Dr. Faya Millimono à Guineematin : « le peuple de Guinée me fait pitié » (interview)

Dr. Faya Millimono, président du Bloc Libéral

Dans une interview qu’il a accordée à un reporter de Guineematin.com, le jeudi dernier, 12 décembre 2019, Dr Faya Millimono s’est exprimé sur le dialogue politique et le communiqué diffusé récemment par la commission électorale nationale indépendante (CENI) relatif au dépôt des déclarations de candidatures pour les élections législatives prochaines.

Le leader du Bloc Libéral estime que les pourparlers autour du parachèvement du processus des élections communales et les préparatifs des législatives n’a pas lieu d’être. Il reproche l’UFDG et l’UFR d’être allés dans ce dialogue sans une consultation préalable avec leurs pairs de l’opposition. Le président du parti Bloc Libéral a également critiqué la CENI.

Décryptage !

Guineematin.com : Le dialogue politique a repris il y a de cela une semaine maintenant, quel regard le Bloc Libéral a aujourd’hui sur ces pourparlers ?

Dr. Faya Millimono : Je ne suis pas ce dialogue parce que d’abord mon parti, le BL, et la plateforme à laquelle j’appartiens (la CPR) ne sont associés ni de près, ni de loin à ce qu’on appelle aujourd’hui le dialogue. Les gens disent souvent que c’est parce que le BL n’est pas au tour de la table. Non ! Ce n’est pas ça l’enjeu. Ici, l’enjeu est de savoir si OUI ou Non, en tant que classe politique de l’opposition, nous avons le devoir de nous concerter pour savoir si nous allons ou pas vers telle ou telle direction. Et, si OUI, que nous le prenions ensemble. Ce qui se fait actuellement est du ressort de l’UFDG et de l’UFR. Nous ne sommes ni de près, ni de loin associés à cela.

Guineematin.com : Visiblement, le Bloc Libéral ne souscrire pas aujourd’hui à la tenue de ce dialogue. Mais, est-ce que votre parti est prêt à accepter les conclusions qui sortiront de ces pourparlers ?

Dr Faya Millimono : Vous savez, il y a eu des dialogues que nous avons boycottés ici. Les gens ont dit qu’ils sont plus intelligents, plus patriotes, ils veulent aller de l’avant. Aujourd’hui, ils sont bloqués. Rappelez-vous qu’en 2016, j’étais autour de la table. Quand Amadou Damaro Camara, le président du groupe parlementaire du RPG arc-en-ciel à l’Assemblée nationale, a dit : « chefs de quartiers, présidents de districts, c’est parce que chacun veut avoir ses chefs de quartiers, ses présidents de districts ». J’ai dit : « Non ! Dans une République, on n’aborde pas les problèmes comme ça. Définissons le rôle qu’on a confié à la CENI et faisons en sorte qu’elle exerce ce rôle sans interférence. Pourquoi on tient tant aux chefs de quartiers et aux présidents de districts ? C’est parce que chacun, que ce soit de l’opposition ou de la mouvance, veut confier à ces acteurs de mauvais rôle. Dans la loi, il n’est pas dit que le chef de quartier ou le président de district doit être obligatoirement mêlé au processus électoral. Mais, chacun est d’accord qu’ils se mêlent. Aujourd’hui, chacun cherche à avoir ses chefs de quartiers pour faire ce que d’autres chefs de quartiers font à l’avantage de tel parti politique. La République ne marche pas comme ça. C’est parce qu’on a confié aux chefs de quartiers des cartes d’électeurs qu’ils sélectionnent par patronyme des cartes à brûler, des cartes à jeter et des cartes à distribuer… Voilà le rôle qu’on veut faire jouer aux chefs de quartiers. Si on nous avait écoté, depuis 2016, on aurait simplement cherché à élire les chefs de quartiers et les présidents de districts, indépendamment de notre processus électoral. Est-ce que c’est difficile de gérer le matériel électoral par les démembrements de la CENI ? Pourquoi mêler les chefs de quartiers. C’est parce que chacun (de la mouvance et de l’opposition) veut magouiller.

Guineematin.com : Amadou Damaro Camara (majorité présidentielle à l’Assemblée nationale) et de Général Boureima Condé (ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation), ne font pas parties de ceux qui sont aujourd’hui autour de la table du dialogue. Et, du coup, beaucoup d’observateurs estiment que le RPG n’est pas représenté à ces pourparlers. Quel est l’avis du Bloc Libéral sur ce sujet ?

Dr Faya Millimono : Il faut même préciser que c’est le porte-parole de l’opposition d’hier qu’on a ramené devant ses pairs, pour dire que ce qu’on avait dit là, on s’était trompé. Non, c’est du n’importe quoi. J’ai pitié de ce peuple. Il faut qu’on prenne les choses au sérieux ; et, en 2020, il faut qu’une rupture soit créée. On a trop perdu du temps. Il y a des jeunes gens qui meurent aujourd’hui dans la méditerranée. Certains sont en train d’errer dans le désert, alors que d’autres sont en train d’être fait esclaves dans les pays arabes. Tout cela, parce qu’ils n’ont pas où vivre chez eux, à cause de la mal gouvernance, de la corruption, de l’échec de notre élite. Vous savez, quand on aborde certaines questions, ça soulève en nous une certaine colère. Parce que le peuple-là est en train de souffrir dans les mains d’une élite inconsciente, non patriotique et qui ne cherche que ses intérêts personnels. Donc, pour moi, peut-importe que ce soit Damaro ou un autre, c’est un dialogue qui n’a pas lieu d’être. Parce que simplement, il aurait fallu qu’on applique la loi. Mais, aujourd’hui, on est en train de faire du n’importe quoi dans ce pays.

