Guinée : au lieu d’une ce sont désormais trois roues qui sont en panne

La Guinée a entamé hier, lundi 24 février 2020, le premier jour d’une semaine qui s’annonce tout aussi déterminante que palpitante. Elle amorce le dernier virage avant le jour j pour le double scrutin du 1er mars. Votera, votera pas, pour le moment seul Dieu sait ce qui pourrait se passer. Partisans et adversaires de cette double consultation électorale adoptent des positions diamétralement opposées.

D’un côté le pouvoir ne ménage aucun effort pour battre compagne. Renforcé qu’il est par le chef de l’Etat. De l’autre, l’opposition, la société civile et désormais des coordinations régionales appellent au boycott. Voire à l’empêchement pur et simple de la tenue du scrutin.

Ce double scrutin est le plus controversé de l’histoire électorale de la Guinée. Même la dernière présidentielle à laquelle le président Conté s’était trouvé un concurrent taillé sur mesure n’avait pas suscité autant de remous que le scrutin du 1er mars prochain. Depuis le 14 octobre, on dénombre une trentaine de morts consécutifs aux manifestations contre la nouvelle constitution. Une bonne partie du territoire national est militarisée. Une véritable purge est organisée contre des journalistes et des acteurs de la société civile.

A situation exceptionnelle, réaction exceptionnelle. Pour la première fois, des coordinations régionales s’opposent ouvertement au pouvoir en place. Réunies à Tanéné, dans la préfecture de Dubréka, les coordinations régionales de la Basse Guinée, hôte de la rencontre, celle de Haal Pular et celle de la Guinée forestière –représentée à un niveau inférieur par rapport aux deux premières- ont appelé les citoyens à s’abstenir de voter voire empêcher le vote.

Cet appel est plutôt inédit. Par le passé, ces coordinations se sont certes illustrées dans la promotion et le soutien de « leurs fils », mais jamais elles n’étaient allées aussi loin dans la défiance des autorités. Or à l’heure du téléphone portable et d’internet, leur message aura inévitablement un impact négatif sur le scrutin. Particulièrement en Basse Guinée et en Guinée forestière. Le Fouta étant déjà dans la logique de boycott.

Dans la foulée, le pouvoir montre une certaine frilosité. Devant les enjeux de ces deux consultations électorales, le chef de l’Etat devait sillonner tout le pays. Mais, et comme s’il sait que les dés sont déjà jetés, il se contente de battre campagne dans son fief. A Siguiri, qui ne jure que par lui, il appelle ses partisans à ne pas le « honnir ». Signe que l’homme est conscient que l’abstention reste et demeure son principal concurrent à ces élections. Même si le taux d’abstention est élevé dans les autres régions, ce qui est probable, si la Haute Guinée vote massivement le vote pourrait être validé. Un membre influent du parti au pouvoir a déjà prévenu que même si c’est un seul bureau qui vote, le vote sera validé. Entendez pour tout le territoire national.

Avec le recul, et l’usure du pouvoir aidant, ce n’est plus la quatrième roue qui pourrait être en panne. Après l’appel lancé à Tanené, ce sont désormais trois roues sur quatre qui risquent de tomber en panne. Rendant le trajet pour les élections législatives et surtout pour le référendum constitutionnel un véritable chemin de croix.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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