Inflation galopante, tueries non élucidées, alternance, FNDC… Ousmane Gaoual dit tout à Guineematin

Ousmane Gaoual Diallo

L’année 2019 a été marquée en Guinée par une actualité très chargée tant sur le plan socio-économique que politique. Des manifestations liées au projet de nouvelle constitution à la hausse du taux d’inflation, en passant par la corruption, les assassinats non élucidés de manifestants, l’année 2019 n’a pas été rose dans notre pays. Interrogé sur le bilan de l’année écoulée, Ousmane Gaoual Diallo de l’UFDG, principal parti de l’opposition, n’a pas été tendre avec la gouvernance actuelle de notre pays.

Le coordinateur de la cellule de communication de l’UFDG, a dressé un tableau sombre de l’état de notre pays sous le règne du président Alpha Condé. Ousmane Gaoual souhaite que l’année 2020 soit celle de l’alternance démocratique avec « une véritable prise de conscience de la classe dirigeante » pour prendre en compte les aspirations des populations.

Décryptage !

Guineematin.com : la page de l’année 2019 vient d’être tournée. Quel enseignement tirez-vous des douze (12) derniers mois, notamment sur le plan de la gouvernance de notre pays ?

Ousmane Gaoual Diallo : sur le plan de la gouvernance, je suis extrêmement déçu de là où nous arrivons en 2019. Au terme de cette année, nous avons continué à enregistrer encore des violations massives des droits de l’homme. Des assassinats récurrents des militants de l’opposition, sans que la justice de notre pays ne juge nécessaire d’ouvrir des enquêtes pour trouver les auteurs et les commanditaires. Pendant cette année, on a continué à aggraver le fossé entre les communautés de notre pays. Ce qui n’est pas de nature à garantir une paix durable et à garantir une cohésion pacifique entre les communautés dans une bonne gouvernance.

Guineematin.com : que peut-on retenir à votre avis sur le plan économique ?

Hon. Ousmane Gaoual Diallo : là également, nous avons constaté la reprise de l’inflation. L’inflation qu’on avait estimé avoir fait une pause, parce qu’à l’époque il y avait un flux de devises qui arrivaient, a repris de plus belle. Aujourd’hui, le dollar est à presque 10.200 GNF. Cela s’explique parce qu’il y a la prévarication de nos ressources financières, parce que l’Etat guinéen est complice de la vente massive des mines guinéennes sans qu’il y ait des retombées sur la population. L’absence des retombées est liée à la corruption, à l’enrichissement des gens autour du chef de l’Etat, c’est-à-dire le clan familial qui continu à s’enrichir sur le dos de la population. C’est quelque chose d’extrêmement négatif et même les recettes officielles minières sont domiciliées dans les banques étrangères comme à Singapour, au Qatar et non dans les banques primaires guinéennes. Or, s’il y avait ne serait-ce que 40% de ces recettes minières qui étaient domiciliées dans les banques primaires guinéennes, l’obtention des devises allait être facilitée parce qu’il y aurait eu une abondance de l’offre de devises sur le marché de devises guinéen. C’est la rareté qui fait la valeur. Au moins, cela allait être un ouf de soulagement pour les opérateurs économiques.

Guineematin.com : est-ce que c’est le même constat sur le plan infrastructurel ?

Hon. Ousmane Gaoual Diallo : en matière d’infrastructures, le pays est à l’arrêt. Les immenses chantiers qui ont été annoncés n’ont jamais vu le jour. Qu’il s’agisse de l’autoroute Coyah-Dabola, qu’il s’agisse du bitumage de certaines villes de notre pays. Et, en 10 ans, le chef de l’Etat n’a bitumé aucune route entre deux préfectures. C’est quelque chose de décevant, surtout quand on voit ce qui se passe au Sénégal, en Côte d’Ivoire où chaque jour, ces gens sont en train d’inaugurer des infrastructures de grande importance pour leurs pays. Des nouvelles universités ont été créées, des centres hospitaliers de dernières générations sont bâtis sur leurs sols. Même le Niger, qui est pourtant un pays pauvre et désertique, a inauguré l’un des plus grands centres hospitaliers sous le règne de l’actuel Président Issoufou. Qu’est-ce que nous, nous avons fait en Guinée ? Le chef de l’Etat qui inaugure des hôtels qui sont construits par des capitaux privés. Il n’a pas inauguré un seul ouvrage qui est lié au financement du budget national. Où va notre argent ? L’éducation est abandonnée, moins de 25% de taux d’admission au baccalauréat. C’est grave pour notre pays surtout lorsque des pays sont en train de titiller les 90% d’admission d’une génération au baccalauréat, nous on est en train de trainer avec moins de 25% de cas. La santé est oubliée, les infrastructures n’ont pas démarré. Notre pays a laissé une année 2019 très inquiétante. Donc, les perspectives pour 2020 sont encore plus graves lorsqu’on sait que la crise politique qui est née de la violation des lois, du refus par le gouvernement de respecter le cadre légal de nos élections aggrave les tensions politiques dans notre pays qui peuvent avoir des conséquences extrêmement dramatiques sur l’année 2020 parce que le mandat du président arrive à son terme et il n’a pas l’intention de céder le fauteuil. Et, tout refus de céder le fauteuil peut précipiter notre pays dans les conflits dont les conséquences vont être dommageables aussi bien pour la stabilité que pour l’économie de notre pays. Donc, il faut que l’année 2020, et là, c’est l’espoir que je nourris, que l’année 2020 soit une année d’alternance et de prise de conscience de la classe dirigeante. Qu’il (Alpha Condé : ndlr) accepte de se soumettre au suffrage universel qui est une injonction de nos lois.

Guineematin.com : jusque là vous n’avez décrit que le côté négatif. Pensez-vous que tout a été négatif en 2019 en Guinée ?

Hon. Ousmane Gaoual Diallo : ce qui est appréciable, c’est cette prise de conscience de cette opposition guinéenne qui a trouvé la nécessité de s’unir au-delà des petites divergences qui peut y avoir pour préserver les acquis démocratiques. Et puis la naissance du FNDC (Front National pour la Défense de la Constitution) qui est une véritable bénédiction pour les guinéens parce que c’est une organisation qui transcende les clivages ethniques et qui porte un espoir dans les revendications citoyennes de notre pays. Ce sont les réussites de 2019.

Guineematin.com : d’après vous donc, sur le plan de la gouvernance politique, il n’y a eu aucun acte positif ?

Hon. Ousmane Gaoual Diallo : écoutez ! Les guinéens continuent à être pauvres, à tirer le diable par la queue. Ils continuent à être assassinés sans justice, à vivre des élections frauduleuses et triquées. Ils continuent à voir un Etat qui est en déficience permanente avec ses lois. Je ne vois pas ce que je peux apprécier dans cette forme de gouvernance. L’Etat doit être vertueux dans le respect des lois parce que c’est lui qui fait les lois.

Guineematin.com : quel message particulier avez-vous à lancer à l’endroit des guinéens ?

Hon. Ousmane Gaoual Diallo : je souhaite aux populations de vivre l’année 2020 avec beaucoup plus d’espérance et de détermination parce que c’est le peuple débout qui fera préserver ses acquis. J’espère que chaque guinéen, à l’aube de 2020, prendra la résolution de faire en sorte de pousser les dirigeants du pays à être plus regardant sur l’intérêt des populations au détriment de leur intérêt personnel, qu’ils continuent à saigner les finances publiques sans que les guinéens ne voient l’intérêt de cette gouvernance. Je souhaite bonne et heureuse année 2020 à tous les guinéens.

Entretien réalisé par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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