Guineematin.com : Ce dialogue se tient à un moment où la CENI est en train de dérouler les opérations d’enrôlement sur le terrain. Des opérations décriées par de nombreux acteurs. Quelle est la lecture du BL sur ces opérations de recensement ?

Dr Faya Millimono : C’est du n’importe quoi ! On ne peut pas prendre un décret pour appeler un corps électoral qui n’existe pas. Et, c’est ce que le président de la République a fait. Parce qu’on n’avait pas encore enrôlé un seul guinéen. Aujourd’hui, on est en train de faire semblant d’enrôler les gens. Mais, je peux vous affirmer qu’il y a des endroits où on n’a pas encore enregistré un seul électeur. Nous serons bientôt le 16 décembre ; et, on va nous dire qu’on a recensé tout le monde. Nous sommes déjà à des dizaines de milliers de listes de gens qu’on est en train de dénier le droit de vote. Mais, dès après le 16 décembre, il y aura des recours devant les tribunaux pour que ces gens-là aient le droit d’être sur la liste électorale. Donc, la bataille prochaine est celle de respecter le droit des gens qui en ont l’âge, qui ne sont pas condamnés de pouvoir être sur la liste électorale afin qu’ils puissent voter.

Guineematin.com : Certains acteurs politique demandent l’arrêt de ces opérations et exigent un nouveau recensement. Qu’en pense le BL ?

Dr Faya Millimono : Lorsque vous avez été au siège de l’UFDG, quand l’opposition plurielle s’est réunie, la lettre accompagnée d’un mémo que nous avons envoyée au président de la CENI, c’était effectivement de demander l’arrêt de ces opérations qui se font dans l’illégalité la plus parfaite. Et, je vais vous dire, le BL prendra des actions devant la cause ; et, cela, dans quelques jours. En ce qui nous concerne, nous continuerons à mettre à l’épreuve la justice guinéenne, pour qu’elle soit digne d’être la justice de notre ambition. Le fait que nous voyons nos compatriotes mourir et que les procureurs manquent de langue, ça nous choque.

Guineematin.com : malgré les irrégularités constatées dans les opérations d’enrôlement, la CENI vient de publier un communiqué annonçant la période du 18 au 27 décembre pour le dépôt des listes de candidatures pour les élections législatives. Comment le Bloc Libéral a accueilli cette nouvelle ?

Dr Faya Millimono : Nous avons suivi la CENI (commission électorale nationale indépendante) dans cette communication. Et, après réflexion, personnellement, je suis arrivé à la conclusion que cette CENI n’est indépendante que par rapport à la loi. Parce que tout ce qu’elle fait sort du cadre légal. L’article 144 du code électoral dit que le dépôt de candidature doit se faire au moins 60 jours avant le jour du scrutin. Donc, le 17 décembre doit être la date limite pour le dépôt des candidatures. Maintenant qu’on nous dise que c’est le 27 décembre, prenez quelqu’un qui dépose sa candidature à cette date. Le président de la CENI a trois (3) jours pour dire que cette déclaration de candidature n’est pas conforme ; et, celui à qui on le dit a cinq (5) jours pour se mettre en conformité. Alors, lorsque toutes les candidatures sont considérées recevables, mais après examen, selon l’article 145 du code électoral, la CENI peut dire sept (7) jours après qu’il rejette la candidature de tel pour telles raisons. Et, si cela arrive, l’entité concernée aura trois (3) jours pour faire son recours devant la cour constitutionnelle. Et, lorsque la cour constitutionnelle reçoit ce recours, elle a sept (7) jours pour se prononcer.

Il y a aussi l’article 147 qui dit trente-sept (37) jours au moins avant le jour du scrutin, il doit y avoir la publication officielle des listes de candidature. Regardez tout cela ! Vous vous retrouvez là-dans ? Vous ne vous retrouvez pas, parce que tout simplement il y a des gens qui gèrent aujourd’hui la Guinée comme un empire ou comme le jardin personnel qui se trouve derrière leur maison. La Guinée est une République ; et, on doit obéir à la loi. Mais, malheureusement, notre CENI est sortie complètement du cadre légal. Ils sont en train de dilapider des fonds publics, en jouant avec la loi.

Guineematin.com : Après tout ce que vous venez de dire, est-ce que le Bloc Libéral est prêt à aller aux élections législatives prochaines ?

Dr Faya Millimono : Le BL ira à des élections qui sont propres. Et, le BL empêchera toute élection non propre. Bien entendu, pour certains, il faut boycotter. Non ! Parce que boycotter, c’est considérer que la Guinée est devenue la propriété du RPG qui peut en faire ce qu’il veut. Or, la Guinée nous appartient tous. On ne permettra pas une élection n’importe laquelle, qui peut nous amener à des bouleversements, à des violences.

Guineematin.com : Dr Faya Millimono s’est-il fait recenser ?

Dr Faya Millimono : Je ne sais même pas si je dois me faire recenser.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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