Droits de l’Homme, double scrutin… Dr Alya Diaby (INIDH) à Guineematin

Dr Alya Diaby, président de l'Institution Nationale Indépendante des Droits de l'homme
Dr Alya Diaby, président de l’Institution Nationale Indépendante des Droits de l’homme

Le président de l’Institution Nationale Indépendante des Droits Homme (INIDH) vient de réagir face à l’actualité sociopolitique de notre pays. Dans une interview qu’il a accordée à un reporter de Guineematin.com, Dr Alya Diaby s’est exprimé sur les nombreux cas de tueries et les exactions commises sur les citoyens par les forces de l’ordre en Guinée.

Le président de l’INIDH a également donné l’avis de l’institution qu’il dirige sur la suspension de la participation de la mission technique de l’OIF au processus électoral et la fin de non-recevoir que le président Alpha Condé a opposé une délégation de chefs d’Etat de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) qui voulaient effectuer une visite en Guinée.

Décryptage !

Guineematin.com : Quelle perception avez-vous de la situation actuelle des Droits humains en République de Guinée ?

Dr Alya Diaby : Aujourd’hui, ce qui est dominant, c’est la violence. Nous avons l’impression que la violence est omniprésente. Elle comporte des risques et des menaces pour les droits de l’Homme ; mais, nous sommes sereins et nous espérons qu’il y aura plus de peur de que de mal.

Guineematin.com : une centaine de personnes ont été tuées depuis l’arrivée du professeur Alpha Condé au pouvoir. Qu’est-ce qui explique le silence de l’INIDH face à toutes ces tueries et toutes ces exactions commises par le régime d’Alpha Condé sur les Guinéens ?

Dr Alya Diaby : l’Institution Nationale Indépendante des Droits Humains a une mission constitutionnelle que nous assurons. Ce n’est pas de notre compétence de faire le procès des régimes politiques ; mais, du point de vue des droits de l’homme, vous avez suivi nos discours, nos points de vue et nos rapports annuels. Les cas des décès ou des morts à l’occasion des manifestations ont été souvent dénoncés par l’institution. Ce que nous ne faisons pas, c’est de prendre parti et de constater ce qu’on appelle les allégations d’une partie. On ne les prend pas pour des vérités avérées. C’est cette difficulté que nous avons.

Guineematin.com : Malgré tous ces cas de mort, aucun coupable, à part le capitaine Kaly de la police nationale, n’a encore été présenté aux Guinéens. Est-ce que vos enquêtes sur le terrain vous ont permis d’identifier des présumés auteurs de ces tueries ?

Dr Alya Diaby : officiellement, ce n’est pas à l’INIDH de déterminer qui est l’auteur de telles tueries. Nous avons toujours demandé que des enquêtes soient menées et que les résultats soient toujours mis à la disposition de l’opinion publique. D’ailleurs, le parlement de l’Union européenne a bien signalé ce côté et a appelé toutes les parties à cesser les violences. Même si vous voyez nos rapports annuels, les cas de décès sont notés. Maintenant, en ce qui concerne la responsabilité des uns et des autres, la durée ou le fait que les procès n’ont pas lieux, l’Institution Nationale Indépendante des Droits de l’Homme qui n’est pas une agence gouvernementale n’est pas responsable de cela.

Guineematin.com : le processus électoral en cours a été mainte fois dénoncé par les acteurs politiques de l’Opposition et les partenaires techniques et financiers de la Guinée. Le retrait récent de l’OIF en témoigne. Quelle est la lecture de l’INIDH sur ce processus ?

Dr Alya Diaby : Nous avons entendu parler et lu dans la presse la suspension de la participation de l’OIF. Il faut noter que c’est la CENI qui est chargée de superviser et d’organiser les élections. Donc, la CENI qui assume cette fonction constitutionnelle a dû, sur le plan d’un partenariat, confier un travail à l’Organisation Internationale de la Francophonie. Nous regrettons cette suspension de la participation de cette organisation internationale et nous souhaitons qu’elle revienne dans les meilleurs délais pour continuer le travail technique qui lui avait été confié.

Guineematin.com : le pouvoir a appelé l’armée en renfort dans le processus électoral en cours dans notre pays. Un processus électoral contesté par une frange importante des Guinéens. À votre avis, doit-on s’inquiéter ?

Dr Alya Diaby, président de l’Institution Nationale Indépendante des Droits de l’homme

Dr Alya Diaby : Il y a des risques avérés de violences, des menaces réelles sur les droits de l’homme ; mais, sur la puissance publique aussi. Le simple appel à l’armée pour renforcer, dans le cadre de la loi sur le maintien de l’ordre, aussi longtemps qu’il n’y a pas de débordement, un spécialiste des droits l’homme ne peut pas crier et appeler à la dénonciation. Nous attendons de voir in concerto tous ceux qui sont partis sur le terrain qu’ils soient nos propres informateurs, qu’ils soient des ONG, qu’ils soient des journalistes qui nous informent au sujet des violations des droits de l’homme. Et, en ce moment, l’institution nationale des droits de l’homme avisera.

Guineematin.com : Une délégation des Chefs d’Etat de la CEDEAO avait prévu une visite en Guinée. Mais, on apprend que le professeur Alpha Condé a opposé une fin de non-recevoir à cette délégation. Quelle est l’appréciation de l’INIDH sur cet état de fait ?

Dr Alya Diaby : c’est avec beaucoup de surprise et d’étonnement que j’ai appris cette information. Mais, il s’agit des arcanes de la diplomatie. Et, nous n’en avons aucune idée. Les choses qui ne sont pas claires pour nous, je n’aimerai pas plonger dans les arcanes de la diplomatie, des relations entre Chefs d’Etat. Je n’en n’ai aucune idée ; et, ce qui me préoccupe, c’est la situation des droits de l’homme en République de Guinée.

Guineematin.com : quelle sera l’implication de l’INIDH dans le processus électoral en cours dans le pays ?

Dr Alya Diaby : l’Institution Nationale Indépendante des Droits de l’Homme va déployer des commissaires et certains membres de son personnel administratif et des personnes ressources pour faire le monitoring du respect des droits de l’homme avant, pendant et après les élections. Notre mission de monitoring a été déployée en principe depuis hier et elle est sur le terrain depuis ce 27 février dans les régions et dans les communes de Conakry. Donc, ce déploiement a été rendu possible par une première formation qui a eu lieu au bureau du haut-commissariat des Droits de l’Homme auquel nous rendons hommage ici. Et, nous appelons à la CENI et à ses démembrements pour qu’ils comprennent que l’Institution Indépendante des Droits Humains est une institution constitutionnelle qui a droit de faire le monitoring et qui est déjà sur le terrain pour ça.

Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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