Guinée : le président des handicapés sur les violences contre ses membres

Ce n’est pas un secret ! Depuis quelques années, la Guinée est passée maître dans l’art de brimer et d’humilier les personnes à mobilité réduite (les handicapés) et les mendiants. Les images choquantes du déguerpissement musclé d’avril dernier des handicapés mendiants qui tapissaient sous le pont 8 novembre (à l’entrée de la presqu’île de Kaloum) sont encore fraîches dans la mémoire collective en Guinée. Mais, apparemment, cette scène de violence à l’égard de ces personnes vulnérables n’est qu’une infime partie de la brutalité et du mépris dont elles sont victimes de la part des forces de l’ordre et des autorités. Car, selon le président de l’Union nationale des handicapés de Guinée, les handicapés sont souvent victimes de violence dans le pays, surtout à Conakry.

Dans un entretien accordé récemment à Guineematin.com, Amadou Diallo a dénoncé ces violences et le désintéressement que les autorités guinéennes expriment à l’endroit des handicapés. Et, c’est avec des exemples précis qu’il s’est livré à dépeindre cette triste réalité qui meurtrit son corps.

Amadou Diallo, président de l’union des handicapés de Guinée

« Un vieux handicapé dont il n’y a aucune identité et qui résidait à Kaloum a rendu l’âme à Conakry il y a maintenant un mois environ. Son corps se trouve à la morgue de l’hôpital national  Ignace Deen. C’est un vieux dont on n’a pas l’adresse, on ne connaît même pas son nom. Mais, des gens qui le connaissaient avant sa mort disent que c’est quelqu’un qui parlait poular avec un accent sénégalais. Mais ce vieux, très malade qu’il était, est allé se coucher sur les tables au marché du centre ville de Kaloum. Quand je l’ai appris, j’ai immédiatement appelé le ministre de la santé, Rémy Lamah, pour nous envoyer la croix rouge afin qu’il soit envoyé à l’hôpital. Mais, le ministre Rémy Lamah a carrément refusé. C’est l’union des handicapés que je dirige qui a pris les dispositions pour son hospitalisation. J’ai cherché une voiture pour l’envoyer à l’hôpital Ignace Deen. Malheureusement, il est décédé à l’entrée de l’hôpital. On a ensuite envoyé le corps à la morgue. Ceux qui sont à la morgue là-bas et moi avons chaudement discuté pour le traitement du corps. Ils disaient qu’ils n’ont rien pour le prendre en charge. Ils disaient également qu’ils n’allaient pas toucher au corps tant qu’un de ses parents ne vient pas. Nous avons appelé les ministres de la santé et de l’action sociale, mais aucun n’a voulu prendre sa responsabilité pour le traitement et l’enterrement de ce vieux. Ils ont tous éteint leurs téléphones. Finalement c’est moi qui ai pris la responsabilité de tout ce qui devait être fait pour que les travailleurs à la morgue prennent le corps. Le corps est à la morgue d’Ignace Deen depuis près d’un mois maintenant. Nous demandons au gouvernement et aux personnes de bonne volonté de nous aider pour l’enterrement de ce vieux ; parce que nous ne pouvons pas continuer à occuper les la morgue alors qu’il y a beaucoup d’autres personnes qui en ont besoin », a indiqué Amadou Diallo avec inquiétude et indignation.

En plus de ce corps qui tapis encore à la morgue d’Ignace Deen, le président de l’union nationale des handicapés de Guinée rappelle que récemment, dix (10) handicapés, tous des personnes très âgées, ont été passés à tabac par des policiers à Kaloum, avant d’être conduits et jetés comme des ordures sous la pluie dans un coin à Coyah. Et, c’est avec la douleur dans l’âme que Amadou Diallo évoque cette situation qui montre, une fois encore, la brutalité et le mépris des autorités vis-à-vis des handicapés qui vivent sur le territoire national.

« Nous avons plus de 80 handicapés membres de notre union. Leur situation est extrêmement grave, leur vie est extrêmement difficile. Le 21 juillet dernier, des gendarmes sont allés les trouver à leur base et ont ramassé 10 d’entre eux, des vieux et des vieilles seulement. Ils leur ont passé à  tabac de façon grave avant de les transporter quelque part dans la préfecture de Coyah, sous une forte pluie. Ils les ont envoyés là-bas et les ont abandonnés dans la boue, sous des arbres. Une chose qui ne m’a pas du tout plu. Mes collègues et moi sommes vraiment en colère contre ça. Celui qui a la responsabilité de nous protéger dans ce pays et de nous aider à bien vivre, c’est l’Etat. Malheureusement, c’est l’Etat qui nous fait tout ce mal qu’on est en train de subir. C’est vraiment grave. C’est que ce régime est en train de faire aux handicapés depuis l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir, aucun des régimes précédents ne l’avait fait aux handicapés. Ni Ahmed Sékou Touré, ni Lansana Conté, ni les résidents de la transition en Guinée ne nous ont fait cela. Ce sont les policiers, les gendarmes et les bérets rouges du gouvernorat de la ville de Conakry qui sont venus les frapper et les envoyer à Coyah. Ça me gêne vraiment beaucoup qu’on vienne frapper des vieilles aux bras ou aux pieds coupés, des aveugles qui souffrent énormément. Ils ont même pris une vieille femme dont ils ont frappé les enfants candidats aux examens de 2021 et brûlé leurs dossiers. Ils ont ainsi fait perdre tous les dossiers de ces enfants qui ne peuvent plus faire leurs examens nationaux. Cela, ça joue beaucoup sur moi », a dit Amadou Diallo.

Face à tous les problèmes que vivent aujourd’hui les handicapés en Guinée, Amadou Diallo plaide pour plus d’attention et de tolérance à l’égard de ces personnes à mobilité réduite.

« Nous sommes plus de 3000 handicapés membres de l’union, répartis sur l’ensemble du territoire national. Sept (7) coordinateurs généraux répartis à leur tour dans les 7 régions administratives du pays. De nos jours, nous n’avons aucun moyen pour faire face à une situation d’un handicap, que ce soit son traitement à l’hôpital, la scolarisation de ses enfants ou leur prise en charge scolaire. Aujourd’hui, si on a un malade parmi nous, nous ne pouvons pas l’envoyer à l’hôpital ; parce que nous n’avons ni les moyens financiers, ni un véhicule pour le déplacer à l’hôpital pour le traiter. Donc, nous demandons aux personnes de bonne volonté, qu’on soit résidents en Guinée ou à  l’extérieur, de nous aider. Nous ne disons pas forcément qu’il faut qu’on nous donne de l’argent espèce, mais lorsqu’on aura besoin d’un matériel comme un véhicule ou un hôpital, si on nous aidait à  avoir ça, ça va beaucoup nous aider. Nous souffrons énormément », a indiqué le président de l’union nationale des handicapés de Guinée.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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