Guinée : après l’évasion à la Maison centrale, le fossé s’élargit entre la police et la justice

Comme on le sait, Mohamed Sidy Diallo s’est évadé de la prison la plus sécurisée du pays la nuit du samedi au dimanche 18 juillet 2021. Cette affaire, tout aussi rocambolesque qu’abracadabrante, continue à susciter une vive indignation dans le pays. Un extrait de l’intervention du Directeur général de la police fait les choux gras sur les réseaux sociaux. Le patron de la police déplore la fuite du cerveau présumé de rapt de plusieurs opérateurs économiques.

Cette opération digne de celles de la Mafia italienne aura de lourdes conséquences. Car comme on ne le dira jamais assez, l’impunité est la porte ouverte à la récidive. Non seulement le fuyard pourrait préparer d’autres opérations plus spectaculaires mais aussi les opérateurs économiques et autres richissimes hommes d’affaires ont désormais la peur au ventre.

Dans un pays où la culture de sanction existe, lorsqu’une telle affaire se produit, des têtes tombent. Ici ce sont des cheveux sont coupés. Ce sont des agents d’exécution qui ont fait les frais de la fuite de celui dont la seule évocation du nom fait frémir plus d’un homme d’affaires. Les patrons de la police et ceux de la justice, eux, ne sont pas menacés.

Or s’il est vrai que les agents suspendus sont ceux qui étaient en contact direct avec le fuyard, il est au tout aussi vrai que dans pareil cas ils ne sont pas les seuls à rendre compte. Ce qui fait dire aux observateurs que ce sont les pauvres qui payent le prix fort dans cette affaire.

Une affaire qui en dit long sur l’état de notre Etat. Car dans cette même prison il y a des citoyens dont le seul tort serait celui de s’opposer à la modification de la constitution. D’autres auraient eu la malchance d’être au mauvais moment et au mauvais endroit. Pendant que ces citoyens groupassent en prison, ils voient l’une de leurs plus tristes compagnons sortir pour des raisons qu’ils ignorent.

On nous dira que ce n’est pas en Guinée seulement où un célèbre prisonnier s’est évadé. Certes. Mais c’est en Guinée où un tel homme cohabite avec des prisonniers politiques. Alors que ces derniers attendent toujours que justice leur soit rendue, ils se rendent compte que la justice ressemble parfois à une toile d’araignée : elle capture le faible et se fait écraser par le fort.

Sans doute que la justice guinéenne aurait souhaité juger un homme accusé d’avoir kidnappé des Guinéens dont certains ont perdu la vie. Malheureusement, nous assistons une nouvelle fois à l’éternelle et stérile polémique entre la justice et la police. La première accusant la seconde d’organiser la fuite de criminels. Ce à quoi, la police rétorque qu’elle remue terre et ciel pour arrêter les criminels qui sont par la suite relâchés par la justice.

La crise de confiance est telle que certains accusent la police de libérer les prisonniers la nuit afin qu’ils aillent à la « chasse ». Et le butin serait partagé. Devant cette situation les autorités devaient mettre les bouchées doubles pour restaurer la confiance. D’autant plus que la dernière évasion n’est pas de nature à restaurer cette confiance.

Le président Alpha Condé, qui a donné l’impression de vouloir changer de fusil d’épaule ces derniers temps, devrait faire de cette affaire un point d’honneur. Pour mettre hors d’état de nuire à la fois les bandits et leurs complices.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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