Des muezzins dénoncent la fermeture des mosquées : « c’est la plus mauvaise décision…»

Ibrahima Sally Bah, muezzin à la mosquée de Nongo Taady
Thierno Souleymane Diallo, vendeur de calendriers islamiques

A Conakry, la fermeture des mosquées n’est pas du goût des muezzins. Plusieurs d’entre eux se sont confiés à un journaliste de Guineematin.com sur ce sujet. Ils dénoncent une « mauvaise décision » qui impacte négativement leur vie.

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19 en Guinée, le président Alpha Condé a décidé de fermer tous les lieux de culte et d’interdire toutes les cérémonies religieuses dans le pays. Une façon d’empêcher les regroupements, qui peuvent favoriser la propagation de la maladie. Mais, cette décision est mal perçue par les muezzins de plusieurs mosquées de Conakry. C’est le cas de monsieur Mamadou Baïlo Diallo, muezzin à la grande mosquée de Bambéto. Selon lui, la mosquée est sa seule source de revenu. Maintenant que celle-ci est fermée, sa vie est devenue très compliquée.

Mouhamadou Baïlo Diallo, muezzin de la grande mosquée de Bambeto

« Actuellement, je vis de l’aide de mes proches. Avec la fermeture des mosquées, nous les muezzins nous menons une vie très difficile. Comme vous le savez, nous les muezzins, nous ne sommes pas pris en charge par quelqu’un pour ce que nous faisons. Donc, c’est seulement pendant les heures de prières, que certains fidèles musulmans nous assistent en nous donnant un peu d’argent parfois. Et lorsqu’il y a des sacrifices aussi, nous en bénéficions. Mais avec la fermeture des mosquées, on n’a même plus les 1000 francs, 2000 ou 5000 francs que nous gagnions avant », a-t-il confié.

Par ailleurs, Mamadou Baïlo estime que les mosquées peuvent jouer un rôle très important dans la lutte contre le coronavirus. C’est pourquoi il pense que leur fermeture est une mauvaise décision. « Fermer les mosquées est la plus mauvaise décision que le gouvernement ait prise. Comme le savez, qu’il s’agisse de celui qui lit le coran, celui qui prie, ou qui veut égrener son chapelet, il n’y a pas meilleur endroit que la maison de Dieu, c’est dans la maison de Dieu que les bénédictions sont rapidement exaucées.

Maintenant si ces bénédictions ne se font plus dans la maison de Dieu, c’est inquiétant. Habituellement, même les non musulmans viennent nous demander de bénir pour eux. Maintenant s’il n’y a pas de prières collectives, s’il n’y a pas de bénédictions, comment allons-nous pouvoir chasser cette maladie ? Fermer les mosquées, c’est une première en Guinée. C’est un mauvais signe », soutient ce muezzin.

Ibrahima Sally Bah, muezzin à la mosquée de Nongo Taady

Ibrahima Sally Bah, muezzin à la mosquée de Nongo Taady, abonde dans le même sens que son prédécesseur. Il désapprouve aussi complètement la fermeture des mosquées. « Mon métier, c’est de faire l’appel à la prière. Et chacun vit de ce qu’il fait dans la vie. Avant la fermeture des mosquées, on recevait quelques petits montants en guise de dons. Mais maintenant, on ne voit personne, donc on ne gagne plus rien. Seul Dieu sait dans quelles conditions nous muezzins nous vivons aujourd’hui. Nous prions Dieu qu’il nous enlève cette maladie dans le pays. Nous exhortons aussi l’Etat à nous aider à avoir des primes et à nous aider à rouvrir les mosquées », a sollicité notre interlocuteur.

Aboubacar Camara, muezzin à la mosquée de Kinifi

Même son de cloche chez Aboubacar Camara, muezzin à la mosquée de Kinifi. Lui aussi se plaint des effets de la fermeture des mosquées sur sa vie. « Nous sommes très préoccupés aujourd’hui par la fermeture des mosquées. Je viens régulièrement faire l’appel à la prière tout en précisant aux musulmans qu’ils doivent prier chez eux. Mais, j’avoue que nous souffrons de cette décision gouvernementale. Nous ne vivons que de ce que nous gagnons ici, de ce que les fidèles musulmans, en venant prier, nous offre. Nous souffrons parce que nous avons des familles à nourrir, mais on ne gagne plus rien à envoyer à la maison. C’est dur pour un père de famille de rentrer à la maison sans rien envoyer pour la famille. Nous souhaitons que le gouvernement pense à nous, car nous souffrons », a-t-il lancé.

Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tel. (00224) 621 09 08 18

Facebook Comments Box