Interdiction de la Chicha en Guinée : les gérants de lieux de loisir à Conakry s’indignent

Antoine Camara, Gérant au Restaurant le Miel, sis à Kipé

Dans un arrêté conjoint rendu public le mercredi dernier, 06 janvier 2021, les ministres en charge du Budget, du Commerce et de la Sécurité ont annoncé l’interdiction de l’importation, la commercialisation et la consommation de la Chicha sur le sol guinéen. Mais, cette décision qui est tombée comme un couperet sur la tête des inconditionnels de cette substance est aussi un coup dur pour les détenteurs des lieux de loisirs. Les gestionnaires, après avoir durement éprouvé par la pandémie de la COVID-19, perçoivent cette décision des autorités comme une opération de ratissage pour les achever dans leurs activités.

Rencontrés par un reporter de Guineematin.com hier, jeudi 07 janvier 2021, ces gérants des maquis, bars, restaurants et night clubs de la capitale guinéenne ont exprimé leur indignation face cette décision surprise, unilatérale et drastique du gouvernement.

Saoulin Soromou, Gérant principal du Night-Club le Bagataye, sis à Bambéto

« J’ai été surpris de la nouvelle. La Chicha, je peux dire que ça part ensemble avec nos activités. Les clients demandent tout le temps la Chicha. Je ne sais pas qu’est-ce qui a motivé l’État à prendre cette décision. Mais, ça va beaucoup jouer sur nous et sur notre économie. Et, vu qu’il n’y a pas trop d’emplois dans le pays, nous sommes des étudiants diplômés, on ne peut pas rester sans rien faire. C’est ce qui nous pousse à venir travailler ici pour se débrouiller. Il y a certains qui ont investi leur argent dedans pour créer leur propre entreprise. Étant donné que l’État interdit ça maintenant, moi je pense que ce n’est pas une bonne solution. S’ils pensent que c’est ce qui provoque la criminalité en Guinée, ils se trompent. Parce que la Chicha n’a jamais saoulé quelqu’un, ni poussé la jeunesse guinéenne à la violence. Franchement je ne sais pas sur quoi l’État s’est basé pour prendre une telle décision », s’est indigné Saoulin Soromou, gérant principal du « Night-Club le Bagataye » à Bambéto.

Pour ce jeune, le gouvernement cherche simplement à asséner le coup de glas aux tenanciers des bars et autres lieux de divertissement et de loisir. Car, pour lui, ce sont des investissements qui sont menacés d’anéantissement par cette interdiction.

« Ça va beaucoup jouer sur ceux qui ont choisi la vente de la Chicha comme leur business. S’ils peuvent créer d’autres moyens pour assister les gens, ça allait être bon. Parce que nous avons les stocks ici, il y a des qualités de Chicha qui s’achètent de 300.000 à 800.000 francs guinéens. Si tu as 5 sachets de ça, c’est de l’argent. Et, avec les matériels, chaque jour il faut renouveler. En un coup, tu entends qu’elle est interdite, c’est quand même touchant. Si l’État peut trouver un moyen pour nous assister, ça sera la bienvenue. Nos clients seront surpris aujourd’hui. Ceux qui n’ont pas appris la nouvelle, ils viendront demander. Mais, on ne va pas leur donner et ils seront déçus », a expliqué Saoulin Soromou avec un air désemparé.

Aujourd’hui, la Chicha est très rependu à Conakry. On peut se la procurer dans tous les lieux de divertissement. Et, les jeunes filles semblent battre le record dans sa consommation. Mais, dernièrement, on assiste à un véritable engouement pour la consommation domestique de cette substance jugée nuisible à la santé. Plusieurs jeunes possèdent le matériel et le « charbon » dans leurs maisons. Mais, pour Antoine Camara, gérant du restaurant « Le Miel » de Kipé, la Chicha est fumée par les jeunes pour se passer de la drogue. Et, il trouve son interdiction très déconcertante. D’ailleurs, il demande aux autorités de payer tous les stocks de Chicha pour permettre détenteurs de recouvrer l’argent qu’ils ont investis dedans.

Antoine Camara, Gérant au Restaurant le Miel, sis à Kipé

« La décision prise par le gouvernement va beaucoup jouer sur nous et sur la jeunesse. D’autres fument la Chicha pour ne pas fumer de la drogue. Ça vous permet de vous divertir. C’est une manière pour eux de passer leur temps. Nous allons perdre les clients et cela va avoir des conséquences négatives sur nous. Nous avons investi beaucoup dedans. Nous venons de payer le stock. Du coup, je me dis que ça s’est perdu. Parce que si le stock ne bouge pas, ça va se gâter. Pour cela, nous demandons à l’État s’il ne peut pas nous accorder un délai pour liquider le stock que nous avons, au moins qu’il nous dédommage. Comme ça, personne ne va perdre. Ils peuvent venir récupérer ce que nous avons et nous dédommager ou bien nous donner un délai de vente. Par exemple, au niveau de mon restaurant ici, il y a trois personnes qui sont directement employées pour gérer la Chicha. Mais, elles n’auront plus d’emploi, parce qu’il n’y a plus de Chicha », a indiqué Antoine Camara.

Mohamed DORÉ pour Guineematin.com

Tel : +224 622 07 93 59

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