Dialogue politique en Guinée : suggestions et recommandations du PUR, de l’AC-G et du MCR

Alors que la classe politique guinéenne est fortement divisée sur la nécessité de participer au dialogue politique annoncé par le président Alpha Condé, certains acteurs politiques et sociaux s’unissent pour interpeller les uns et les autres. C’est dans ce cadre que le Parti de l’Unité et du Renouveau (PUR), l’ONG Alternatives Citoyennes-Guinée (AC-G) et le Mouvement Carton Rouge (MCR), ont publié ce samedi, 29 mai 2021, un mémorandum adressé à l’ensemble des acteurs concernés.

Ils demandent au chef de l’Etat, de libérer les détenus politiques, permettre le retour des exilés politiques, lever l’interdiction de voyage touchant certains opposants… Quant aux partis politiques d’opposition, ils leur demandent de saisir cette opportunité de dialogue pour qu’elle puisse conduire à une paix sincère et durable.

Guineematin.com vous propose ci-dessous l’intégralité du mémorandum :

Mémorandum du Parti de l’Unité et du Renouveau (PUR), l’ONG Alternatives Citoyennes-Guinée (AC-G) et le Mouvement Carton Rouge (MCR) sur la nécessité d’un dialogue politique et social inter-guinéens

« Les guerres prenant naissance dans l’esprit des Hommes, c’est dans l’esprit des Hommes que doivent être élevées les défenses de la paix », UNESCO

A tous les patriotes épris de paix et de cohésion nationale. C’est tout d’abord un honneur pour nous, parti politique et organisations de la société civile, de nous acquitter d’un devoir pour le moins sacré : celui de vous faire part du présent mémorandum pour vous interpeller sur une question aussi nécessaire que vitale pour notre pays.

En effet chers(es) messieurs et dames, notre pays a vécu presque les vingt (20) dernières années dans une situation de crises politico-sociales à la fois cycliques et systémiques. Lesdites crises, vous le savez tous ont globalement pour causes, la gouvernance, le non-respect des textes et valeurs de la république et surtout le fait pour certains acteurs de la vie publique de ne pas avoir la GUINEE au centre de leurs préoccupations.

Mesdames et messieurs,

Certes, la sonnette d’alarme que nous lançons ambitionne de mettre un terme à deux décennies de crises. Mais nous voulons à travers cet objectif, si ambitieux, mettre le curseur sur les développements enregistrés en termes de désaccord entre les enfants du pays durant les deux dernières années. Autrement dit, inviter les acteurs du moment à se mettre ensemble et à repenser les plaies les plus fraiches qu’a connu notre société durant les deux dernières années en particulier. Et après, un travail de pédagogie sera entrepris par qui de droit pour se pencher sur les blessures du passé qui, il faut le souligner, sont à la fois nombreuses et profondes.

Chers cadres, l’objectif pour nos organisations, en vous adressant le présent mémorandum n’est pas de dire qui a raison ou qui a tort. Chaque acteur a des raisons que la raison peut parfois ignorer. Il est évident que dans des situations de crise comme celle qu’a connue notre pays, les responsabilités soient partagées à un certain niveau. « Il y a ta vérité, il y a ma vérité et entre nous se situe la vérité », disait un sage africain. Pour nous la seule vérité dans la situation que nous vivons aujourd’hui dans notre pays reste la GUINEE. Donc encore une fois, le but premier que nous nous sommes fixé en nous prêtant à cet exercice n’est pas de trancher le débat, mais de rappeler aux uns et aux autres que tout ce que nous faisons dans la vie nationale, doit avoir pour finalité la PATRIE. Il ne s’agit pas d’un jeu de mots ou d’une simple rhétorique. Nous sommes convaincus que quel que soient ce que feront les uns et les autres, on finira toujours par se retrouver autour de la table de discussion. Vous êtes tous et toutes des hommes et des femmes d’expériences. Et vous savez bien que mêmes les pays qui ont pris les armes les uns contre les autres, ils ont toujours fini par se retrouver et se parler. Pourquoi ne pas commencer par ce par quoi on finira ?

Mesdames et messieurs, chacun dans cette histoire peut s’estimer être du côté de la vérité. Cela est un droit que nul ne saurai renier à quelqu’un. Mais, comme l’a mentionné le prophète de l’islam, citation : « l’homme fort n’est pas celui qui est fort en lutte, mais celui qui se maitrise sous l’emprise de la colère ». Pour notre part nous corroborons cette citation en disant que chacun de vous devrait être fort en sachant lâcher du lest. Cela, nous en sommes conscients, est facile à dire mais difficile à faire surtout dans un contexte où les intérêts souvent partisans sont en jeu. Mais quelques parts notre âme de leader s’affirmera dès lors que nous parviendrons à nous affranchir de l’emprise du MOI pour mettre en avant l’intérêt collectif. Bruler le pays ne profitera à personne. Aujourd’hui nous avons des enjeux beaucoup trop importants pour nous laisser perdre le temps dans des guéguerres intestines qui ne nous conduira que vers le chao. Autour de nous nous avons des voisins de la sous-région tous orientés vers le développement. Ne pas mettre nos différends de côté pour prendre la même direction sera pour nous une façon de manquer le rendez-vous de l’histoire. Nous avons des défis en matière d’infrastructures routières, portuaires, scolaires, sanitaires etc… Nous devons gagner de façon impérative le combat de l’autosuffisance alimentaire. L’industrialisation de notre économie, la condition sine qua none de la réduction du taux endémique de chômage, attend encore d’être une réalité. La lutte contre la corruption, le renforcement des acquis démocratiques, le respect des libertés individuelles et collectives doivent être priorisés. Ce sont en bref quelques défis qui en réalité devraient, à l’heure qui fait, être la préoccupation de chacun de nous.

