guinéenne, où des citoyens ont été déguerpis, sans aucune mesure d’accompagnement, à cause d’une montagne d’ordures (la plus grande décharge publique de Conakry, ndlr). Jusqu’à quand ce drame va-t-il continuer ? Que deviendront les citoyens qui vivent encore dans la zone déguerpie dans des conditions les plus précaires possibles ? Ces questions restent, pour l’heure, sans réponses.

Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél. : 622 68 00 41

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