Droits de l’homme en Guinée : « le bilan de l’année 2020 n’est pas reluisant » (Avocats Sans Frontières)

Maître Koné Aimé Christophe Labilé, président de l'ONG avocats sans frontières Guinée
Maître Koné Aimé Christophe Labilé, président de l’ONG avocats sans frontières Guinée

Dans un entretien accordé à Guineematin.com, le jeudi 31 décembre 2020, le président de l’ONG Avocats Sans Frontières a fait le point sur la situation des droits de l’homme en Guinée durant l’année écoulée. Maître Koné Aimé Christophe Labilé dépeint un tableau très sombre, caractérisé notamment par beaucoup de tueries qui n’ont jamais été élucidées mais aussi de nombreuses arrestations d’opposants. Il estime que notre pays a amélioré son statut de mauvais élève en matière des droits de l’homme en 2020.

« Je vous dirai d’abord que la Guinée n’est pas un bon élève en matière des droits de l’homme. Et, cette année 2020 n’a pas été une année d’exception. Les violations des droits de l’homme sont allées crescendo, si je peux le dire ainsi. Nous avons connu des remous sociopolitiques depuis octobre 2019. Quand les rumeurs couraient par rapport à la tentative de changement de la constitution de 2010, des mouvements se sont créés dont le plus emblématique est le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), qui a commencé ses manifestations contre le changement constitutionnel annoncé depuis octobre 2019.

 

Et depuis cette date, les violations des droits de l’homme sont parties crescendos. Parce que dans la constitution qu’on voulait modifier, le droit de manifester était consacré. Il était dit que chaque citoyen a le droit de manifester, d’exprimer librement son opinion sur un sujet donné. Et, nous sommes dans un régime de déclaration, pas d’autorisation. La loi dit que celui veut manifester, il doit tout simplement écrire aux autorités locales pour les informer du jour, de l’heure et de l’itinéraire de la manifestation. Mais on a constaté que le plus souvent, le pouvoir a interdit les manifestations pour des raisons plus ou moins valables.

 

Cela a donné lieu à un bras de fer, qui a entraîné beaucoup de violences. Le mouvement s’est intensifié, on est arrivé à un moment où il fallait s’opposer à l’organisation du référendum et des législatives. Là aussi, il y a eu des violations des droits de l’homme. A ce jour, personnellement, je ne peux pas vous dire combien de personnes ont perdu leur vie à cause de ce double scrutin. Le paroxysme a été atteint le 22 mars 2020, jour du scrutin. Il y a eu des affrontements partout, il y a eu plusieurs cas de morts. A N’Zérékoré, nous avons mené une enquête qui a abouti à un rapport qui faisait état de 37 morts. Et cela a eu lieu le jour du double scrutin et le lendemain (…)

 

En plus des cas de morts et des blessés, il y a beaucoup de personnes qui ont été arrêtées et emprisonnées à cause de leur opposition au changement de la constitution. Et après la présidentielle du 18 octobre dernier, de nombreux opposants ont également été arrêtés et conduits en prison. D’autres leaders ont été privés de leur liberté d’aller et de revenir. C’est le cas entre autres, de Sidya Touré, Abé Sylla et Cellou Dalein Diallo, qui ont été bloqués à l’aéroport de Conakry et empêchés de sortir du pays. Tout cela constitue des violations des droits de l’homme que nous dénonçons. Donc, le bilan de l’année 2020 n’a pas du tout été reluisant. Je peux même dire que nous allons de mal en pis », a dit l’avocat, précisant que ce bilan est loin d’être exhaustif.

 

Et, le plus grave encore, ajoute Me Koné, c’est que l’Etat ne cherche jamais à identifier les responsables des violations des droits de l’homme enregistrées dans le pays et à rendre justice aux victimes. « Toutes les fois qu’il y a eu des violations des droits de l’homme en Guinée, on ouvre des enquêtes mais on ne ferme jamais ces enquêtes. On ne sait pas à quoi ces enquêtes ont abouti. Ce n’est pas normal. L’Etat a non seulement l’obligation de protéger les citoyens, mais aussi de rendre justice.

 

Puisque nous sommes dans une société organisée, chacun n’est pas autorisé à se faire justice. Quand on est victime d’un Etat de fait, on doit se plaindre. Et quand il y a une infraction, les procureurs doivent ouvrir des enquêtes pour pouvoir identifier les auteurs présumés et les traduire éventuellement devant les juridictions compétentes. C’est ce qui ne se fait pas. Je ne demande pas à ceux qui nous gouvernent de faire des miracles, je leur dirai tout simplement d’appliquer les textes de lois et de faire respecter ces textes de lois », a dit le président de l’ONG Avocats Sans Frontières.

Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel : 620589527/654416922

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