C’est en cela que nous vous invitons chacun en ce qui le concerne à poser des actions concrètes allant dans le sens de la paix et du vivre ensemble, gage incontournable de tout développement.

D’abord au Chef de l’Etat, nous invitons, comme lui en suggère sa charge de père de la nation, de toujours continuer à s’armer de pardons pour diligenter la libération de tous les détenus politiques. En le faisant il n’aura rien perdu en prestige, non. Au contraire, il se sera mis au déçu de la mêlé et surtout il aura montré sa grandeur et sa posture d’homme d’Etat, dont il a souvent fait preuve de par le passé. Il aura ainsi répondu à l’aspiration d’une majorité silencieuse de ses compatriotes. Ainsi, au nom toujours de cette majorité silencieuse, nous lui suggérons de s’abstenir de toute forme de poursuite à l’encontre des opposants d’une part, et d’autres parts d’amnistier tous les compatriotes vivant en exil. Il (le Chef de l’Etat) doit faire en sorte que les restrictions de voyage qui pèsent sur certains acteurs politiques deviennent des souvenirs lointains. Rouvrir les frontières du pays afin de faciliter à nos compatriotes les échanges commerciaux avec certains voisins de la sous-région pour le bien de notre économie. En ce qui concerne le cadre de dialogue qu’il a bien voulu instituer, le Président de la République ne doit nullement lésiner sur les moyens politiques et logistiques afin que ledit cadre puisse mener à bien la mission qui lui est assignée. Pour notre part, nous sommes plus que convaincu que si le Chef de l’Etat accède à ces recommandations que nous considérons ici comme des préalables au processus de dialogue qui vient d’être enclenché, les protagonistes où qu’ils soient, viendront sans aucun doute autour de la table.

Aux acteurs politiques de l’opposition, nous demandons humblement de saisir cette opportunité de dialogue pour qu’elle puisse conduire à une paix sincère et durable. Dans un système démocratique comme le nôtre, l’opposition a forcément sa place dans le débat. Elle doit sans doute occuper cette place pour une société libre et épanouie. Mais rien de tout ça ne saurait se faire sans un environnement de paix. De nombreux évènements parfois très douloureux se sont déroulés chez nous ces derniers temps et nous en sommes conscient. Nous estimons que les acteurs que nous sommes, devons tabler dessus lors d’une assise inclusive pour que plus jamais notre pays ne retombe dans de tels troubles. Cela est un rêve que seul un dialogue franc et sincère pourra permettre de réaliser. Nous restons convaincus que notre opposition, comme toujours, restera ouverte à cette main tendue dont le but est de parler de notre beau pays la Guinée.

A la société civile, nous attendons qu’elle mette tout en œuvre pour orienter les protagonistes vers l’entente mutuelle. Elle doit faire pression sur les uns et les autres en vue d’arracher un compromis devant garantir la paix et la stabilité dans notre pays. Cela a toujours été la préoccupation des acteurs qui composent cette société civile. C’est une préoccupation à la fois juste et légitime. Elle mérite ainsi d’être soutenue et défendue par les uns et les autres. Nous attendons par ailleurs de notre société civile qu’elle se montre intransigeante et intraitable sur tout propos et toute attitude visant à mettre en péril la paix et la quiétude sociale dans notre pays. Pour le cas d’espèce, nous sollicitons d’elle qu’elle use de toute son influence (Dieu sait qu’elle en a), pour ramener les uns et les autres autour de la table.

Aux médias, nous attendons qu’ils offrent la tribune à tous discours et messages de paix et d’entente. Nous les invitons humblement à faire montre de responsabilité dans le relais des informations surtout lorsqu’elles sont sensibles. Nous sommes dans une ère de communication rapide. Et dans le contexte qui est le nôtre, la responsabilité du journaliste devrait l’emporter assurément. Stopper les messages de haine relève aujourd’hui plus qu’hier de la conscience journalistique. « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des Hommes, c’est dans l’esprit des Hommes que doivent être élevées les défenses de la paix », affirme l’UNESCO. C’est justement en cela que nous attendons des medias qu’ils s’emploient à cultiver la défense de la paix dans l’esprit des hommes et des femmes qui composent notre société.     

Vive la paix et l’unité nationale !

Vive la république !

  1. Pour le Parti de l’Unité et du Renouveau (PUR), Louda Baldé Président et Moustapha Fernandez Camara Vice-président ;
  2. Pour l’ONG Alternatives Citoyennes-Guinée (AC-G), Dr Mamadou Mouctar Diallo, Président et Mohamed Lamine Sylla, vice-président ;
  3. Pour le Mouvement Carton Rouge (MCR), Thierno Bah, Président et Saidouba Keita, vice-président.
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