Guinée : plutôt ministre que député

Aboubacar Sylla, un des ministres qui ont boudé l’Assemblée nationale dans l’espoir de rester au Gouvernement

Moins d’un mois seulement après l’installation de la contestée nouvelle Assemblée nationale, celle-ci affiche déjà près de 11 départs dont un décès. Les dix autres n’en veulent. C’est une situation inédite. Etre député est une fonction enviable. Comble de paradoxe, la 9ème législature semble faire exception.

Parmi les honorables qui ne veulent pas honorer leur élection, il y a bien sûr des ministres qui préfèrent garder leur poste de membre du gouvernement. Les deux fonctions étant incompatibles. Mais ce qui pose problème c’est cette particularité guinéenne. Sous d’autres cieux, les ministres démissionnent du gouvernement pour rejoindre le parlement.

Parce qu’entre un ministre et un député il y a une différence de taille. Le premier est nommé. Tandis que le second est élu. Le ministre peut être limogé du jour au lendemain. Mais, le député, sauf en cas de flagrant délit, jouit d’une immunité parlementaire qui le protège et préserve son poste pendant toute la législature. Dès lors on peut s’interroger légitimement sur le choix de ceux qui ont préféré le poste de ministre à celui de député à l’assemblée nationale.

Cette cascade de démission s’explique-t-elle par le manque de légitimité de la nouvelle assemblée ou simplement par la volonté de garder un poste plus juteux ? En l’occurrence celui de ministre. Sachant que parmi les démissionnaires figurent des élus non membres du gouvernement on est plutôt tenté de croire à la première hypothèse. En effet, les nouveaux députés sont conscients que beaucoup d’entre eux ont été élus grâce au boycott des élections par les principaux partis de l’opposition. Et le nombre de départs un mois seulement après les élections en dit long sur l’état d’esprit qui règne à l’hémicycle.

Si la situation est moins compliquée pour les députés à la représentation nationale, il n’en est pas de même pour ceux qui sont élus sur la liste uninominale. Un député qui a été élu dans un scrutin dont le taux de participation tourne autour de 10% dans le meilleur des cas, a véritablement un problème de légitimité. Or c’est dans cette situation que se trouvent aujourd’hui beaucoup d’élus. Notamment dans les fiefs de l’opposition. D’ailleurs, les opposants qualifient ces élus de « préfets ».

Un député RPG à Labé ou à Boffa, cela n’était possible qu’à cause du boycott des élections par l’UFDG et l’UFR. Du coup, les élus de ces villes et beaucoup d’autres se retrouvent en cohabitation avec les maires de communes. Il est difficile pour un député élu par 10% de la population de parler au nom de cette même population. Surtout lorsqu’il a en face un autre qui, lui, a été élu par près de 80% de la même population.

Pour revenir au sujet, ministres démissionnaires à l’assemblée nationale ont choisi à leur risque et péril un poste éjectable à une fonction durable. Si jamais leur bienfaiteur ne les reconduit pas lors du prochain remaniement ministériel, ils risquent de se mordre le doigt. Même si nombre d’observateurs estiment que ces personnes ne lâchent jamais un morceau sans avoir obtenu la garantie de garder jalousement celui qu’ils ont solidement entre les mains.

Mais Alpha Condé est un homme imprévisible. Après avoir atteint son objectif, qui est celui d’une constitution qui lui ouvre une voie royale pour rester à Sékoutouréya, il pourrait se débarrasser d’un certain nombre de ministres. Un bémol tout de même. À la différence de son prédécesseur, le général Lansana Conté, qui était une machine à broyer les cadres, l’actuel président guinéen a montré qu’il est capable de garder un ministre pendant longtemps. Parfois pendant toute la durée du mandat.

Habib Yembering Diallo pour Guineemain.com

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